Un extrait de l'émission C à vous de France 5, le 10 avril 2018 (France 5 / Youtube / AFP)

Guerre de Bosnie: BHL évoque à tort les armes chimiques pour deux massacres

Dans l'émission "C à vous", l'écrivain Bernard-Henri Lévy a accusé les Serbes d'avoir "envoyé des armes chimiques sur le marché de Markala" de Sarajevo, référence à deux emblématiques massacres de la guerre de Bosnie (1992-1995) pour lesquels les armes chimiques n'ont jamais été mises en causes.

Dans "C à vous", le 10 avril, l'écrivain Bernard-Henri Lévy, interrogé sur les "révisionnistes en temps réel qui disent qu'il n'y a pas de preuves" de l'attaque chimique présumée en Syrie, a répondu (vers 7'30): "Ils disent toujours ça, je me rappelle en Bosnie, à Sarajevo, quand les Serbes ont envoyé des armes chimiques sur le marché de Markala, ou quand ils envoyaient tout simplement des obus monstrueux qui faisaient des carnages, des obus, non chimiques, on disait +non, ce sont les Bosniaques qui se le sont tirés eux-mêmes+. Ce discours-là, on l'entend depuis toujours, c'est juste dégueulasse, c'est une insulte aux survivants, aux morts, c'est une façon de faire mourir les enfants deux fois".

Cet extrait a été assez partagé depuis le 10 avril, date de l'émission, notamment via Youtube ou sur Twitter, avec des personnes lui reprochant ces propos.

Le philosophe, très actif pendant le conflit en Bosnie et qui s'est rendu sur place à l'époque et en a tiré un documentaire, Bosna!, fait référence aux deux massacres du marché Markale du 5 février 1994 et du 28 août 1995, un marché populaire de Sarajevo situé en plein coeur de la capitale bosnienne.

Lors du premier massacre, en 1994, 67 ou 68 personnes, selon les sources, ont été tuées. Lors du second massacre, en 1995, il y a eu 43 morts.

Mais comme l'explique Rusmir Smajilhodžić, journaliste de l'AFP à Sarajevo, "jamais une attaque chimique n'a été évoquée : ni à l'époque des faits, ni par la suite par des experts ou devant le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY)."

Le deuxième massacre avait poussé l'Otan à lancer le 30 août des frappes aériennes contre les positions des forces serbes, ouvrant la voie à la conclusion d'un accord de paix en novembre 1995.

Si le philosophe invoque donc à tort donc une attaque chimique dans le cas des massacres de Markale, sa seconde affirmation selon laquelle les Serbes accusent à tort les Bosniaques de s'être bombardés eux-mêmes repose sur des éléments cette fois plus solides.

Comme le rappelle Rusmir Smajilhodžić, "ces massacres continuent de faire l'objet d'un débat. Les responsables des Serbes de Bosnie affirment depuis le début que les obus n'avaient pas été tirés des positions serbes et que les Bosniaques (musulmans) en auraient été responsables pour provoquer l'intervention de l'Otan contre les forces serbes."

Lors du procès de Ratko Mladić devant le TPIY, Zorica Subotic, experte en balistique serbe, a affirmé en septembre 2015 selon l'agence Beta que c'est une mine télécommandée qui a explosé à Markale lors du premier massacre. Elle était convoquée comme témoin par la défense de l'ancien chef militaire des Serbes de Bosnie

Lors de son procès, Radovan Karadžić, ex-chef politique des Serbes de Bosnie, a lui évoqué en octobre 2012 "des corps de personnes qui étaient mortes de manière naturelle (et qui) avaient été pris à la morgue et mis sur la place du marché pour créer un sentiment de catastrophe".

Mais selon plusieurs jugements rendus par le TPIY, comme celui de Ratko Mladic (p. 4, en français) ou Dragomir Milosevic (p. 4, en anglais), les obus de mortier de février 1994 et d'août 1995 ont bien été tirés des positions tenues par les Serbes de Bosnie encerclant la cuvette de Sarajevo, par l'artillerie du corps Sarajevo-Romanija.

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