Richard Ferrand, le 17 octobre 2017, à l'Assemblée nationale (AFP / Patrick Kovarik)

Les votes des projets de loi dépassent-ils "souvent largement" la majorité Macron ?

  • Cet article date de plus d'un an
  • Publié le 06 décembre 2017 à 15:00
  • Lecture : 4 min
  • Par : Guillaume DAUDIN
Les votes des projets de loi ont-ils "souvent largement dépassé la seule majorité constituée par LREM et le Modem" ? Richard Ferrand, le patron des députés macronistes, a plutôt raison en l'affirmant dans Libération lundi.

L'ex-ministre, à qui le quotidien de gauche demande si le Palais Bourbon est une "chambre d'enregistrement", valorise le "travail de co-construction" puis ajoute : "je constate que les votes des projets de loi ont souvent largement dépassé la seule majorité constituée par LREM et le Modem. C’est vrai des ordonnances sur le travail comme de la loi sécurité intérieure."

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L'entretien de Richard Ferrand à Libération, lundi 4 décembre (Libération/AFP)

Situés au centre sur l'échiquier politique, les députés République en Marche et Modem ne sont en effet pas toujours seuls depuis fin juin à approuver les projets de loi soumis par le gouvernement d'Edouard Philippe, selon les données analysées avec Jules Bonnard, journaliste data à l'AFP.

Pour définir l'opposition, il faut d'abord évoquer le cas particulier des 33 députés dits "constructifs", réunis désormais dans un groupe appelé "UDI, Agir et Indépendants": officiellement classés dans l'opposition, ses députés se sont dits prêts à "travailler de façon constructive, libre et responsable avec le gouvernement" Philippe. Et lui apportent très régulièrement leurs voix.

Pour vérifier l'affirmation de Richard Ferrand, il faut donc aller voir les votes du reste de l'opposition, notamment parmi les 100 députés Républicains et les 31 députés Nouvelle Gauche (notamment PS).

Côté LR, 82 députés ont ratifié les ordonnances gouvernementales réformant le Code du travail (15 se sont abstenus), la première grande réforme sociale du quinquennat Macron. Et 19 députés ont approuvé le 6 juillet la prorogation de l'état d'urgence, soit l'intégralité des députés du groupe LR ayant voté ce jour-là.

Côté Nouvelle Gauche, 27 députés socialistes et apparentés ont approuvé le 10 octobre en première lecture le projet de loi sur la fin de la recherche et l'exploitation des hydrocarbures en France d'ici 2040, 3 s'étant opposés. Et 24 ont soutenu (contre 5 abstentions) le 3 octobre en première lecture le projet de loi antiterroriste, qui doit prendre le relais de l'état d'urgence au 1er novembre.

Ces exemples viennent donc plutôt confirmer l'affirmation de Richard Ferrand: la majorité s'est à plusieurs reprises élargie au-delà de son socle. Lorsque cela se produit, c'est soit sur sa gauche, soit sur sa droite, mais rarement les deux en même temps.

Reste un cas, qui fait plutôt figure d'exception: les lois dites de moralisation de la vie politique. La première partie de cette loi officiellement nommée "confiance dans la vie politique" a été approuvée par 43 députés LR (sur 52 votants) le 3 août la première partie de la loi, mais aussi par 10 députés Nouvelle gauche sur 11 votants. Le clivage renaît le 9 août: les LR ont presque systématiquement rejeté la seconde partie, qui a supprimé la réserve parlementaire, mais côté PS, 30 députés sur 31 votants l'ont approuvé.

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Un parlementaire vote à l'Assemblée nationale contre projet de loi sur la confiance dans la vie publique (AFP / Jacques Demarthon)

Cette capacité à susciter une adhésion élargie est à nuancer: tout d'abord, la majorité continue à souder contre elle l'opposition lors des votes sur les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale, navires amiraux des politiques gouvernementales qui sont traditionnellement clivants.

Ensuite, la majorité n'est que très rarement parvenue à obtenir le vote des 18 non-inscrits (et notamment des neuf députés d'extrême droite et FN), et jamais celui des 16 députés de la Gauche démocrate et républicaine (majoritairement communistes) ou des 17 de la France insoumise sur le vote des principaux textes depuis juin.

Reste que plus de cinq mois après le début de la nouvelle législature, la majorité Macron est plus unie et s'élargit plus facilement que la majorité Hollande.

Entre 2012 et 2017, pendant la XIVe législature, hormis les projets de loi touchant à la sécurité, dans un contexte d'attentats terroristes, et quelques rares autres textes, les votes ont été plus binaires: la majorité le plus souvent pour, l'opposition le plus souvent contre.

Durant ces cinq années, François Hollande a dû en outre affronter une contestation croissante au sein de la gauche, venant du Front de gauche, d'une partie des écologistes et des radicaux de gauche, mais aussi des "frondeurs" socialistes, qui ont reproché à longueur de séances à l'exécutif une politique qui aurait été trop favorable envers les entreprises.

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Les "frondeurs" socialistes, le 11 septembre 2016 à La Rochelle (AFP / Xavier Leoty)

A plusieurs reprises, le gouvernement a eu du mal à faire voter certaines dispositions, et a dû engager sa responsabilité à six reprises pour parvenir à l'adoption de certains textes majeurs et contestés, les lois Travail ou Macron. 

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