François Hollande et Jean-Marc Ayrault, le 21 février 2017 à Paris. (AFP / STEPHANE DE SAKUTIN)

La baisse de rémunération de 30% du gouvernement annulée en 2012 ? C'est faux

Mi-juillet 2025, le Premier ministre François Bayrou a expliqué vouloir parvenir à une cure budgétaire massive de 43,8 milliards d'euros à travers différentes mesures draconiennes, telles que le gel des prestations sociales et la suppression de deux jours fériés. Une annonce qui a suscité de vives réactions parmi les oppositions politiques de tous bords comme sur les réseaux sociaux. Des internautes s'en sont notamment indigné en dénonçant le fait qu'une baisse de 30% des revenus des membres du gouvernement avait, à l'inverse, récemment été annulée par une décision du Conseil constitutionnel. Mais si l'institution a bien censuré une telle initiative en 2012, la diminution des salaires des membres du gouvernement — mesure promise par François Hollande avant son élection — a bien été adoptée par décret, quelques semaines après la décision du Conseil constitutionnel. 

Décriée par les oppositions politiques, la cure budgétaire draconienne de 43,8 milliards d'euros annoncée le 15 juillet par François Bayrou pour 2026 - comprenant un gel des prestations sociales et des retraites, ainsi que la suppression de deux jours fériés - a également suscité de vives réactions sur les réseaux sociaux (1, 2).

Un utilisateur juge par exemple ce panel de mesures particulièrement "édifiant" au regard d'une décision du Conseil constitutionnel qui aurait récemment été adoptée "dans le plus grand silence", au point que "les journalistes [...] ne le savaient même pas !!!".

Etonnamment, est associée au post une photo notamment François Hollande aux côtés de Jean-Marc Ayrault, Premier ministre en poste lors de son quinquennat débuté en mai 2012. L'internaute en question partage d'ailleurs, en guise de source, une publication Facebook d'avril 2013 dénonçant le fait que "la baisse des revenus (Président, Ministres...) a été déclarée inconstitutionnelle et donc annulée".

"Par décision n°2012-654DC du 9 août 2012, le Conseil constitutionnel a déclaré non conforme à la Constitution l'article 40 de la loi de finance rectificative qui prévoyait la baisse de salaire de 30% du président, du premier ministre et du gouvernement. Donc, maintenant, ils sont beaucoup plus nombreux qu'avant... et payés autant. Comme c'est curieux, personne n'en parle... ?", peut-on également lire dans ce texte partagé plus de 164.000 fois depuis sa mise en ligne.

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Capture d'écran réalisée sur Facebook le 22 juillet 2025 et croix orange ajoutée le même jour par l'AFP.

Mais si une telle décision a bien été rendue par le Conseil constitutionnel le 9 août 2012, comme on peut le voir sur le site de l'institution (lien archivé), ces internautes omettent de préciser que la diminution de 30% des salaires du président de la République et du Premier ministre, promesse phare de campagne de François Hollande (lien archivé), avait bien été adoptée quelque semaines plus tard par décret.

Une baisse de rémunération bien effective depuis août 2012 

Retracer la chronologie de cette réduction de salaire, de son annonce par François Hollande pendant la campagne présidentielle à sa concrétisation effective en plusieurs temps une fois élu, permet de mieux en comprendre le cheminement. 

Invité du journal télévisé de France 2 en novembre 2011, le candidat du Parti socialiste avait indiqué, en réaction à l'annonce du gel du salaire du chef de l'Etat annoncée par François Fillon dans son plan de rigueur (lien archivé) : "Si je suis élu président de la République, si je forme un gouvernement, il n'y aura non pas un gel, il y aura une baisse de 30 % du salaire du président de la République et des ministres."

Le 17 mai 2012, deux jours après son investiture, François Hollande avait mis en place, par décret (lien archivé), la baisse effective de rémunération de 30% des membres du gouvernement (ministres, secrétaires d'Etat).

"Le décret met en œuvre la décision du Président de la République de réduire de 30% la rémunération des membres du gouvernement", indiquait le texte, précisant que cette décision s'appliquait aux "membres du gouvernement nommés à compter du 15 mai 2012". 

Dans le détail, leur rémunération passait donc de 14.200 euros à 9.940 euros pour un ministre et de 13.490 euros à 9.443 euros pour un secrétaire d'Etat.

Toutefois, comme l'indiquait ce même décret, la diminution de 30% pour le président de la République et le Premier ministre nécessitant "une modification législative", celle-ci devait donc être adoptée ultérieurement par une loi, tout en gardant un effet rétroactif à la date de leur investiture.

Le 31 juillet 2012, la baisse de salaire du président et du Premier ministre avait ainsi été votée - avec effet rétroactif au 15 mai - par le Parlement, dans le cadre de la loi de finances rectificative (lien archivé), à l'article 40 de ce texte. 

Mais le Conseil constitutionnel avait, dans sa décision du 9 août, invalidé cette mesure au motif qu'elle ne devait pas figurer dans une loi de finances, car cela était contraire à la séparation des pouvoirs. Un retoquage de forme qui invalidait également la diminution de salaire des ministres et secrétaires d'Etat décidée trois mois plus tôt par décret.

Le constitutionnaliste Guy Carcassonne avant quant à lui estimé a posteriori, auprès de Libération (lien archivé), que le gouvernement avait fait preuve de "maladresse" en tentant d'instaurer cette mesure par une loi, estimant que ses membres "ont probablement voulu aller trop vite et se sont mal renseignés".

Dès le 10 août 2012, Jean-Marc Ayrault avait pris acte de la décision du Conseil constitutionnel et fait savoir que "le gouvernement adopter[ait] sans délai les mesures réglementaires permettant de confirmer la baisse de 30 % de la rémunération du président de la République, du Premier ministre et des membres du gouvernement depuis leur prise de fonctions" (lien archivé).

Celle-ci a finalement été mise en place grâce à un décret publié le 24 août au Journal officiel (lien archivé), avec effet rétroactif au 15 mai 2012, comme l'avait notamment expliqué La Nouvelle République dans un article revenant sur l'affirmation trompeuse qui circulait (déjà) sur les réseaux sociaux (lien archivé). 

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