Une vidéo récente de la jeunesse ghanéenne en colère ? Attention, elle date de 2021
- Publié le 06 août 2024 à 17:17
- Lecture : 4 min
- Par : Emilie BERAUD, AFP Afrique
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Depuis la mi-juillet 2024, des publications diffusent un extrait vidéo de 30 secondes sur Facebook et X, où l'on voit un groupe d'hommes violement jeter des sacs dans le coffre d'un pick-up blanc.
En tendant l'oreille, pour tenter de discerner quelques mots parmi le brouhaha ambiant, on entend une voix masculine s'exclamer en anglais à la 28' seconde : "jobs, no rice" (des emplois, pas du riz).
"La jeunesse ghanéenne rejette des sacs de riz offerts par les politiciens. Nous voulons des emplois et non la nourriture. Quand les moutons politiciens cherchent le pouvoir", avance en légende de la vidéo un post publié sur X le 13 juillet et relayé près de 600 fois depuis (lien archivé ici).
Sur Facebook, d'autres publications mises en ligne entre le 11 et le 17 juillet relaient le même message, laissant ainsi croire que la vidéo est récente.
Ces images sont à chaque fois accompagnées d'une inscription en anglais, apposée en filigrane, indiquant noir sur blanc : "les jeunes Ghanéens rejette les sacs de riz des politiciens."
La diffusion de ces publications sur les réseaux sociaux s'inscrit dans un contexte préélectoral. En effet, les élections générales au Ghana se tiendront en décembre 2024. La présidentielle est particulièrement attendue dans ce pays d'Afrique de l'ouest où la situation économique est fortement dégradée (lien archivé ici).
Cependant, les images que nous vérifions sont anciennes : elles datent en réalité de 2021 et s'inscrivent dans un contexte très précis de politique locale.
Une vidéo datant de 2021
Pour retrouver l'origine de cet extrait, nous avons mené une recherche par image inversée à l'aide du logiciel InVid-WeVerify, qui permet notamment de séquencer une vidéo en plusieurs imagettes indépendantes.
Résultat : des images similaires à l'extrait que nous vérifions ont déjà été publiées, il y a plusieurs années, sur le site d'un média ghanéen reconnu.
En effet, le 20 juillet 2021, JoyNews diffusait sur son compte YouTube une vidéo de 43 secondes semblable à celle qui est actuellement partagée sur les réseaux sociaux (lien archivé ici).
A la même date, sur son site internet, la rédaction du média accompagnait la vidéo d'un article web intitulé (en anglais) : "Nous avons besoin d'emplois et non de riz ; plus de promesses vides - Les jeunes de Busunu rejettent le don du député de Damongo" (lien archivé ici).
Dans cet extrait vidéo mis en ligne il y a trois ans, filmée sous un autre angle, on reconnaît notamment un homme au t-shirt rayé vert, gris et noir (rectangle rougeà.
A partir de la 11ème seconde, on entend également, en anglais : "We need jobs... We need jobs... Jobs, no rice" (Nous avons besoin d'emplois... Nous avons besoin d'emplois... Des emplois, pas du riz).
Dans l'article publié par le média ghanéen JoyNews, on apprend ainsi que dans la municipalité de Gonja Ouest, dans le nord du pays, "une partie de la jeunesse (...) a rejeté des sacs de riz envoyés par le député de la circonscription de Damongo, Samuel Abu Jinapor, pour la célébration des festivités de l'Aïd-Ul-Adha".
Membre de l'actuel parti au pouvoir, Samuel Abu Jinapor est ministre des Terres et des ressources naturelles et membre du Parlement pour la circonscription de Damango.
"Les jeunes, qui ont été identifiés comme des sympathisants du New Patriotic Party (NPP) au pouvoir, ont déclaré qu'ils avaient besoin d'emplois de la part du député et non de nourriture", poursuit le média local, qui s'était entretenus avec des riverains du quartier au moment des faits.
"Les sources de JoyNews à Busunu ont également indiqué que les jeunes (...) sont des partisans du NPP en colère, qui se sentent trahis par leur législateur qui les a négligés en offrant des emplois à des partisans de l'opposition", complète le papier.
La vidéo actuellement relayée sur les réseaux sociaux est donc ancienne et s'inscrit dans un contexte politique différent des élections générales à venir.
Les tensions sont cependant vives au sein de la population ghanéenne, à six mois du scrutin qui portera au pouvoir le successeur du président Nana Akufo-Addo, élu en 2017, qui quitte ses fonctions après deux mandats successifs (lien archivé ici).
Le Ghana traverse sa plus grave crise économique depuis des décennies, marquée notamment par une inflation galopante, un sujet qui devrait dominer les débats.
Grand producteur de cacao et d'or, le pays possède également des réserves de gaz et de pétrole, mais la charge de sa dette a explosé, comme dans d'autres pays d'Afrique subsaharienne, sous l'impact notamment de la pandémie de Covid-19 et du conflit ukrainien.
