Non, le gouvernement ne veut pas se débarrasser des voitures diesel pour des raisons fiscales
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- Publié le 26 juin 2018 à 10:18
- Lecture : 4 min
- Par : Jean-Gabriel FERNANDEZ
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Plus de 650.000 personnes ont partagé une publication de novembre 2017 qui accuse le gouvernement d’injustement s’acharner les véhicules à moteur diesel pour des raisons financières. “Je me demandais bien où était l'intérêt de cette fureur, de cette obstination et de cette ténacité à éliminer de toute urgence tous les véhicules au diésel !”, explique l’auteur.
Il soutient que le gouvernement veut se débarrasser des véhicules au diesel car le gazole est moins taxé, et que la disparition des voitures diesel “permettrait à terme, un ‘racket fiscal’ supplémentaire de plus de 11 milliards d’euros par an”. Il s’agit d’une théorie bien connue mais qui n’est pas correcte.
Un mythe vieux de plusieurs années
Le texte de cette publication est issu d’une chaîne d’emails qui circule depuis des années, et dont on trouve déjà des traces en 2015, comme dans les commentaires de cet article. A l’époque, le mail prétendait émaner d’un ingénieur de BP et non de Total, mais la démonstration était identique, au mot près.
Le diesel bénéficie effectivement d’une fiscalité allégée visant à soutenir l’activité économique, notamment le transport routier et l’agriculture qui utilisent largement des véhicules fonctionnant au gazole, ce qui en a fait le carburant le plus populaire en France. En 2016, il y avait 19,9 millions de voitures particulières avec un moteur diesel en France métropolitaine, contre 12,3 millions de voitures fonctionnant à l’essence. Cela mène à un manque à gagner très important pour le gouvernement: 6,9 milliards d’euros en 2011, selon un rapport de la Cour des Comptes, qui estime que ces moindres taxes ont “fortement contribué à la diésélisation du parc automobile français”.
Le gouvernement a désormais choisi de faire converger la fiscalité sur le diesel et l’essence. Tous les ans, de 2018 à 2021, la fiscalité sur le gazole devrait s'alourdir de 2,6 centimes par an et par litre. Le rapporteur spécial du projet de loi de finances 2018, le sénateur LR Jean-François Husson, a estimé que cette mesure, ainsi que l'augmentation de la fiscalité carbone, devraient accroître de 3,7 milliards d'euros les recettes fiscales de l’Etat. En 2021, les taxes sur le gazole devraient égaler les taxes sur l’essence.
La perte de l’avantage fiscal du diesel contribue au déclin de popularité de ces véhicules ces dernières années. La part de véhicules diesel dans les nouvelles immatriculation est passée de 67% en 2013 à 40% au milieu de l’année 2018.
Par ailleurs, à l’achat comme pour l’entretien, les voitures à moteur diesel sont réputés coûter plus cher que ceux qui fonctionnent à l’essence. L’avantage du diesel “s’est fortement réduit puisque les véhicules diesel neufs consomment en moyenne 4,8L/100 km, contre 5,6L/100 pour les véhicules à essence”, selon la Cour des Comptes en 2012, citant l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie.
Le diesel, plus polluant que l’essence ?
Selon la publication de Mario Tonelli, tout ceci est d'autant plus horripilant que c'est basé sur un "mensonge éhonté" du gouvernement: dire que le diesel est plus mauvais pour l'environnement que l'essence.
Il est vrai que les moteurs diesel consomment moins de carburant au kilomètre, et rejettent donc en moyenne moins de CO2. Mais ils rejettent aussi des oxydes d’azote, les NOx, comme le monoxyde d’azote (NO) et le dioxyde d’azote (NO2), qui favorisent les maladies respiratoires et cardiovasculaires.
Les véhicules diesel rejettent également des particules fines, qui pénètrent profondément dans le système respiratoire et provoquent des affections respiratoires (bronchiolites, rhynopharyngites, asthme, etc.) et qui ont été au coeur de nombreuses polémiques.
La publication de Mario Tonelli affirme que “les diésels actuels sont équipés de filtres qui piègent ces particules fines à hauteur de 99,9 %, c’est-à-dire qu’’ils n’en rejettent quasiment plus du tout”. Le chiffre est globalement vrai: ces filtres à particules arrêtent effectivement plus de 99% de la masse des particules fines, comme le notait en 2012 l’Académie nationale de médecine. Mais ces filtres laissent passer les plus petites, qui sont également les plus nocives pour la santé. Des filtres trop vieux ou abîmés ne peuvent également plus remplir leurs fonctions.
En 2012, après pourtant que les filtres à particules sont devenus obligatoires, l’association Airparif estimait que les véhicules diesel contribuaient “pour 91% des émission de NOx et pour 99% des émissions de particules de l’ensemble du parc roulant particulier” en Ile-de-France, alors qu’ils ne réalisaient que 76% des kilomètres parcourus.
Conséquence: en 2012, l’Organisation mondiale de la Santé a classé les gaz d’échappement des moteurs diesel comme cancérogènes avérés (groupe 1). Les gaz d’échappement des véhicules essence sont quant à eux considérés comme “peut-être cancérogènes” (groupe 2B) ce qui signifie qu’il n’y a pas assez d’éléments probants pour certifier qu’ils sont une cause de cancer chez l’Homme.