Non, cet enfant exécutant un prisonnier sur une vidéo de l'EI n'a pas été rapatrié en France
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- Publié le 21 juin 2019 à 11:45
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- Par : Rémi BANET, Daphné BENOIT
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« Voilà l'un des 09 "enfants" rapatriés d'Irak la semaine dernière », affirme l'un de ces posts Facebook du 16 juin faisant référence au neuf enfants mineurs expulsés de Turquie vers la France mardi 11 juin avec leurs parents, soupçonnés d'avoir séjourné en Syrie dans les territoires occupés par les organisations jihadistes.
Sur l'image, un jeune garçon à la peau blanche, en treillis militaire, pointe un pistolet en l'air, un prisonnier en tenue orange à genoux devant lui.
Ce cliché est une capture d'une vidéo de propagande du groupe jihadiste Etat islamique (EI), consultée par l'AFP. On y voit l'enfant exécuter à bout portant le prisonnier devant lui.
D'autres publications Facebook utilisent la même image - accompagnée du même texte - pour illustrer le rapatriement, survenu lundi 10 juin, de douze autres enfants de jihadistes français, dont dix orphelins, qui étaient retenus dans des camps de déplacés du nord-est de la Syrie.
En réalité, selon plusieurs sources interrogées par l'AFP, cet enfant ne fait pas partie des neuf enfants revenus en France mardi 11 juin, ni des douze autres mineurs rapatriés la veille dans le cadre de la politique de rapatriement humanitaire au cas par cas décidée par la France.
"L'enfant que l'on voit sur ces images ne fait absolument pas partie du groupe d'enfants rapatriés" la semaine dernière, a déclaré mardi à l'AFP une source gouvernementale française sous couvert d'anonymat.
"La photo ne colle pas avec les profils des enfants rapatriés la semaine dernière", a précisé une autre source française proche du dossier.
Environ 450 Français liés à l'EI sont actuellement retenus en Syrie, avait affirmé le 2 juin le secrétaire d'Etat français à l'Intérieur, Laurent Nuñez.
Selon les familles de Français partis en Syrie et en Irak après 2011 et leurs avocats, une centaine de mères et environ 200 enfants français, aux trois quarts âgés de moins de 5 ans, vivent actuellement dans les camps syriens où sont détenues des centaines de familles étrangères qui avaient suivi l'EI, qui a perdu en mars son dernier bastion territorial, Baghouz.
Le retour de ces enfants -- et de leurs parents -- représente un casse-tête politique et sécuritaire pour la France et plusieurs autre pays européens, et est un sujet brûlant dans l'opinion.
"Ils lui ont retourné le cerveau"
Sur la vidéo de propagande de l'EI, l'enfant est par ailleurs présenté sur un bandeau comme le combattant "Abu Abdullah al-Britani", soit "Abu Abdullah le Britannique" (voir ci-dessous).
Selon plusieurs médias britanniques, cet enfant serait "Jojo" Jones, le fils de Sally Jones, une Britannique ayant rejoint le groupe EI en Syrie, et connue pour avoir joué un rôle de recruteuse pour l'organisation jihadiste et pour avoir encouragé des attaques terroristes en Europe.
Le quotidien The Sun a notamment interrogé en septembre 2016 un homme présenté comme le grand-père de "Jojo" Jones, Terry Lynch. Ce dernier a indiqué au tabloïd avoir reconnu son petit-fils sur la vidéo de propagande de l'EI : "J'ai eu du mal à y croire, ça m'attriste énormément. Sa vie est gâchée", a-t-il déclaré, selon la retranscription de l'interview.
Une personne présentée comme le père de l'enfant - citée sous couvert d'anonymat par le Daily Mail en août 2016 - a elle aussi reconnu son fils sur les images de l'exécution : "C'était un enfant intelligent (...) Ils lui ont retourné le cerveau".
Fin 2017, l'ex-ministre britannique de la Défense Michael Fallon avait refusé de confirmer une information de la presse britannique selon laquelle "Jojo" Jones et sa mère ont été tués par un drone américain en Syrie plusieurs mois auparavant.
Contactés mercredi par l'AFP pour confirmer l'identité du mineur présent sur la vidéo, les ministères britanniques de l'Intérieur et des Affaires étrangères n'ont pas souhaité répondre.