
Non, ces médicaments contre le rhume ne sont pas interdits en France
- Cet article date de plus d'un an
- Publié le 01 avril 2021 à 11:04
- Lecture : 5 min
- Par : Sadia MANDJO
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"Humex", "Actifed", "Advil", "Nurofen rhume", "Rhin advil" et "Dolirhume": selon des publications massivement partagées depuis 2016 en Afrique francophone, ces six médicaments utilisés dans le traitement du rhume seraient "interdits en France", en raison de leur dangerosité.
Ces "médicaments entraînent des AVC (accidents vasculo-cérébral)", précisent leurs auteurs, qui demandent aux internautes de "partager" ce message pour "sauver des vies".
Ces posts, accompagnées d’une photo des six médicaments concernés, continuent de circuler largement sur les réseaux sociaux cinq ans après leur publication, et cumulent plus de 100.000 partages (1, 2, 3, 4).

Les six médicaments visibles sur ces publications font partie des vasoconstricteurs en comprimés, ou "décongestionnants", utilisés pour soulager des symptômes du rhume, comme la sensation de nez bouché. Ils ont pour effet de rétrécir les vaisseaux sanguins pour accroître la pression sanguine ou réduire localement les flots sanguins.
Contrairement à ce qu’affirment les publications virales sur Facebook, sont en réalité toujours en vente dans les pharmacies françaises. Ils sont "accessibles sans ordonnance", rappelle même Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). En revanche, ils sont placés "derrière les comptoirs" et ne sont pas en accès libre, précise-t-il.
Mise en garde contre les risques liés à leur utilisation
La prise de ces médicaments, en effet, n’est pas sans risques: elle exige de prendre des précautions, notamment chez les patients fragiles. Ces produits, bien que très répandus, "contiennent des molécules qui nécessitent une attention particulière", détaille Philippe Besset.
Première d’entre elles: la pseudoéphédrine, substance active permettant le décongestionnement nasal. "Cette molécule est sous la surveillance de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) en raison de ses possibles effets secondaires", notamment sur le plan cardiaque, explique le responsable de la FSPF.
La seconde molécule est le paracétamol, utilisé pour soulager les douleurs et faire baisser la fièvre. Jusqu’à la crise du Covid, il était en libre accès dans les pharmacies. Désormais, il fait l’objet de mesures plus strictes.
"C’est au pharmacien de juger s’il vous les donne ou pas", pour éviter les problèmes de "surdosage", précise Philippe Besset.
Mises en garde de l'ANSM
En octobre 2020, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a publié une mise en garde sur son site pour détailler les risques liés à la prise de produits décongestionnants, notamment chez certains types de population.
Les effets indésirables "pouvant être associés à l’utilisation de ces médicaments" sont "rares mais graves", explique dans cette note l’ANSM, qui cite notamment un risque accru d’"infarctus du myocarde" et d’"accident vasculaire cérébral ischémique ou hémorragique".
Contactée par l’AFP, l’agence a assuré qu’une communication constante était assurée concernant les effets secondaires induits par ces médicaments -- notamment auprès des pharmaciens, invités à poser des questions précises à leurs clients avant de délivrer les produits demandés.


Pour l’ANSM, la prise de ces médicaments ne doit ainsi pas excéder cinq jours. Elle est par ailleurs interdite aux enfants de moins de 15 ans, aux femmes enceintes et aux personnes présentant des antécédents et facteurs de risque d'AVC, ou bien souffrant d’hypertension artérielle ou d’insuffisance coronarienne sévère.
Depuis décembre 2017, l’ANSM a par ailleurs interdit de publicité une dizaine de médicaments contre le rhume, dont les six produits cités dans les publications virales. Cette interdiction concerne à la fois les publicités diffusées dans les médias, et celles affichées dans les officines pharmaceutiques.
20 à 25% de la population française touchée par le rhume chaque année
En octobre 2020, les académies de médecine et de pharmacie ont elles aussi tiré la sonnette d'alarme dans un rapport sur les prescriptions médicamenteuses dans le rhume de l'adulte d'origine virale. Dans ce document, les deux académies ont proposé la création d'un "Observatoire national du rhume" afin de recueillir des données fiables en termes d'épidémiologie et de consommation médicamenteuse.
"Aucun traitement du rhume de l'adulte n'a réellement fait preuve d'une grande efficacité", ont souligné ces sociétés savantes, pour qui l’usage de ces médicaments représente "à la fois un danger en termes de santé publique et de risque d'effet indésirable individuel, et un coût non justifié en termes de dépenses de santé".

Les rhumes, qui guérissent "spontanément en 7 à 10 jours sans traitement" selon l’ANSM, affecteraient chaque année 20 à 25% de la population et seraient six à sept fois plus fréquents que les syndromes grippaux, d’après les académies de médecine et de pharmacie, qui disent se baser sur des études américaines.
Entre 2012 et 2018, 307 cas graves dont 25 AVC ont été signalés aux autorités sanitaires après la prise de médicaments décongestionnants. Parmi eux, cinq décès ont été recensés, selon la pharmacovigilance qui assure la surveillance des médicaments auprès de l'ANSM.