
Non, cette conversation entre Mazarin et Colbert n’est pas réelle
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- Publié le 27 juillet 2018 à 10:26
- Mis à jour le 27 juillet 2018 à 10:27
- Lecture : 2 min
- Par : Jean-Gabriel FERNANDEZ
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"Il y a quantité de gens qui sont (...) ni pauvres, ni riches...(...) C’est ceux-là que nous devons taxer, encore plus, toujours plus ! Ceux-là… plus tu leur prends, plus ils travaillent pour compenser ; c’est un réservoir inépuisable." Cette citation a réuni plus de 15.000 partages en une semaine.

Cette citation est attribuée au cardinal Mazarin et à Jean-Baptiste Colbert, deux ministres de Louis XIV ayant vécu au XVIIe siècle. "Et c’était il y a 4 siècles ! Vous pouvez relire et vérifier… tout est exact au mot près !", ajoute l’auteur de la publication.
Cette citation n’est pourtant pas vieille de 400 ans, et n’est pas à attribuer à Colbert et Mazarin. Elle est en réalité extraite du Diable rouge, une pièce de théâtre écrite en 2008 par le dramaturge français Antoine Rault. Cette oeuvre fictive retrace les derniers mois de la vie de Mazarin. En 2008 déjà, un extrait de la pièce avait circulé sur le web, comportant cette même citation. Cette dernière est depuis réapparue régulièrement sur internet, posant question sur son véracité.
A ce titre, la citation n’est pas exacte "au mot près", contrairement à ce qu’affirme la publication : la version du dialogue relayée sur les réseaux sociaux remplace "des Français qui travaillent" par "des honnêtes citoyens qui travaillent", et supprime la réplique de Mazarin "Colbert, tu raisonnes comme un fromage !" qui trahit la nature fictive de l’échange. On peut écouter le texte, tel qu'il a été rédigé, dans cet extrait de la pièce originale, avec Bernard Malaka en Colbert et Claude Rich dans le rôle de Mazarin :
Questionnés en 2010 sur leur site internet, les bibliothécaires de la Bibliothèque municipale de Lyon avaient déjà tranché : "Est-ce que la conversation entre Mazarin et Colbert que vous nous rapportez est vraie ? Incontestablement : non !" De même source, une annexe de l’oeuvre inclut un entretien avec l’auteur, qui explique lui-même que "la pièce respecte l’Histoire, mais c’est une fiction". Cette citation d'Antoine Rault est publiée par d’autres sources, qui corroborent cette affirmation.
Quant au metteur en scène du Diable rouge, Christophe Lidon, il a repris sur son site personnel une critique du Figaro évoquant la nature fictive de l'oeuvre : "Peu importent les libertés que prend Antoine Rault avec l'Histoire. On n'est pas ici à la Sorbonne, on est au théâtre".