
Non, cet homme ne se tire pas dessus à balles réelles
- Cet article date de plus d'un an
- Publié le 16 août 2019 à 09:59
- Mis à jour le 21 août 2019 à 17:16
- Lecture : 5 min
- Par : AFP Kenya, Mary KULUNDU
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L’un des posts Facebook partageant cette vidéo, que nous avons archivée ici, culmine à plus de 190.000 vues et 3.000 partages depuis sa publication le 23 juillet.

Sur cette vidéo, un homme se tire une balle dans la bouche avec trois armes de poing différentes. Après une détonation, l’homme recrache de la fumée et un morceau métallique. L’homme se vante ensuite de pouvoir protéger le président du Soudan du Sud, Salva Kiir.
Un autre post Facebook, partageant une version raccourcie de cette vidéo, affirme dans sa légende que ce soldat "montre ses pouvoirs spirituels". "Regardez, il crache les douilles comme s’il s’agissait de cacahuètes", lit-on également. "Je pense qu’il descend de la lignée des anciens Egyptiens".
Une troisième version de cette vidéo a été partagée avec cette légende : "Il n’y a qu’au Soudan du Sud qu’un soldat peut arrêter des balles avec sa bouche. Nous sommes courageux".
Comment nous avons su que cet homme ne tirait pas à balles réelles ?
L’AFP s’est rendue au stand de tir de l’association nationale des propriétaires d’armes à feu du Kenya à Kirigiti, au nord de Nairobi. Antony Wahome, président de cette association et expert en analyse balistique, a expliqué à l’AFP comment l’homme de la vidéo avait procédé pour que son arme ne le blesse pas.
"Ce qu’il a fait, c’est qu’il a séparé les différents composants des balles de son pistolet pour que la douille soit vide au moment où il appuie sur la détente. Quand on tire avec un pistolet muni de douilles vides, on entend une détonation et on voit de la fumée, mais il n’y a rien de plus", a expliqué M. Wahome à l’AFP.

Au cours de la démonstration faite par M. Wahome, nous avons noté une différence de détonation entre une arme chargée à balles réelles, et une arme ne tirant que des douilles. La détonation d’une arme chargée à balles réelles est très forte, quand celle qui émane de munitions à blanc fait moins de bruit. La vidéo ci-dessous - dont les sous-titres sont disponibles en cliquant sur l'onglet dédié - montre cette différence :
Une munition est composée de quatre éléments :
La douille - réceptacle contenant tous les autres composants des munitions
L’amorce - un composant explosif chimique qui enflamme la poudre quand le percuteur est enclenché
La poudre - un mélange chimique qui s’enflamme rapidement et se transforme en gaz quand il est enflammé
Le projectile - L’objet expulsé du canon. Une balle est un projectile, contenant parfois du plomb.


L’homme de la vidéo fait feu en n’utilisant que le premier des quatre éléments, ce qui explique qu’il ne soit pas blessé.
Pourquoi cette vidéo montre tout de même un geste dangereux
Arthur Alphin, un expert américain en balistique et officier de l’armée à la retraite, a déclaré à l’AFP que les balles réelles produisaient un effet de recul lorsque la gâchette était enclenchée. Cet effet de recul n’est pas visible dans cette vidéo - démontrant que cet homme tirait à blanc.
“Ce ne sont PAS des balles réelles. Il n’y a pas de véritable détonation, aucun effet de recul”, a-t-il déclaré à l’AFP par mail.
“L’homme que l’on voit dans cette vidéo est extrêmement dangereux. Il devrait être révoqué. Et si un enfant voyait cette séquence, et essayait avec de vraies balles ?”, a-t-il ajouté.
Les balles à blanc peuvent être mortelles
Si l’homme que l’on voit dans cette vidéo ne semble pas blessé, les balles à blanc peuvent être dangereuses.
Comme le rapportait le New York Times en 1984, l’acteur Jon-Erik Hexum, notamment vu dans la série télé US “Cover-Up” est mort après s’être tiré une balle à blanc dans la tête.
Qui est l’homme que l’on voit dans cette vidéo ?
Nous cherchons toujours à déterminer où et quand cette vidéo a été tournée. L’homme qui y apparaît porte ce qui ressemble à un uniforme de la Sudan People’s Liberation Army (SPLA), l’armée du Soudan du Sud. L’emblème de la SPLA - reprenant les couleurs du drapeau national - est visible sur sa poitrine, et l’insigne jaune et verte de l’armée est visible sur son épaule. Ci dessous, une capture d’écran comparant l’homme de la vidéo (à gauche) et la photographie de M. Kiir en uniforme du Soudan du Sud (à droite).

Un reporter de l’AFP au Soudan du Sud a identifié cet uniforme comme étant celui du Bataillon Tigre, la garde rapprochée du président.
Nous cherchons toujours à identifier l’homme de la vidéo - si vous connaissez son identité, vous pouvez nous contacter ici.