
La Namibie n'a pas annulé d'accord avec les Etats-Unis sur l’exploitation du gaz et du pétrole
- Publié le 17 juin 2025 à 18:57
- Lecture : 5 min
- Par : Tendai DUBE, AFP Afrique du Sud
- Traduction et adaptation : SUY Kahofi , AFP Côte d'Ivoire
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"La Namibie a annulé son contrat avec les États-Unis concernant l'exploitation de son pétrole et de son gaz", indique un texte publié sur Facebook le 29 mai.
La publication, accompagnée d’un montage de deux photos où l’on peut voir la présidente namibienne Netumbo Nandi-Ndaitwah et son homologue américain Donald Trump, explique que les autorités du pays "ont mis fin au contrat pétrolier et gazier avec les États-Unis et ont demandé au gouvernement américain d’arrêter immédiatement toutes les opérations minières en Namibie, alors que la Namibie s’aventure dans des opérations minières appartenant à l’État".
D'autres publications sur Facebook cumulant des milliers de commentaires, partages et mentions “j’aime” relayent la même assertion. Des affirmations similaires ont été aussi partagées en anglais sur X, TikTok et des blogs.
Cette rumeur s’appuie notamment sur le fait que la nouvelle présidente namibienne Netumbo Nandi-Ndatiwah, élue en décembre 2024 avec 57,31% des voix, a envoyé un signal fort dès le lendemain de son investiture en plaçant sous le contrôle direct de son cabinet les secteurs pétrolier et gazier florissants, alors qu’ils relevaient avant du ministère de l’Energie et des mines.
L’idée ? Centraliser la gestion des ressources en hydrocarbures du pays, dont la présidence espère qu’elles contribueront à transformer l'économie namibienne au cours des cinq prochaines années.

Mais affirmer que la Namibie aurait révoqué les contrats gaziers et pétroliers de toutes les sociétés américaines est faux. Aucune annonce officielle n’a été faite en ce sens, et la présidence a elle-même qualifié l’affirmation de “fake news”.
Démentis officiels
Une recherche effectuée via Google Search avec les mots clefs "Namibie contrat pétrolier Etats Unis" ou "Namibie contrat gazier Etats Unis", ou encore "annulation de contrat Etats Unis Namibie”, ne nous conduit vers aucun résultat probant évoquant une quelconque rupture de contrat.
Bien au contraire, la présidence de la Namibie a indiqué dès le 30 mai 2025 dans un démenti publié sur X que les publications évoquant une soi-disant annulation de contrats avec les Etats Unis relevaient de "fausses informations" ("fake news", tweet en anglais archivé ici).
Fake news! pic.twitter.com/nkpqjc2Vva
— Namibian Presidency (@NamPresidency) April 15, 2025
Contactée directement par l’AFP, la présidence namibienne a confirmé cette position le 4 juin 2025. "Le gouvernement namibien n'a à aucun moment annulé des contrats avec des investisseurs américains dans les secteurs minier, pétrolier et gazier", a ainsi déclaré l'attaché de presse de la présidence, Alfredo Hengari.
"Le gouvernement [namibien] n’a pas pour politique d’annuler des contrats qui sont contraignants", a-t-il ajouté.
Une information confirmée côté américain. "Les affirmations en ligne selon lesquelles la Namibie a annulé les contrats d’exploitation minière, pétrolière et gazière sont fausses", a ainsi indiqué le 11 juin à l’AFP un porte-parole du département d’État américain.
De nombreuses entreprises américaines, comme Halliburton, ExxonMobil ou Chevron, sont bien toujours implantées en Namibie dans le secteur du pétrole et du gaz, et ce avec l'accord du gouvernement namibien.
Le géant Chevron a ainsi signé en février 2025 - soit bien après l'élection de la nouvelle présidente - un accord lui conférant une participation majoritaire (80%) dans l'exploitation du permis d'exploration PEL 82, dans le bassin de Walvis, au large des côtes namibiennes. Namcor, la compagnie pétrolière nationale namibienne, détient elle 10% des parts de ce permis considéré comme l'un des plus prometteurs de la région.
Le mouvement devrait même s'accélérer dans les prochaines années. L'ambassade américaine est loin de décourager les investisseurs américains, affirmant sur son site internet que la Namibie pourrait "devenir l'un des 15 premiers producteurs mondiaux de pétrole d'ici à 2035".
Les investissements étrangers
D'énormes gisements potentiels ont en effet été découverts ces dernières années dans le pays d'Afrique australe. Le groupe portugais Galp Energia a ainsi découvert en avril 2024 un gisement au large de la Namibie qui pourrait contenir 10 milliards de barils de pétrole (dépêche AFP archivée ici).
Deux ans plus tôt, c'est le géant français des hydrocarbures TotalEnergies qui annonçait la "découverte significative d'huile légère et de gaz associé" au large des côtes namibienne, dans le bassin d'Orange, évoquant de "premiers résultats très prometteurs" qui "prouvent le potentiel" de cette zone (lien archivé ici).
L'exploitation de ces gisements se heurte parfois à des obstacles techniques et géologiques : la multinationale britannique Shell a ainsi annoncé en janvier 2025 une dépréciation de 400 millions de dollars liée des difficultés d'exploitation dans son permis du bassin d’Orange.
Pour autant, la Namibie pourrait bien devenir dans les prochaines années l'un des plus grands producteurs d'énergies fossiles. Si les récentes découvertes de gisements sont commercialement viables, elles pourraient plus que doubler le PIB du pays d’ici 2040, indique la Chambre africaine de l'énergie (lien archivé ici).

à l'extérieur de Walvis Bay, en Namibie. (AFP / Gianluigi Guercia)
De quoi changer la donne pour le deuxième pays le plus inégalitaire au monde, estiment les responsables politiques, même si ces industries sont extrêmement polluantes.
"Le secteur du gaz et du pétrole a le potentiel de transformer notre économie au cours des cinq prochaines années", estime ainsi la présidente namibienne Netumbo Nandi-Ndatiwah.
Elle espère que le fort potentiel du secteur garantira l’approvisionnement en énergie et permettra de créer des emplois. Et parie aussi sur les retombées économiques directes pour la compagnie pétrolière nationale Namcor, qui détient un petit pourcentage dans plusieurs permis d'exploitation, comme dans certains délivrés à Chevron ou à Galp Energia.
Ce n'est pas la première fois que de fausses informations touchent ces dernières semaines les relations entre la Namibie et les Etats-Unis. En avril déjà, une rumeur - dont l'AFP a prouvé qu'elle était erronée - affirmait que plus de 500 ressortissants américains avaient été expulsés du pays.