Attention, ces images n'ont pas été prises à Goma le 20 janvier

Alors que le président de la République démocratique du Congo Félix Tshisekedi, largement vainqueur des élections de décembre qualifiées de "simulacre" par l'opposition, prêtait serment le 20 janvier pour un second mandat, des scènes de protestation ont été signalées à Goma, dans l’est du pays. Des publications montrant des barricades et des feux allumés dans des rues de cette ville ont été largement partagées sur les réseaux sociaux. Mais ces trois clichés sont anciens et deux ont été pris à Béni, une autre ville de RDC. 
Image
Capture d'écran d'une publication sur Facebook, réalisée le 28 janvier 2024

Félix Tshisekedi s'est offert un triomphe, avec plus de 73% des voix au terme  d'une élection à un seul tour et face à une vingtaine d'autres candidats (dépêche archivée ici).

Le 18 janvier, à deux jours de l’investiture du président, les principaux opposants Moïse Katumbi (18% des suffrages) et Martin Fayulu (environ 5%) ont réitéré leur demande d'annulation du scrutin. Ils ont appelé les Congolais à manifester leur mécontentement, sans appeler à des marches ou rassemblements, systématiquement réprimés selon eux.

Selon des correspondants de l'AFP, quelques pneus ont été brûlés dans la matinée du 20 janvier à Goma, chef-lieu du Nord-Kivu (Est), et des jeunes ont tenté de barricader des rues à Beni, autre ville de la province. Mais la police a vite rétabli l'ordre.

Un internaute prétend montrer l’ampleur de ces incidents avec la photo d’une route quasi déserte, jonchée de pierres et de planches en feu. "GOMA: la police a dispersé une manifestation des jeunes contre l'investiture de Félix Tshisekedi", alerte-t-il. 

D’autres images montrant aussi des pneus et barricades enflammés sont associées à d’autres publications censées montrer les violences à Goma. 

Des images de Béni en 2023

Photo 1

La première image a été prise en journée et montre une route encadrée de part et d'autre de bâtiments. Cette avenue est parsemée de pierres et de barricades en bois, certaines en flammes. Ce cliché est plus net dans un article en ligne évoquant des violences à Goma et à Béni le 20 janvier (archivé ici). 

Pourtant, une recherche d’image inversée de cette photo avec l’outil Google Lens permet de la retrouver dans un reportage publié le 15 mai 2023 par le média congolais Radio Oasis, basé dans la ville de Béni, dans l’est de la RDC. 

Image
Capture d'écran d'un article sur radiooasis.cd réalisée le 28 janvier 2024

L’article, signé de Gires Kasongo, évoque le mécontentement des jeunes du quartier de "Matonge" à Béni face à l'insécurité qui sévit dans leur localité. Contacté le 23 janvier 2024 par l’AFP, Gires Kasongo affirme qu’il est bien l’auteur de cette photo. "Je l’ai  prise le 15 mai 2023 dans la ville de Beni, quartier Matonge, rue Sivirwa", détaille-t-il à l’AFP.

Après une recherche sur Google avec les mot-clés "manifestation+Béni+insécurité+Matonge", nous avons trouvé cet autre reportage du 15 mai 2023 illustré avec une photo similaire à celle que nous examinons.

Image
Comparaison entre l'image qui circule sur les réseaux sociaux et celle (à droite) publiée en 2023 sur le site du média congolais Radio oasis.

Elle montre visiblement la même avenue, filmée dans un autre sens que dans l’image précédente. On y retrouve quelques éléments visibles dans le décor du cliché qui circule sur les réseaux sociaux. 

On y voit distinctement la plaque rouge floquée du mot  "Stella", et près de là, un long poteau en bois peint en bleu-ciel. On aperçoit le même mur orange.

Delphin Mupanda, l’auteur de compte-rendu, affirme à l’AFP qu’il est aussi l’auteur de cette autre photo. et qu’elle n’a "aucun rapport avec  Goma". 

Photo 2

Nous nous intéressons à la seconde photographie de la publication étudiée et utilisée pour montrer un mouvement d’humeur à Goma le 20 janvier 2024.

Image

Celle-ci apparaît également dans un article du 15 mai 2023 sur un mouvement d’humeur au quartier Matonge à Béni (archivé ici).  

Image

Contacté par l’AFP le 23 janvier 2023, l’auteur de cet article, Kizito Katembo, affirme à l’AFP que cette photo a été prise à Béni le 15 mai 2023 et qu’elle n’a aucun lien avec Goma ni avec des violences post-électorales.

Photo 3

La troisième image, publiée sur X, montre une large route encombrée d’objets en flammes d’où s’élève une épaisse fumée noire. En arrière-plan, on voit un groupe de plusieurs dizaines de personnes, debout. 

Image
Capture d'écran d'un tweet, réalisée le 28 janvier 2024

Cette photo accompagne un post du 20 janvier 2024 sur X (ex-Twitter) et est censée montrer le début des manifestations à Goma "pour l'activation de l'article 64 et l'annulation des élections."

Une recherche d’image inversée avec Google Lens révèle qu’il s’agit d’une photo créditée AP (l'agence de presse américaine Associated Press) dans une dépêche publiée le 19 septembre 2016 par le média américain Voa Afrique.

L’article décrit de violentes protestations à Kinshasa le 19 septembre 2016 contre le report de l'élection présidentielle.

Nous avons effectivement retrouvé la même photo sur le site de AP (archivée ici).

Image
Images comparées : à gauche un tweet publié le 20 janvier 2024 et à droite, la même photo publiée sur la site de Associated Press en 2026.

 "Les manifestations ont été organisées par des militants opposés au président de longue date Joseph Kabila, qui devrait désormais rester en fonction après la fin de son mandat en décembre", renseigne la description de AP.

Ces trois images sont donc faussement associées à des violences à Goma le 20 janvier. Toutefois, la RDC reste en proie à de graves défis sécuritaires et une vague de protestations post-électorales réprimées par la police. 

Défis sécuritaires

Après avoir annoncé le 31 décembre les résultats de la présidentielle, la Céni a publié le 14 janvier ceux des législatives qui, tout en provoquant eux aussi des contestations, dessinent une majorité pour "l'Union sacrée" formée autour du président (dépêche archivée ici).

Les principaux opposants, qui demandent l'annulation pure et simple des élections, avaient envisagé une manifestation dès le 27 décembre, mais elle a été interdite par les autorités et étouffée dans l'œuf par la police.

Depuis, les accusations de fraude, tricherie et autre "braquage électoral" ont continué et les craintes de violences demeurent, dans un pays au passé politique très agité.

Le 18 janvier, Moïse Katumbi et Martin Fayulu avaient réitéré leur appel à l'annulation du vote et demandé aux Congolais de manifester leur mécontentement le jour de l'investiture du président réélu, sans appeler toutefois à des marches ou rassemblements, systématiquement réprimés selon eux.

Selon des correspondants de l'AFP, quelques pneus ont été brûlés en début de matinée à Goma, chef-lieu du Nord-Kivu (Est), et des jeunes ont tenté de barricader des rues à Beni, autre ville de la province. Mais la police a vite rétabli l'ordre.

Après une trêve pendant les élections, les combats font de nouveau rage dans le Nord-Kivu, dont Goma est le chef-lieu, entre l'armée et la rébellion du M23, soutenue par le Rwanda voisin.

Vous souhaitez que l'AFP vérifie une information?

Nous contacter