Joseph Kabila félicite Félix Tshisekedi pour sa réélection à la tête de la RDC ? Cette vidéo est ancienne

La Cour constitutionnelle de la République démocratique du Congo (RDC) a confirmé la réélection haut la main de Félix Tshisekedi à la présidentielle du 20 décembre dernier. Sa victoire a donné lieu à la diffusion massive, sur les réseaux sociaux, d'une vidéo montrant Joseph Kabila, ancien président de la RDC, féliciter l'actuel président pour sa reconduction à la tête de l'Etat. Cependant, ces images sont anciennes et datent de janvier 2019. La famille politique de Joseph Kabila rejette au contraire les résultats du dernier scrutin et appelle à la tenue de nouvelles élections.

"Enfin, Joseph Kabila a félicité le Président Élu Félix Tshisekedi", prétendent plusieurs publications cumulant des milliers de vues sur TikTok, Facebook, X ou encore YouTube (liens archivés ici, ici, ici et ici) depuis le 2 janvier 2024.

Ces messages sont accompagnés par un extrait vidéo de 26 secondes montrant l'ancien président congolais Joseph Kabila prendre la parole depuis un pupitre à côté du drapeau de la RDC. 

On l'entend adresser ses "vœux  de plein succès au président élu monsieur Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo", président de la RDC, largement réélu par les Congolais lors du scrutin du 20 décembre dernier pour exercer un second mandat (lien archivé ici). 

"Qu'il soit assuré de pouvoir compter sur moi, chaque fois qu'il le souhaitera", avance encore dans le clip vidéo Joseph Kabila, à la tête du pays d'Afrique centrale de 2001 à 2019.

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Capture d'écran prise sur TikTok le 5 janvier 2024 / Croix rouge ajoutée par la rédaction de l'AFP

Ces images de l'ancien chef d'Etat sont bel et bien authentiques. Cependant, son allocution date de janvier 2019, après la première élection de Felix Tshisekedi à la présidence de la RDC.

Cette année, Joseph Kabila ne s'est pas publiquement prononcé sur le résultat des élections générales, nous ont confirmé deux cadres de son parti politique. Bien au contraire, le Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD) rejette en bloc le résultat du scrutin, dénonçant de multiples irrégularités dans son organisation. 

Une ancienne vidéo

Le clip vidéo diffusé sur les réseaux sociaux a été tronqué. Pour retrouver la vidéo complète et originale, l'AFP a effectué une recherche d'image inversée à l'aide du logiciel InVid-WeVerify, ainsi qu'une recherche à partir des mots clés "Joseph Kabila", "Félicite", et "Félix Tshisekedi". 

Les résultats nous ont conduits à des images de l'AFP, publiées sur YouTube le 24 janvier 2019 et accompagnées de la légende suivante : "Joseph Kabila, président sortant de la République démocratique du Congo, félicite le président élu Felix Tshisekedi". (lien archivé ici).

Sur le pupitre, on peut également lire que ce discours a été prononcé lors de la "prestation de serment et passation de pouvoir en RDC".

 

A l'époque, Félix Tshisekedi alors candidat de l'opposition succédait à Joseph Kabila à la présidence et s'engageait à tout faire pour ramener la paix dans l'est du pays, meurtri par 25 ans de conflits (lien archivé ici). 

La famille politique de Joseph Kabila boycotte les scrutins de 2023

Cinq ans après, Joseph Kabila est "loin de pouvoir féliciter Félix Tshisekedi pour sa réélection", déclare le 9 janvier à l'AFP Ferdinand Kambere Kalumbi, secrétaire permanent adjoint du PPRD, parti historique de M. Kabila.

"C’est une vieille vidéo qui remonte aux élections de 2018", confirme ainsi le numéro 3 du parti, après avoir visionné les images de Joseph Kabila diffusées sur les réseaux sociaux. 

"Il ne s'est aucunement prononcé sur l'actualité politique de notre pays", abonde auprès de l'AFP Patrick Kanga, rapporteur du bureau politique du PPRD, le 9 janvier. 

L’ancien président congolais a "signé un communiqué de presse" le 20 décembre 2023, à la date des dernières élections générales, définissant une "position claire et nette par rapport à cette organisation chaotique des élections", poursuit Ferdinand Kambere Kalumbi, qui nous a renvoyé vers un communiqué du Front Commun pour le Congo (FCC), coalition parlementaire à l'Assemblée nationale congolaise regroupant les partisans de Joseph Kabila. 

Dans ce document, la "famille politique de Son Excellence Joseph Kabila Kabange, Président de la République Honoraire", dénonce un "processus électoral enclenché et conduit en violation de la Constitution, de la Loi Organique relative à la Commission électorale nationale indépendante et de la loi électorale."

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Communiqué de presse du Front Commun pour le Congo (FCC) du 20 décembre 2023 transmis à l'AFP par le secrétaire adjoint du parti de Joseph Kabila

"Compte tenu des nombreuses irrégularités que nous avons constaté, nous demandons l’annulation des élections", avance encore Ferdinand Kambere Kalumbi.

En effet, le camp de Joseph Kabila rejette en bloc le résultat des élections générales.

Il avait d'ailleurs demandé à ses militants de boycotter l'ensemble des scrutins  mettant en cause le processus électoral et appelant à la tenue d'élections "réellement inclusives, libres et transparentes."

Tshisekedi réélu avec plus de 73% des voix

Un quadruple scrutin - présidentielle, législatives, provinciales et locales - était organisé le 20 décembre mais avait été prolongé d'au moins une journée pour cause de nombreux problèmes logistiques. Plus de 40 millions d'électeurs, sur un total d'environ 100 millions d'habitants de l'immense pays d'Afrique centrale, étaient appelés aux urnes.

A l'issue du scrutin présidentiel, la Céni (Commission électorale nationale indépendante) a annoncé la réélection haut la main du président Félix Tshisekedi avec 73% des voix, victoire confirmée par la Cour constitutionnelle.

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Le Président Félix Tshisekedi avec son épouse Denise Nyakero saluent ses partisans après l'annonce des résultats de l'élection à Kinshasa, le 31 décembre 2023. (AFP / ARSENE MPIANA)

Outre le camp de Joseph Kabila, les leaders de l'opposition ont aussi rejeté ce résultat et demandé l'annulation de ce "simulacre d'élections" et l'organisation de nouveaux scrutins. 

Les Eglises catholique et protestante, qui avaient déployé leurs propres observateurs électoraux, ont aussi indiqué avoir "documenté de nombreux cas d'irrégularités susceptibles d'affecter l'intégrité des résultats de différents scrutins en certains endroits", sans pour autant déclarer les élections frauduleuses.

Des tensions post-électorales sont redoutées dans ce pays à l'histoire politique agitée et souvent violente, au sous-sol très riche en minerais mais à la population majoritairement pauvre.

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