Les funérailles de victimes à Mweso en RDC ? Attention à cette photo décontextualisée

Les habitants de l'est de la RDC sont toujours menacés, chassés et parfois même tués par de violents combats opposant l'armée congolaise et le M23, une rébellion armée soutenue par le Rwanda voisin. Le 25 janvier, des affrontements survenus dans la ville de Mweso ont provoqué la mort d'au moins 13 civils, pris au piège dans cette localité du Nord-Kivu. Un jour plus tard, des publications prétendent montrer une photographie de leurs funérailles, mais c'est faux : cette image a été prise à des centaines de kilomètres de là, en février 2022, lors de l'enterrement de 62 victimes d'un massacre dans l'Ituri.

"Sécurisées par les #Wazalendo, les familles des victimes enterrent leurs morts à Mweso ce vendredi 26 janvier", avancent plusieurs publications diffusées sur Facebook et X le 26 janvier 2024, photographie à l'appui (liens archivés ici, ici, ici).

En mentionnant les "Wazalendo", les auteurs de ces messages font référence aux miliciens opérant aux côtés des forces militaires de la République démocratique du Congo (FARDC), en particulier dans la province du Nord-Kivu.

La cité de Mweso se trouve dans cette région de l'est du pays, en proie à de violents combats opposant l'armée congolaise et ses alliés au M23, une rébellion armée soutenue par le Rwanda. Ces conflits poussent à l'exode une part importante de sa population. 

Sur la photographie relayée sur les réseaux sociaux, on observe au moins une trentaine de cercueils déposés dans une immense fosse, présentés comme ceux des victimes civiles de récents affrontements à Mweso :

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Capture d'écran prise sur Facebook le 30 janvier 2024 / Croix rouge ajoutée par la rédaction de l'AFP

"Beaucoup des habitants crient vengeance et appellent les Wazalendo à frapper le Rwanda", ajoute la légende de ce visuel, incriminant les forces rwandaises voisines. 

La ville de Mweso a effectivement été reprise par les rebelles après une semaine d'affrontements intenses dans la ville, le 27 janvier, selon l'organisation Médecins sans frontières qui travaille dans l'hôpital local.

Au moins 13 personnes ont perdu la vie le 25 janvier, touchées par des frappes d'artillerie, attribuées à l'armée par des témoins joints par téléphone par l'AFP et des habitants rencontrés à Goma après qu'ils aient fui la ville.

La mission de l'ONU en RDC (Monusco) indiquait par ailleurs dans un point de situation que "le M23 aurait empêché le déplacement des populations de Mweso vers des zones plus sûres", et ce, pour "utiliser les civils comme boucliers humains en prévision d'éventuelles attaques" de l'armée congolaise.

Cependant, la photo partagée sur Facebook est ancienne et n'a aucun lien avec ces événements : elle a été prise à des centaines de kilomètres au nord de Mweso, près de Bule, dans la province de l'Ituri, en février 2022.

Les cercueils sur l'image sont ceux de 62 victimes d'un massacre attribué par les autorités aux miliciens de la Codeco (Coopérative pour le développement du Congo), un groupe armé structuré autour d'une secte religieuse.

Une photographie ancienne

Pour retrouver l'image originale, l'AFP a effectué une recherche d'image inversée à l'aide du moteur de recherche Google, conduisant notamment à cet article publié dans le quotidien français Le Monde (lien archivé ici) en juillet 2023.

En légende de la photographie d'illustration, il est indiqué qu'elle montre "Les cercueils de victimes d’un massacre attribué aux rebelles de la Codeco, près de Bule, en Ituri, en février 2022" et crédite le photographe

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Capture d'écran prise sur le site du Monde le 30 janvier 2024

L'AFP a documenté sous plusieurs angles, en photographie, la cérémonie d'inhumation collective de ces 62 civils massacrés par des miliciens dans un camp de déplacés le 1er février 2022.

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Des civils et des volontaires de la Croix-Rouge assistent le 4 février 2022 à l'enterrement de 62 personnes déplacées qui ont été massacrées dans la nuit du 1er février 2022 dans le camp de déplacés de Plaine Savo, près de Bule, dans la province de l'Ituri (JORKIM JOTHAM PITUWA / AFP)

Cinquante-trois cercueils de différentes couleurs, alignés sur deux rangées, ont été enterrés trois jours plus tard dans une grande fosse creusée dans la terre ocre, avait alors constaté un journaliste de l'AFP (lien archivé ici). 

Neuf autres corps ont été récupérés par leurs familles et enterrés dans leurs villages d'origine.

Hommes, femmes et enfants ont été tués dans ce carnage attribué à la milice Codeco (Coopérative pour le développement du Congo). Celle-ci prétend défendre les intérêts de la communauté Lendu et attaque principalement la communauté Hema.

De nombreux groupes armés et autres milices sévissent depuis trois décennies dans l'est de la République démocratique du Congo, un héritage des guerres régionales qui ont éclaté dans les années 1990 et 2000.

"Des victimes ont été découpées à la machette, les pieds et les mains coupés... C'est vraiment horrible ce que nous avons vécu", avait à l'époque déclaré Emmanuel Ndalo, président du site.

Celui-ci se trouve dans la province de l'Ituri, frontalière de l'Ouganda, à des centaines de kilomètres au nord de Mweso :

 

Des habitants et humanitaires pris au piège des combats dans l'est

Les habitants de la province du Nord-Kivu ne sont cependant pas épargnés par la violence ces dernières années. 

La zone est en proie depuis fin 2021 à un conflit qui oppose la rébellion du M23, appuyée par des unités de l'armée rwandaise, à l'armée congolaise, associée à des groupes armés et deux sociétés militaires étrangères.

Des milliers d'habitants et de travailleurs médicaux et humanitaires ont ainsi été pris au piège à Mweso (lien archivé ici). 

Le 25 janvier, au moins 13 civils dont des enfants en bas âge ont été tués par des tirs d'artillerie, selon un décompte fait par des habitants sur place, joints par l'AFP, dans deux zones résidentielles de la ville.

Des témoins ont indiqué "avoir vu les +bombes+ venir depuis JTN et Katsiru", des zones sous contrôle des FARDC (Forces armées de la RDC), et d'où ces dernières avaient bombardé Mweso, alors sous contrôle du M23, tuant un enfant de 6 ans et blessant deux civils.

L'armée a de son côté accusé "les terroristes du M23 appuyés par l'armée rwandaise" d'avoir "largué à l'aveuglette des bombes" sur la ville, entraînant "la mort de 19 personnes" et faisant "17 blessés".

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