Des étudiants irakiens prennent part à une marche antigouvernementale à Nassiriya dans le sud de l'Irak, le 18 février 2020. (AFP / Asaad Niazi)

Manifestations en Irak : la désinformation inonde les réseaux sociaux

  • Cet article date de plus d'un an
  • Publié le 29 février 2020 à 13:47
  • Mis à jour le 02 mars 2020 à 11:18
  • Lecture : 6 min
  • Par : Salsabil CHELLALI, AFP MENA
En Irak, les manifestations qui exigent depuis octobre 2019 un renouvellement total de la classe politique font l'objet d'importantes compagnes de désinformation sur les réseaux sociaux, tant à l'encontre des autorités que pour discréditer les manifestants.

A l'heure où les protestataires irakiens réclament le changement de leurs dirigeants, les accusant d'être corrompus et d'avoir dilapidé les richesses d'un des pays les plus riches en pétrole du monde, des centaines d'utilisateurs de Facebook ont diffusé une photo d'un enfant marchant sur ce qui semble être un oléoduc.

Ces publications relayées depuis décembre 2019 au moins, prétendent que l'enfant est Irakien, vivant dans une région misérable et en proie à la famine.

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Capture d'écran d'une publication Facebook réalisée le 20 décembre 2019.

Toutefois, en effectuant une recherche d'images inversée, nous avons constaté que la photo a en réalité été prise en juin 2019 à Mumbai en Inde, dans le bidonville de Dharavi comme indiqué ici par la banque d'images amaly.com.

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Capture d'écran d'une photo sur la banque d'images alamy.com réalisée le 29 février 2020.

Une autre image diffusée sur les réseaux sociaux prétend montrer un haut responsable militaire irakien embrassant la main d'un responsable iranien.

Illustrant la préoccupation des manifestants face aux ingérences iraniennes, la photo montre en réalité ce responsable embrassant la main d'un combattant irakien du Hachd al-Chaabi, coalition de paramilitaires désormais intégrée à l'Etat. 

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Capture d'écran d'une publication Facebook réalisée le 21 février 2020.

En effectuant une recherche d'images inversée, nous avons trouvé la photo sur le site officiel de la coalition de paramilitaires et nous avons retrouvé par ailleurs, d'autres photos du combattant irakien, affichant le drapeau du Hachd al-Chaabi comme ci-dessous, publié par le site d'informations aleshraq.tv

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Capture d'écran d'une photo sur le site aleshraq.tv réalisée le 21 février 2020.

Décrédibiliser les manifestants

Des publications sur les réseaux sociaux accusent également les manifestants de manipulation médiatique. 

Une vidéo qui prétend dénoncer des manifestants maquillés et faisant croire qu'ils ont été frappés montre en réalité une formation aux premiers secours organisée dans un hôpital de Najaf, au sud de Bagdad, avec l'ONG Médecins sans frontières (MSF).

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Capture d'écran d'une publication Facebook réalisée le 25 février 2020.

En suivant la piste de la formation de premiers secours, suggérée par les journalistes de l'AFP en Irak, et en effectuant une recherche par mots-clés (formation, MSF, hôpital général al-Hakim...), nous avons retrouvé une vidéo sur le site de MSF qui montre les mêmes personnes lors d'une formation organisée début février pour faire face aux situations de crise. 

D'autres images montrant des manifestants aux visages maquillés utilisées pour accuser les forces de sécurité de violences sont tirées des images d'une pièce de théâtre jouée le 17 janvier dernier sur la place Tahrir à Bagdad.

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Capture d'écran d'une publication Facebook réalisée le 21 février 2020.

Nous avons contacté les personnes à l'initiative de la pièce, qui nous ont confirmé l'information et indiqué qu'ils avaient partagé un extrait de la pièce de théâtre en hommage aux "martyrs" irakiens sur Facebook notamment.

Alors que les protestataires sont accusés sur les réseaux sociaux d'être au service de gouvernements étrangers, des milliers d'internautes ont diffusé des images prétendant montrer l'arrestation d'agents d'Israël, des Émirats arabes unis ou de la Jordanie qui incitaient les manifestants à se mobiliser et à bloquer des routes. Ces clichés datent d'événements antérieurs et sont sans relation avec les manifestations en Irak.

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Capture d'écran d'une publication Facebook réalisée le 10 février 2020.

La première est tirée d'un film documentaire sur la prison syrienne de Palmyre. La seconde est ancienne, diffusée sur internet depuis 2015 au moins. Elle a d'abord été présentée comme montrant des prisonniers libanais, puis a été utilisée comme photo d'illustration de différents articles de presse traitant des prisons arabes.

Dans le même contexte, une photo a été relayée comme celle d'un "infiltré saoudien" déguisé en femme dans les rangs des manifestants. Selon plusieurs médias égyptiens, c'est la photo d'un jeune homme arrêté pour enlèvement d'enfants, prise au Caire en 2017.

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Capture d'écran d'une publication Facebook réalisée le 12 décembre 2019.

Les nombreuses publications datant de 2017 prouvent que la photo n'a pas de relation aves les récentes manifestations en Irak. 

D'autres photos partagées sur les réseaux sociaux comme montrant l'arrestation d'un "réseau terroriste" visant à "semer la discorde" entre manifestants et forces de sécurité sont également anciennes et sans lien avec les manifestations.

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Capture d'écran d'une publication Facebook réalisée le 18 février 2020.

La première photo a été publiée pour la première fois sur internet, en septembre 2019 au moins, avant le début des manifestations. Des sites d'informations affirment qu'il s'agit d'une saisie de drogues et d'armes à Bassora  au sud de l'Irak.

La seconde photo est encore plus ancienne, déjà diffusée en 2018, comme montrant l'arrestation d'un groupe de trafiquants de drogues. 

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Capture d'écran d'une photo AFP réalisée le 29 février 2020.

Quant à la troisième photo, elle a été prise par un photographe de l'AFP le 1er août 2010. Elle montre l'arrestation de suspects d'attaques contre des chiites à Falloujah, à l'ouest de Bagdad. 

Depuis le début de la révolte inédite en Irak, près de 550 personnes ont été tuées et 30.000 blessées, des manifestants pour la plupart. Alors que les protestataires pointent du doigt les forces de sécurité, les hommes de main des factions armées et des partis politiques, les autorités assurent ne pas pouvoir identifier les auteurs des tirs et des assassinats ciblés de militants.

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