Les mammographies sont toujours pratiquées en Suisse
- Publié le 27 mai 2024 à 15:28
- Lecture : 19 min
- Par : Gwen ROLEY, Claire-Line NASS, AFP France, AFP Canada
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"LA SUISSE EST LE PREMIER PAYS AU MONDE À INTERDIRE LA MAMMOGRAPHIE. Les services de dépistage sont également suspendus dans certaines parties du Canada, en Italie, en Écosse et en Australie", assurent des publications partagées plus de 1.000 fois sur Facebook depuis le 13 mai 2024.
"50-60% des résultats 'positifs' sont faux ! Donc, être diagnostiqué avec un 'cancer du sein' dans 50-60% des cas prouve qu'il n'existait même pas. — pendant l'examen, le sein est comprimé avec un poids élevé de 10 kRa (1019 kg/m2) et ensuite le tissu mammaire sain et très sensible est bombardé de rayonnements radioactifs. — Stimule la croissance tumorale et la propagation des métastases ! — Une étude de 690 000 données montre qu'un grand nombre de cancers du sein se produisent chez des femmes en pleine santé après la mammographie", poursuit le post.
Des publications reprenant le même texte ont circulé au Québec et à Madagascar, et des messages semblables ont circulé en anglais, notamment au Canada.
Mais c'est faux : la mammographie est toujours pratiquée en Suisse, comme l'ont confirmé le ministère de la Santé et la Ligue contre le cancer suisses à l'AFP.
Les affirmations sur la dangerosité supposée des mammographies sont par ailleurs soit fausses, soit fondées sur des données mal interprétées ou factuellement inexactes, comme l'avaient déjà expliqué fin 2023 plusieurs experts de santé et de radiologie à l'AFP, en soulignant que la mammographie reste le meilleur outil d'imagerie disponible pour une détection précoce des cancers du sein - même si celle-ci présente aussi, outre ses bénéfices, des limites reconnues.
La mammographie toujours pratiquée en Suisse
En effectuant des recherches par mots-clés sur Google, l'AFP n'a pas retrouvé d'annonce officielle du gouvernement suisse annonçant une interdiction des mammographies.
Contacté par l'AFP, le ministère de la Santé suisse a expliqué le 14 mai 2024 que "la Suisse n'a pas interdit la mammographie", précisant que "les programmes de dépistage sont mis en place par les cantons".
"Ces rumeurs sont totalement fausses", a confirmé la ligue contre le cancer suisse auprès de l'AFP le 14 mai, ajoutant qu'elle "recommande et soutient les programmes de dépistage par mammographie" et "estime qu'à l'heure actuelle, les bénéfices des programmes de dépistage l'emportent sur les inconvénients".
"En Suisse, la mammographie est actuellement la principale méthode pour déceler un cancer du sein débutant. Elle est pratiquée dans tous les cantons de Suisse. Dans le cadre du dépistage organisé, toutes les femmes à partir de 50 ans reçoivent systématiquement tous les deux ans une invitation à se soumettre à une mammographie. Dans les cantons qui n'ont pas de programme, la mammographie est effectuée d'entente avec le médecin", développe la Ligue contre le cancer suisse.
Cela signifie que dans les cantons dans lesquels des programmes de dépistage existent, les femmes à partir de 50 sont invitées à réaliser des mammographies de contrôle tous les deux ans, qui sont remboursées par l'assurance-maladie suisse.
Dans les cantons sans ces programmes, des mammographies sont aussi bel et bien réalisées, et ne sont pas "interdites", à l'inverse de ce qu'affirment les publications sur les réseaux sociaux. La différence avec les cantons comportant des programmes est que, comme l'indique la Ligue contre le cancer suisse sur son site, "les coûts ne sont pas pris en charge par l'assurance-maladie de base. Ils peuvent éventuellement être couverts par une assurance complémentaire".
Selon un site dédié (lien archivé ici), en Suisse, en 2023, 18 des 26 cantons suisses proposaient des programmes de dépistage ou prévoyaient d'en proposer.
La réticence de certains cantons à organiser des programmes de dépistage reposait à la fois sur des raisons économiques (le coût des remboursements) et culturelles dans certains cantons (le fait que trop peu de femmes choisissent de réaliser leurs mammographies), détaillait le quotidien Le Temps dans un article (archivé ici) en 2007 et un autre (archivé ici) en 2017.
Dans une entrée (archivée ici) publiée en 2014 sur son site, le gouvernement suisse indiquait que "ces dernières années, les programmes de dépistage du cancer du sein ont fait l'objet de diverses polémiques. Leur utilité fait pendant à des surdiagnostics et à des inquiétudes parmi les femmes".
Le gouvernement suisse mentionnait notamment le "Swiss Medical Board", une organisation indépendante qui avait préconisé dans un document (archivé ici) de ne plus pratiquer des mammographies de détection automatiquement pour toutes les femmes en 2014.
Mais le gouvernement suisse concluait que ce rapport "n'apport[ait] aucune lumière nouvelle à ce sujet", ajoutant "maintenir, en totale identité de vues avec l'OMS et de nombreux pays d'Europe, ses recommandations en matière de dépistage par mammographie".
"Des études scientifiques montrent que, réalisé dans le cadre d'un programme soumis à un contrôle de la qualité, le dépistage par mammographie permet de réduire la mortalité par cancer du sein. De plus, lorsque le cancer du sein est décelé à un stade peu avancé, le traitement est généralement plus simple et moins lourd", estime aussi la ligue contre le cancer suisse auprès de l'AFP.
Elle admet néanmoins que "comme pour n'importe quel examen, la mammographie peut déboucher sur de faux résultats. Il se peut ainsi que des femmes doivent se soumettre à d'autres investigations qui révéleront finalement une tumeur bénigne ou, à l'inverse, que des femmes aient un cancer du sein qui n'apparaît pas ou n'est pas décelé sur la mammographie. La mammographie détecte également des tumeurs qui n'auraient probablement jamais causé de problèmes ('surdiagnostic'). Malheureusement, il n'est pas possible de dire aujourd'hui quelles tumeurs resteront inoffensives. Enfin, il se peut qu'on décèle une tumeur maligne à un stade où la guérison n'est plus possible".
Les mammographies aussi pratiquées en Italie, en Ecosse, en Australie et au Canada
Les publications sur les réseaux sociaux prétendent aussi que "les services de dépistage sont également suspendus dans certaines parties du Canada, en Italie, en Ecosse et en Australie".
L'AFP n'a pas pu retrouver de telles affirmations relayées par des sources officielles en ligne.
A l'inverse, le site (lien archivé ici) du ministère de la Santé australien indique que "les femmes de plus de 40 ans ont droit à une mammographie gratuite tous les deux ans", ajoutant que "les femmes âgées de 50 à 74 ans sont vivement invitées à en réaliser".
Le site du ministère de la Santé italien (lien archivé ici) indique aussi qu'un programme de "dépistage de cancer du sein s'adresse aux femmes âgées de 50 à 69 ans" est en place en Italie, et qu'il consiste en "une mammographie tous les deux ans", également prises en charge et donc gratuites pour les bénéficiaires.
L'agence de santé publique écossaise indique aussi sur son site (lien archivé ici) que "les femmes et les personnes transgenres ou non-binaires âgées de 50 à 70 ans sont invitées à réaliser des mammographies tous les trois ans".
La Société canadienne du cancer (SCC) a indiqué à l'AFP le 22 mai que les provinces et territoires du Canada établissent leurs propres recommandations en matière de consignes pour le dépistage du cancer.
Selon le site de la SCC (lien archivé ici), toutes les provinces et territoires canadiens disposent de programmes organisés de dépistage du cancer du sein, à l'exception du Nunavut (lien archivé ici).
Ce dernier a toutefois précisé à l'AFP qu'il n'y avait "aucune suspension" des mammographies sur le territoire, et que ses directives concernant les mammographies étaient fondées sur "les règlements et recommandations de l'hôpital d'Ottawa" (lien archivé ici).
Les autorités sanitaires de l'Ile-du-Prince-Edouard et de la Colombie-Britannique ont également confirmé à l'AFP que les mammographies étaient toujours pratiquées dans ces provinces (liens archivés ici et là), et que les sites dédiés à d'autres programmes de dépistage du cancer du sein dans d'autres provinces et territoires indiquent aussi que les mammographies y restent pratiquées (liens archivés ici, ici, ici, ici, ici et ici).
Des chercheurs ont constaté ces dernières années une augmentation du taux de cancer du sein chez les jeunes (liens archivés ici et ici). C'est pourquoi au Canada, des campagnes sont menées, notamment par la SCC, pour demander l'uniformisation des campagnes de dépistages à partir de l'âge à 40 ans dans tout le pays (lien archivé ici).
"Nous plaidons pour que les femmes et les personnes trans, non binaires et de genres divers présentant un risque moyen de développer un cancer du sein aient un accès équitable et rapide au dépistage du cancer du sein, quel que soit leur lieu de résidence", a déclaré la SCC.
Des chiffres sur les "faux positifs" interprétées de façon trompeuses
"50-60% des résultats 'positifs' sont faux ! Donc, être diagnostiqué avec un 'cancer du sein' dans 50-60% des cas prouve qu'il n'existait même pas", avancent aussi les publications pour tenter de justifier les prétendues interdictions de ces examens.
Une recherche de mots-clés permet retrouver une étude de mars 2022 (lien archivé) réalisée par des scientifiques de l'université de Californie à Davis dans laquelle figurent des chiffres sur des "faux-positifs" lors de mammographie.
Le communiqué de presse (lien archivé) de l'université annonçant la publication de cette étude s'intitule en effet : "la moitié des femmes fait face à des faux positifs de mammographie après dix années de dépistage annuel".
Comme le précise l'étude, un "faux positif" correspond à une mammographie considérée comme anormale lors de l'imagerie, alors que le sein n'est pas atteint d'un cancer.
L'étude constate qu'environ 12% des mammographies réalisées en 2D avaient fait l'objet d'un rappel à réaliser une nouvelle analyse médicale, et que seulement 4,4% de ces rappels, soit 0,5% du total, aboutissent à un diagnostic de cancer.
Le chiffre de 50% correspond à la probabilité globale, sur une période de dix ans, qu'une femme soit rappelée pour réaliser des examens supplémentaires. Ce chiffre est moins important pour les femmes plus âgées comme pour les femmes réalisant une mammographie tous les deux ans.
"Afin de détecter au plus tôt un cancer du sein, nous devons être très prudents et nous pencher sur tout résultat potentiellement anormal. Les femmes auxquelles on demande de revenir pour une imagerie supplémentaire ou pour une biopsie n'ont donc pas de raison de s'inquiéter. La grande majorité de ces résultats s'avère bénigne", explique, dans le communiqué de presse de l'étude, l'un de ses co-auteurs, Thao-Quyen Ho, radiologue à l'University Medical Center d'Ho Chi Minh-Ville, au Vietnam, et chercheur au département de médecine de l'université de Californie à Davis.
"Il ne s'agit pas de 'faux positifs', mais plutôt d'appels à réaliser des examens supplémentaires", précisait le 2 novembre 2023 à l'AFP Aleksandar Ivković, radiologue au centre de diagnostic Neo-Mac à Niš, en Serbie.
La radiologue Paula Gordon, professeure au département de radiologie de l'université de la Colombie-Britannique au Canada, expliquait en outre à l'AFP, le 5 novembre 2023, qu'un faux positif n'est pas un "mauvais" diagnostic.
"Le terme de 'faux positif' est trompeur. On l'emploie pour parler de 'fausse alerte', c'est-à-dire quand quelque chose d'anormal est observé sur une mammographie et mérite des examens complémentaires", développait-elle, soulignant aussi que les pourcentages avancés dans la publication sont sortis de leur contexte et incorrectement cités.
"Au Canada, en moyenne, pour 1.000 mammographies, 70 femmes sont amenées à réaliser des imageries supplémentaires. Certaines n'ont besoin que d'une ou deux imageries par mammographie de plus, d'autres doivent avoir recours aux échographies. Sur ces 70 femmes, onze ont besoin d'une biopsie [...] et sur ces onze personnes, quatre se voient diagnostiquer un cancer du sein".
La compression du sein lors des mammographies sans danger, les radiations, un risque faible
Le texte des publications prétend aussi que "lors de l'examen, le sein est pressé avec un gros poids de 10kPa (1019 kg/m2)" et exposé à des "rayonnements radioactifs", ajoutant juste ensuite que cela "stimule la croissance tumorale et la propagation des métastases".
Cette présentation est trompeuse puisqu'elle laisse penser que la compression ou les radiations lors des mammographies - ou les deux -, sont dangereux pour les patientes. Ce que les deux experts contactés par l'AFP ont réfuté.
"La compression est nécessaire pendant une mammographie pour étendre le tissu et détecter les cancers, mais également pour affiner le sein afin de nécessiter moins de radiation. Cela ne dure que quelques secondes. La compression est désagréable mais pas insoutenable", détaille Paula Gordon.
Aleksandar Ivković souligne qu'une pression de 10kPa (pascals) est considérée "sans risque" et comme "pouvant provoquer de la douleur chez environ 7% des femmes", mais sans autre conséquence pour la santé.
Si le texte viral évoque à tort des "rayonnements radioactifs" - alors que la radioactivité est une propriété des atomes, et pas des rayons -, il fait vraisemblablement référence aux rayonnements ionisants, un "type d’énergie libéré par les atomes sous forme d'ondes ou de particules", comme le précise le site de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), qui sont utilisés dans les rayons X.
L'humanité, qui est exposée à des sources naturelles de rayonnements ionisants telles que le sol, l'eau et la végétation, peut aussi être exposée à de plus fortes doses lors de certains examens médicaux, dont les mammographies, ainsi que le détaille un graphique de l'Agence de protection de l'environnement des Etats-Unis.
"Le rayonnement d'une mammographie compte parmi les plus faibles de tous les examens médicaux. Il a diminué au fil des décennies, et reste bien inférieur à la quantité 'autorisable' définie par les groupes de protection contre les radiations. Le risque de rayonnement d'une mammographie concerne seulement les femmes de moins de vingt ans, et, à des fins de dépistage, est négligeable pour les femmes de 40 ans et plus. Il est similaire au niveau de rayonnement naturel qui nous entoure lorsqu'on passe sept semaines au niveau de la mer", détaillait Paula Gordon.
Aleksandar Ivković soulignait pour sa part que si "la mammographie utilise bien des rayons X", "cette dose est trop basse pour affecter le tissu mammaire de manière positive ou négative".
Toutefois, l'accumulation de l'exposition aux rayons X (engendrée par une radiologie ou un scanner) peut mener, à long terme, à un risque de cancer.
Alors que le nombre de cancers du sein a tendance à augmenter chez les plus jeunes, d'aucuns s'interrogent sur la nécessité d'abaisser l'âge de ce dépistage par mammographie, qui permet de détecter tôt une éventuelle anomalie ou un cancer avant l'apparition de symptômes - et augmente ainsi largement les chances de guérison.
En 2022, la Commission européenne a ainsi recommandé d'élargir le public concerné de l'UE en abaissant à 45 ans l'âge à partir duquel les femmes sont éligibles à un dépistage organisé.
En mai, aux Etats-Unis, un organisme émettant des recommandations très suivies de santé publique a de son côté déclaré que les femmes devaient commencer les mammographies dès l'âge de 40 ans, et non plus 50 comme précédemment.
"40 ans, c'est sans doute trop tôt pour un grand nombre de femmes ; le risque c'est l'irradiation excessive", estimait Brigitte Séradour auprès de l'AFP dans une dépêche publiée début octobre (lien archivé).
"Aujourd'hui abaisser l'âge du dépistage peut sembler une bonne idée puisqu'il y a davantage de cancers de femmes jeunes, mais plus vous descendez l'âge plus vous exposez aux rayonnements", abondait Emmanuel Ricard, porte-parole de la Ligue contre le cancer.
Un nombre de décès évités avec le dépistage "largement supérieur" au risque de décès par "cancer radio-induit"
Sur son site (lien archivé), l'Institut national du cancer rappelle que, "comme tout acte médical, le dépistage du cancer du sein présente à la fois des bénéfices et des limites" et que "l'impact du dépistage sur la diminution de la mortalité par cancer du sein fait l'objet de débats, comme ses effets négatifs notamment en matière de surdiagnostic et de surtraitement".
"La mammographie expose à des rayons X et une exposition répétée peut parfois entraîner l'apparition d'un cancer. Elle ne doit donc être utilisée que si elle est utile", souligne ainsi l'Institut national du cancer, tout en précisant que "le nombre de décès évités avec le dépistage est largement supérieur au risque de décès par cancer radio-induit" puisque celui-ci est "de l'ordre de 1 à 10 pour 100.000 femmes ayant réalisé une mammographie tous les 2 ans pendant 10 ans".
"Si une femme suit strictement la recommandation de participation au programme de dépistage organisé de 50 à 74 ans, elle réalisera 13 mammographies au total. Son exposition aux rayonnements ionisants représentera alors au total le quart de celle provoquée par un scanner abdominopelvien, acte très courant", détaille encore l'institution, non sans rappeler que "les mammographies représentent en France moins de 2% de l'exposition totale de la population aux rayonnements ionisants".
L'autre risque mis en avant par les experts de santé, en cas de mammographies régulières, est celui de "surdiagnostic" d'une tumeur, détectée à l'imagerie mais qui n'aurait en fait jamais évolué en cancer du sein. Dans ces cas, un traitement ou une chirurgie auraient pu être évités.
Sur ce point, l'Institut national du cancer rappelle qu'en "l'état actuel des connaissances scientifiques, le diagnostic ne permet pas de distinguer les cancers qui vont évoluer – qui sont majoritaires – de ceux qui évolueront peu ou qui n'auront pas de conséquences pour la femme concernée (10 à 20% des cancers détectés)".
"Pour ces cancers, qui n'auraient pas été découverts en l'absence de mammographie, on parle de 'surdiagnostic'. Par précaution, il est proposé de traiter l'ensemble des cancers détectés, ce qui peut entraîner un 'surtraitement'. Les chercheurs travaillent actuellement à identifier les cancers susceptibles d'être peu évolutifs pour proposer des traitements adaptés", poursuit l'institution.
Plutôt que de retenir un critère d'âge, l'idée de proposer un dépistage basé sur le risque individuel pourrait faire son chemin.
Une étude clinique internationale baptisée MyPeBS (My Personal Breast Screening), financée par l'Union européenne, a déjà recruté plus de 53.000 femmes âgées de 40 à 70 ans dans six pays, avec l'objectif d'évaluer l'efficacité et la faisabilité d’un tel dépistage personnalisé.
L'étude doit notamment montrer s'il s'avère "plus efficace de proposer des mammographies plus fréquentes à des femmes à risque élevé de faire un cancer grave en fonction de leurs antécédents, densité mammaire ou profil génétique", décryptait dans cette même dépêche AFP Suzette Delaloge, directrice du programme de prévention personnalisée des cancers de l'institut Gustave-Roussy et coordinatrice de l'étude.
A l'inverse, "certaines femmes ayant un profil de risque moindre pourraient nécessiter un suivi moins poussé" que ce qui est actuellement recommandé.
Les mammographies ne stimulent pas la croissance des tumeurs
Le texte viral prétend que la mammographie "stimule la croissance tumorale et la propagation des métastases". Une affirmation qui ne se fonde sur aucune preuve ni source, pour laquelle l'AFP n'a pas trouvé la moindre étude scientifique, et que la radiologue Paula Gordon qualifie de "complètement" fausse.
"Cette contre-vérité émane d'un commentaire fait à l'improviste par le Dr Tony Miller, l'un des principaux contributeurs à l'étude canadienne nationale sur le dépistage du cancer du sein, réalisée dans les années 1980. Parmi les essais contrôlés randomisés de mammographie de dépistage, c'est la seule qui a mis en exergue un taux de mortalité plus élevé chez les femmes du 'groupe mammographie' comparé au groupe de contrôle", explique la spécialiste.
"Quand cela a été annoncé, juste avant la publication [de l'étude] en 1992, le docteur Miller s'est vu demander ce qui, selon lui, expliquait cela. Et il a répondu : 'peut-être que la compression des mammographies fait entrer les cancers dans le sang'. Cette citation a été très reprise dans les médias. Il est depuis revenu sur ses propos dans le Journal of the national cancer institute mais cette correction n'a jamais été faite dans les médias", poursuit Paula Gordon.
Une étude de 2013 visant justement à vérifier l'hypothèse selon laquelle la compression pourrait pousser des cellules tumorales a conclu que la compression des mammographies n'était pas dangereuse, après n'avoir constaté aucun signe d'un tel phénomène.
De plus, la mortalité plus importante observée dans le "groupe mammographie" de cette étude a depuis été expliquée (lien archivé ici) par le fait que les infirmières et les coordinateurs de l'étude ont vraisemblablement compromis (lien archivé ici) le processus de randomisation (de l'anglais "random", le hasard : les patients sont tirés au sort pour déterminer s'ils sont dans le groupe traitement ou dans le groupe placebo) des femmes qui se sont portées volontaires pour ces travaux, détaille encore Paula Gordon.
La mammographie n'est pas la cause des cancers développés chez certaines femmes
Quant à la dernière affirmation, selon laquelle "une étude réalisée sur 690 000 dossiers a montré que des femmes en pleine santé ont développé un cancer du sein dans un grand nombre de cas après des examens mammographiques", ️l'AFP a retrouvé sur Google Scholar une étude de l'an 2000 concernant 690.993 femmes âgées de 66 à 79 ans, pouvant faire l'objet d'une mauvaise interprétation semblable à celle avancée dans la publication.
Ses résultats étaient les suivants : "in situ [pour un cancer précoce], les [...] cancers du sein avaient plus de probabilité/chances d'être détectés parmi les femmes ayant réalisé une mammographie de dépistage".
Aleksandar Ivković déplore le fait que la publication virale propose une "interprétation sans fondement des données montrant que de nombreux cancers ont été découverts grâce à un dépistage", puisque "c'est justement le but d'un dépistage que de découvrir des cancers au plus tôt".
De son côté, Paula Gordon indique à l'AFP que "de nombreuses femmes sont évidemment atteintes d'un cancer à un moment donné [de leur vie] après avoir réalisé une mammographie", mais que "ce n'est pas dû à la mammographie".
"Parmi les femmes pour lesquelles le risque de cancer est dans la moyenne - lorsqu'elles n'ont pas d'antécédents familiaux, etc. -, une sur huit sera atteinte d'un cancer à un moment donné de sa vie. On sait que les femmes qui réalisent des dépistages ont 40 à 50% de chances de moins de mourir d'un cancer du sein que les femmes qui n'en font pas", conclut la radiologue.
C'est également ce qu'indique l'étude en question, après lecture intégrale : elle visait justement à déterminer si les femmes de plus de 69 ans qui font un dépistage sont moins à risque d'un cancer du sein avec métastase - une hypothèse vérifiée d'après les résultats de ces recherches.
Un dépistage régulier conseillé par les autorités sanitaires
Dans ses recommandations, l'initiative de la Commission européenne sur le cancer du sein recommande la mammographie comme une technique de dépistage précoce du cancer du sein chez les femmes qui n'ont pas de symptômes.
Elle préconise un dépistage tous les deux à trois ans pour les femmes de 45 à 49 ans, de 50 à 69 ans et tous les trois ans pour celles de 70 à 74 ans.
Aux Etats-Unis, les Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC) recommandent un dépistage tous les deux ans pour les femmes de 50 à 74 ans, tandis que celles de 40 à 49 ans sont invitées à consulter leur médecin pour savoir quand et à quelle fréquence réaliser une mammographie.