Non, les Canadiens ne peuvent pas être emprisonnés juste pour avoir employé les mauvais pronoms

Plusieurs publications affirment que les Canadiens pourraient être condamnés à une peine de prison ou une amende s’ils utilisent les mauvais pronoms pour désigner les personnes. L’objectif de la loi C-16 adoptée en 2017 est de protéger les personnes contre les discriminations basées sur “l’identité de genre et l’expression de genre”, mais celle-ci ne régule pas l'usage des pronoms. Aucun Canadien n’a été condamné pour avoir utilisé des pronoms erronés.

Un article, mis en ligne peu après l’approbation du projet de loi C-16 par le Sénat canadien le 14 juin 2017, prétend qu’il est à présent illégal d’utiliser les mauvais pronoms (par exemple : utiliser des pronoms masculins pour parler d’une personne qui s’identifie comme étant une femme). L’article continue de circuler sur les réseaux sociaux et a été partagé plus de 10.000 fois en additionnant plusieurs publications.

Le projet de loi C-16 est un amendement à la Loi canadienne sur les droits de la personne et du Code criminel qui inclut “l’identité de genre et l’expression de genre” parmi les caractéristiques protégées contre la discrimination. Aucune mention n’est faite dans le document concernant l’usage des pronoms genrés.

L’application de ce projet de loi au Code criminel signifie que la loi canadienne interdit à présent la “propagande haineuse” contre les groupes qui peuvent être identifiés par leur identité de genre ou leur expression de genre. La loi autorise également l’application de peines plus strictes dans le cas où un délit est motivé par des préjugés négatifs envers l’identité ou l’expression de genre d’une personne.

Cependant, utiliser les mauvais pronoms ne constitue pas un acte de propagande haineuse ou de discrimination.

"Si c’est juste les pronoms, il ne se passera pas grand chose”, a expliqué à l'AFP Cheryl Milne, directrice du Centre David Asper pour les droits constitutionnels à l’université de Toronto.

La loi “réglemente des relations particulières", comme des relations marchandes, "elle ne concerne pas les gens dans la rue et le comportement au quotidien”, a ajouté Mme Milne.

Selon Milne, le fait d’employer à dessein les mauvais pronoms pourrait être un élément dévoilant une tendance à la discrimination, mais ne suffit pas à prononcer une peine d’emprisonnement. Si un employé refuse de respecter l’identité de genre de quelqu’un, son employeur pourrait être condamné à payer des dommages-intérêts, et l’employé en question pourrait être amené à compléter une formation de sensibilisation. Mais cela nécessiterait d’autres preuves qu’il y a eu discrimination, au-delà des simples pronoms utilisés.

C’est une façon de changer les comportements afin de mettre fin aux discriminations, mais ce n’est pas une loi punitive”, a précisé Cheryl Milne.

L’article erroné cite également un tweet de Jordan Peterson, un professeur à l’université de Toronto, qui accusait à l’époque le projet de loi d’être un premier pas vers “le contrôle de la parole” au Canada.

David Taylor, directeur de la communication de la ministre de la Justice et procureure générale du Canada, contacté par l'AFP, a souligné que “les amendements de C-16 n’ont pas éliminé les pronoms genrés, comme ‘il’ et ‘elle’, des langues anglaise et française.

Taylor a également affirmé n’avoir jamais entendu parler d’un citoyen canadien condamné à une peine de prison ou à une amende pour avoir employé le mauvais pronom. Une recherche par mot-clé dans les bases de données canadiennes ne révèle pas le moindre cas de ce type.

Brenda Cossman, professeure de droit à l'université de Toronto, a dit lors d'un débat avant le vote de la loi qu'il n'y a "rien dans le projet de loi C-16 qui pénalise le mauvais usage des pronoms".

Quelles conclusions en tirer :

Le projet de loi C-16 ne prévoit donc pas de peine de prison ou d'amende pour les personnes qui utilisent les mauvais pronoms.

En revanche, des organisations pourraient être amenées à payer des dommages-intérêts, mais uniquement si la justice établit qu’il y existe des preuves que ces organisations ont tendance à discriminer sur la base de l’identité ou de l’expression de genre.

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