
Non, tous les retraités ne toucheront pas une pension minimale de 1.200 euros
- Cet article date de plus d'un an
- Publié le 15 février 2023 à 15:56
- Mis à jour le 01 mars 2023 à 13:00
- Lecture : 20 min
- Par : Gaëlle GEOFFROY, AFP France
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Le projet de réforme des retraites du second quinquennat d'Emmanuel Macron, qui prévoit un report de l'âge légal de départ de 62 ans à 64 ans, avec 43 années de cotisations, a été présenté le 23 janvier 2023 en Conseil des ministres. Entamé le 6 février, son examen au Parlement, qui doit durer jusqu'au 26 mars, se fait dans une ambiance électrique, avec en toile de fond des manifestations qui rassemblent régulièrement depuis fin janvier des centaines de milliers de personnes à travers la France.
Face à elles, le gouvernement insiste sur la justesse supposée de certaines mesures piliers de la réforme. Parmi elles, les fameux "1.200 euros" de pension de retraite "minimale" régulièrement évoqués par des ministres dans les médias. Mais contrairement à ce qu'ils affirment parfois, il s'avère que ce montant ne constituerait pas un plancher garanti, et que tous les retraités modestes n'en bénéficieraient pas.
"Pension minimale", "pour tous": les déclarations tous azimuts des ministres
La nécessité de relever les plus petites pensions a été actée au printemps 2022 par Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle : il propose alors "une pension minimale à taux plein à 1.100 euros par mois". Mille cent euros bruts, ou nets ? Le président candidat ne l'indique pas, mais il précisera le 13 avril qu'elle concernerait tous les retraités, futurs comme actuels.
Un an plus tard, le périmètre de la mesure a, comme nous le verrons, largement évolué, et on est désormais très loin de l'idée d'une "pension minimale" dont le montant serait garanti par la loi.
Le 10 janvier 2023, lors de la présentation de la réforme des retraites, la Première ministre Elisabeth Borne évoque dans son discours "une pension de 85% du Smic net, soit une augmentation de 100 euros par mois" et une pension de "près de 1.200 euros par mois" pour ceux ayant "cotisé toute leur vie avec des revenus autour du Smic".
Le sujet devient dans le même temps un levier pour la droite qui est en mesure de faire passer ou capoter la réforme globale selon qu'elle apportera ou pas ses voix à celles d'un camp présidentiel désormais sans majorité absolue à l'Assemblée nationale.
Evoquant les réponses du gouvernement aux conditions posées par Les Républicains pour qu'ils votent le texte, notamment sur ces "1.200 euros", le ministre de l'Economie Bruno Le Maire fait valoir le 6 février sur France Inter que "les 1.200 euros de pension minimale toucheront aussi ceux qui sont à la retraite", en plus des seuls nouveaux retraités évoqués par le gouvernement ces derniers mois. On peut entendre la déclaration de M. Le Maire à partir de 5'10 dans la vidéo ci-dessous.
Avant M. Le Maire, le ministre des Comptes publics Gabriel Attal avait assuré sur LCI, le 24 janvier : "On a montré qu'on faisait évoluer notre copie (...) On est passé de 1.200 pour les nouveaux retraités à 1.200 pour tous les retraités" (13e seconde de la vidéo) :
️ "Aujourd'hui, les femmes sont victimes d'inégalités dans la carrière [...] Ces inégalités se traduisent au moment de la #retraite. Dans le cadre de cette réforme, on prend des mesures pour corriger ces inégalités", assure @GabrielAttal à @agindre. pic.twitter.com/3njBbqsaVE
— LCI (@LCI) January 24, 2023
Puis le 28 janvier sur franceinfo, la secrétaire d'État chargée de l'Économie Sociale et solidaire Marlène Schiappa assurait que la réforme entérinerait "un plancher à 1.200 euros", tandis que le 12 février sur France Inter, le porte-parole du gouvernement Olivier Véran utilisait le vocable de "pension revalorisée minimale à 1.200 euros".
En pleines manifestations et tractations avec la droite au Parlement, le discours tenu par ces responsables du gouvernement laisse bien entendre que la pension à 1.200 euros serait un minimum et concernerait l'ensemble des retraités.
85% du Smic, carrière complète, revenus autour du Smic, augmentation de 100 euros par mois, 1.200 euros : mis bout à bout, les éléments évoqués par les ministres font aussi apparaître la mesure comme un maquis inextricable, loin de leur souci affiché de faire de la "pédagogie" auprès des Français sur ce sujet inflammable des retraites.
Les déclarations de certains ministres, comme celles du ministre des Relations avec le Parlement Franck Riester le 9 février sur BFMTV, ont été abondamment partagées et critiquées sur Twitter, comme dans ce tweet relayé plus de 6.000 fois au 15 février :
Pour le coup, bravo @AureCasse (et bravo @ZemmourMichael pour la démonstration qui a fait son chemin)
— Caisses de grève (@caissesdegreve) February 10, 2023
Je pense que Franck Riester ne s'attendait pas à ça. pic.twitter.com/KBob7eD8mI
"Problème démocratique"
Des économistes se sont penchés sur le détail des documents versés au débat par le gouvernement, et en concluentqu'il n'y a pas de montant minimum de 1.200 euros garanti dans le projet de loi, mais seulement un objectif de 85% du Smic net évoqué ; que la mesure ne concernerait pas tous les retraités, mais seulement ceux ayant à la fois une carrière complète au Smic et à temps complet ; que la revalorisation des pensions se ferait via une revalorisation du minimum contributif qui atteindrait au maximum 100 euros ; et que rare seraient donc ceux qui pourraient prétendre effectivement à percevoir 1.200 euros bruts mensuels - il faudrait qu'ils touchent déjà à l'heure actuelle un total de pensions de 1.100 euros.
"Dire que tous les retraités percevront un minimum de 1.200 euros, c'est vraiment faux. C'est un abus de langage. Ce chiffre n'est pas un plancher du tout. Ce n'est pas comme ça qu'il faut le prendre. C'est une espèce d'objectif que s'est fixé le gouvernement, et la seule chose concrète qu'il y a dans le projet de loi, c'est l'augmentation du minimum contributif de 100 euros par mois ; c'est le seul élément chiffré qui fasse sens", a expliqué le 8 février à l'AFP Mathilde Guergoat-Larivière, professeure d'économie, chercheuse au Centre d'études de l'emploi et du travail (CEET) et membre du Centre lillois d'études et de recherches sociologiques et économiques (Clersé).
Au moment où la réforme est attaquée par la gauche au Parlement et dans la rue, elle relève aussi qu'"il n'est pas anodin que 'les 1.200 euros' restent dans la communication du gouvernement..."
"La réforme ne garantit pas de pension à 1.200 euros mensuels, pas même pour une carrière complète", avait déjà relevé Michaël Zemmour, enseignant-chercheur à l’Université Paris I-La Sorbonne et chercheur associé à Sciences Po, dans une note de blog le 31 janvier. "En revanche elle prévoit la revalorisation de certaines petites pensions, celles qui ont été ou seront liquidées à taux plein (c’est-à-dire soit avec une carrière complète, soit à l’âge d’annulation de la décote qui a varié de 65 à 67 ans, soit en invalidité), pour un montant compris entre 0€ et 100€". Donc l'ampleur de la mesure serait selon lui "relativement limitée, et bien loin d'une 'pension minimale à 1.200 euros pour tous'".
Le 7 février sur France Inter, il a même estimé qu'il y avait "un problème démocratique" étant donné qu'en écoutant le gouvernement, "tout le monde comprend" qu'il y aura 1.200 euros pour tous les retraités, alors que ce ne sera pas le cas si la réforme est votée.
Une retraite de 1.200 euros brut minimum pour tous, promet le gouvernement ? "C'est complètement faux", estime l'économiste Michael Zemmour.
— France Inter (@franceinter) February 7, 2023
"Il y aura au moins une personne sur quatre qui sera en dessous", selon lui. #le7930interpic.twitter.com/KytJ0mBQWe
Pas de pension plancher, seulement un niveau "cible" à atteindre
Que dit le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale présenté le 23 janvier en Conseil des ministres et qui contient la mesure ?
Il évoque dans son article 10 une "majoration" pour les assurés "ayant travaillé à temps complet avec un revenu équivalent au salaire minimum de croissance (Smic, NDLR)", et ayant "cotisé" à "taux plein". Cette majoration pourrait permettre de se voir verser "un montant brut mensuel total des pensions de vieillesse" de base et complémentaires "au moins égal à 85% du montant mensuel du salaire minimum de croissance net des cotisations et contributions sociales obligatoires d’origine légale ou conventionnelle".

Le Smic net étant aujourd'hui à 1.353,07 euros, 85% de ce montant correspondent donc selon les calculs de l'AFP à quelque 1.150 euros, proches des 1.200 euros évoqués par le gouvernement - 1.200 euros bruts, desquels il faudrait encore ôter les prélèvements pour obtenir un montant net effectivement perçu par les retraités.
Mais même si l'on est bien proche des 1.200 euros bruts mensuels, le texte de loi ne grave en aucun cas dans le marbre une pension minimale de ce montant, expliquent les économistes. Car les modalités sont rédigées de telle manière ("analysant si") qu'elles constituent seulement un objectif à atteindre, qui serait surveillé par le comité de suivi des retraites. En effet, cet article 10 du projet de loi est versé à l'article L.114-4 du code de la Sécurité sociale qui porte sur les attributions de ce comité, chargé de veiller notamment au niveau des pensions des retraités, mais qui émet seulement des recommandations à destinations du gouvernement.
Lorsqu'il évoque ces 85% du Smic net, le document présenté par le gouvernement comme une étude d'impact parle d'ailleurs d'une "cible" à atteindre.

"Ca n'est pas une pension minimale, ni un montant garanti d'une manière ou d'une autre. La notion de 85% du Smic est dans le texte comme un objectif de pouvoir d'achat total pour un cas type (carrière complète et Smic à temps plein)", a souligné Michael Zemmour auprès de l'AFP le 13 février, en rappelant au passage que "l'objectif" d'une pension égale à 85% du Smic est déjà inscrit dans l'article 4 d'une loi de 2003 sans pour autant être respecté.
"Cette annonce ne vise pas la création d’un nouveau mécanisme de pension minimale, mais est l’illustration de la proposition d’augmenter le “minimum contributif” (parfois appelé par l’acronyme MICO) de 100 euros", confirment les économistes de l'Institut des politiques publiques Patrick Aubert, Maxime Tô et Carole Bonnet dans un article publié le 9 février sur le blog de l'IPP.
Une revalorisation d'un maximum de 100 euros
Qu'est-ce que ce minimum contributif ?
Rappelons que les retraités perçoivent chaque mois une pension globale, dont une partie du montant, la pension de base, est versée par le régime général de la Sécurité sociale. Les retraités les plus modestes dont les pensions de base sont inférieures à un seuil donné perçoivent en outre un "minimum contributif" ou Mico, qui hisse leurs pensions jusqu'à un seuil donné. Les retraites sont également complétées par les caisses des régimes complémentaires auxquels les retraités sont affiliés et ont cotisé pendant leur vie active.
Le projet de loi, lui, prévoit que ce Mico serait désormais indexé sur l'évolution du Smic, et non plus de la seule inflation, pour éviter un "décrochage" de son évolution - ce qui constitue une avancée.
Parallèlement, la hausse du montant brut total des pensions de retraite défendue par le gouvernement se ferait via une "revalorisation du minimum contributif ", qui pourrait aller "jusqu'à 100 euros", dont 25 euros pour le Mico dit de base et 75 euros pour le Mico dit majoré, comme il est clairement expliqué dans l'exposé des motifs de l'article 10:

"Ainsi, le montant évoqué de 1.200 euros au Smic correspond en fait à la somme du minimum contributif et du montant de pension des régimes complémentaires", confirment les économistes de l'IPP.
Des critères pour être éligible à la revalorisation
Pour bien comprendre, il faut entrer dans le détail du fonctionnement du Mico, qui permet de hisser les retraites les plus modestes, constituées à partir de faibles salaires, jusqu'à un montant donné.
Tout d'abord, "seuls les assurés qui partent à la retraite au taux plein (par la durée validée, l’âge, ou en référence à leur situation d’ex-invalidité ou d’inaptitude) y sont éligibles", rappelle la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) dans une note.
Le montant du Mico de base était au 1er janvier 2023 fixé à 684,14 euros bruts par mois pour un retraité dont la carrière est complète avec tous ses trimestres validés, selon le site service-public.fr.
Avec ce mécanisme, "si votre retraite de base est inférieure, elle est augmentée jusqu'au niveau de ce minimum" de 684 euros, est-il expliqué sur ce site. A l'inverse, si la carrière n'est pas complète, le Mico de base est calculé au prorata des trimestres validés.
S'y ajoute un Mico dit "majoré", d'un montant maximum de 63 euros, auquel peuvent prétendre uniquement ceux qui comptent au moins 120 trimestres cette fois non pas validés mais cotisés, effectivement travaillés (rappelons en effet qu'un assuré peut voir un trimestre d'activité validé, pendant une période de chômage, d'invalidité ou de congé parental par exemple, mais ne pas avoir perçu sur cette période de revenu suffisant pour que le trimestre soit considéré comme cotisé).
Ce Mico majoré est proportionnel au nombre de trimestres pour lesquels l’assuré a cotisé dans le régime général : il peut toucher le maximum de 63 euros s'il a cotisé les 168 trimestres requis pour une retraite à taux plein.
Actuellement, un retraité qui remplit toutes ces conditions peut donc, en théorie et au maximum, percevoir 684 euros bruts mensuels de Mico de base + 63 euros de majoration, soit un total de 747 euros de pension.
A noter que l'addition de ce montant total de Mico et de sa retraite complémentaire ne doit pas dépasser un plafond aujourd'hui fixé à 1.309 euros, sinon le minimum contributif est écrêté.

Des hypothèses très théoriques
Quels seraient les effets de la réforme du gouvernement sur ces montants ?
La revalorisation de 25 euros du Mico de base prévue par le texte le ferait passer de quelque 684 à 709 euros pour une carrière complète.
Revalorisé de 75 euros, le maximum du Mico majoré serait, lui, porté à 138 euros (63 euros + 75 euros), pour 172 trimestres cotisés (et non plus 168 comme actuellement). Avec, toujours, un calcul au prorata des trimestres cotisés pour ceux n'en ayant pas suffisamment.
Ainsi, après la réforme, un retraité ayant une carrière complète à temps plein, ayant validé et cotisé l'ensemble des trimestres requis pourrait, en théorie, toucher au maximum 709 euros de Mico de base + 138 euros de Mico majoré, soit 847 euros. En théorie toujours, il faudrait donc qu'il perçoive 353 euros bruts de retraite complémentaire mensuelle pour atteindre le fameux niveau des 1.200 euros, selon les calculs de l'AFP.
Pour Mathilde Guergoat-Larivière, "cet objectif des 1.200 euros est donc une espèce d'extrapolation du gouvernement avec l'hypothèse qu'un tiers de la pension de retraite est constituée de la retraite complémentaire". Or, il existe autant de niveaux de pensions complémentaires différents que de retraités et de caisses de retraites complémentaires...
On voit donc que ce montant de 1.200 euros bruts évoqué par le projet de réforme s'avère être un objectif et non un plancher garanti par la loi, que la hausse annoncée de 100 euros du minimum contributif est un maximum, soumis à conditions : une carrière complète au niveau du Smic, et à temps plein, comme l'a d'ailleurs lui-même confirmé le ministre du Travail Olivier Dussopt le 8 février sur France Inter: "l'idée, c'est d'atteindre cette barre des 1.200 euros pour les personnes qui ont travaillé toute leur vie au niveau du Smic, et avec l'intégralité des trimestres" cotisés, c'est-à-dire "une carrière complète au Smic et à temps plein".
Les très petites retraites "très peu concernées"
Tous les retraités n'auront donc pas droit à une revalorisation.
"Parmi les gens au Mico aujourd'hui, 60% n'ont pas de carrière complète", souligne Mathilde Guergoat-Larivière : ils ont donc déjà non seulement une retraite bien inférieure aux 1.100 euros de pension susceptibles de permettre d'atteindre le seuil des 1.200 euros après revalorisation du Mico, mais peuvent de toute façon exclure d'office d'être éligibles à la revalorisation maximale de 100 euros, puisque, par définition, leurs carrières sont incomplètes.
"Ces petites pensions seront très peu concernées par la mesure", estime l'économiste. "Et même parmi les 40% restants qui ont une carrière complète, rares seront ceux qui percevront les 100 euros bruts, car il y aura des effets de seuils. Ils ne seront en tout cas pas la majorité, et leur nombre est très difficile à estimer", ajoute-t-elle.
"Etant donné la complexité des règles de calcul du minimum contributif, l'impact de l'augmentation annoncée par le gouvernement aura des effets très différents sur les montants de pension de ces retraités" éligibles au Mico, abondent les économistes de l'IPP, qui ont publié sur leur blog des simulations en fonction de divers cas de figure.
Chiffres contestés pour les nouveaux retraités
Connaître les effets escomptés de la réforme a viré à la bataille de chiffres entre gouvernement et oppositions dans les débats à l'Assemblée nationale. Cette bataille a fait apparaître les approximations d'Olivier Dussopt, qui a finalement concédé que le nombre de nouveaux retraités qui passeront le seuil des 1.200 euros bruts mensuels grâce aux revalorisations du Mico devrait être bien moindre que ce qu'il avait annoncé initialement.
Il a d'abord fallu attendre le 15 février sur France Inter pour que le ministre du Travail donne une estimation de leur nombre avec des chiffres qu'il a alors dit n'avoir reçus que la veille : parmi les nouveaux retraités, "40.000 personnes de plus chaque année" passeront le cap des 85% du Smic "grâce à cette réforme".
Mais le député PS Jérôme Guedj, qui, en tant que coprésident de la mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la Sécurité sociale dispose de pouvoirs d'investigation, a contesté dès le lendemain ce chiffre, affirmant n'avoir pu le recouper auprès de la Direction de la Sécurité sociale (DSS).
"La DSS indique que 13.289 personnes de la génération 1962, liquidant leur retraite en 2024, bénéficieront d'un gain de 100 euros", soit le maximum de revalorisation du Mico, a par ailleurs précisé le socialiste. Mais ils seront 40.000 concernés pour la génération 1972, lui a rétorqué M. Dussopt. Une génération 1972 qui ne partira pas à la retraite tout de suite, vu qu'elle n'aura 64 ans qu'en... 2036.
Une semaine plus tard, le 23 février, Olivier Dussopt a finalement fourni des chiffres revus à la baisse pour les nouveaux retraités qui toucheront au moins 1.200 euros bruts grâce aux revalorisations du Mico, dans un courrier à Jérôme Guedj que celui-ci a publié sur Twitter le 28 février.
Ils seront en fait deux à quatre fois moins nombreux que les 40.000 évoqués par M. Dussopt 15 février: "les services estiment, selon les générations, qu'entre 10.000 et 20.000 personnes franchiront le seuil des 1.200€ par cette seule mesure" de "la hausse des minima de pension", écrit le ministre dans ce courrier.

De 10 à 20.000 personnes: cela correspond à 2,5% des nouveaux retraités, a souligné Michael Zemmour dans un tweet.
En 2021, quelque 676.000 personnes étaient parties à la retraite, selon des chiffres de la Caisse nationale d'assurance vieillesse.
On retrouve par ailleurs bien dans ce courrier un chiffre de 40.000, mais il recouvre davantage de personnes que les seuls bénéficiaires supplémentaires d'une pension au moins égale à 1.200 euros permise par la revalorisation du Mico. Il concerne en effet de manière générale le nombre attendu de "personnes partant chaque année à la retraite avec au moins 1.200 € de pension (...) d'ici la fin du quinquennat": les 10 à 20.000 dont on parlait plus haut n'en sont qu'une partie.
Quant aux nouveaux retraités qui bénéficieront d'une hausse de leur pension - sans qu'elle dépasse forcément les 1.200 euros -, le ministre confirme dans son courrier qu'ils seront "200.000 - soit un départ à la retraite sur quatre" environ.
Sur ces quelque 200.000 personnes, "un gros tiers aura une revalorisation supérieure à 70 euros", avait assuré M. Dussopt le 15 février; "entre 10.000 et 40.000 auront un gain de 100 € par mois au moins, selon les générations", a-t-il précisé dans son courrier du 23. Il a confirmé à cette occasion les chiffres de la Direction de la Sécurité sociale avancés pendant le débat à l'Assemblée nationale: "13.289 pour la génération 1962 et 39.188 pour la génération 1972".
Les économistes de l'IPP avaient calculé en février que "moins de 10% des nouveaux retraités sont potentiellement concernés par l'augmentation maximale de 100 euros". Au vu des 10 à 40.000 évoqués par le ministre - sur les quelque 700.000 personnes partant à la retraite chaque année-, cette part serait même inférieure : d'environ 1,5% à 6% selon les générations, d'après les calculs de l'AFP.
Enfin, pour la seule année 2023, la réforme entrant en vigueur en septembre si elle est votée, "54.000 personnes bénéficieront" de "la revalorisation du minimum de pension", quel qu'en soit son montant, et "disposeront d’une pension plus élevée qu’en l’absence de réforme", indiquait en outre l'étude d'impact du gouvernement publiée en janvier.

Ordres de grandeur pour les retraités actuels
Concernant les retraités actuels, "1,8 million" d'entre-eux, sur quelque 17 millions, "vont voir leur pension revalorisée", a indiqué Olivier Dussopt sur France Inter (soit "environ 10% du 'stock' de retraités" actuels, selon Michaël Zemmour), ce qui fait que "250.000 retraités supplémentaires dans notre pays vont franchir le cap des 85% du Smic parmi (eux)".
La moitié de ce 1,8 million de personnes touchera "une revalorisation comprise entre 70 et 100 euros", et "vous en avez même 125.000 qui vont aller jusqu'au maximum des 100 euros de revalorisation", a précisé le ministre. Autant de chiffres confirmés dans son courrier du 23 février.
Pour Michaël Zemmour, la part des retraités actuels touchant 1.100 euros de pensions totales et satisfaisant aux conditions qui leur permettraient de percevoir les 100 euros de Mico majoré au maximum serait "de l’ordre de 5% des retraités".
Mais tout cela reste des ordres de grandeur et il est très difficile d'anticiper précisément le nombre de personnes concernées. D'autant plus que "le projet de loi indique que, pour les personnes déjà retraitées, la majoration aura pour condition d’avoir une durée cotisée au moins égale à une durée qui sera fixée par décret" ultérieurement, ce qui "laisse à penser que l’éligibilité à la majoration sera plus restrictive que pour les nouveaux retraités", ont relevé les économistes de l'IPP.
33 euros bruts de pension supplémentaire en moyenne par mois
Pour ceux qui rassembleront les conditions pour voir leur Mico revalorisé, quel sera le gain moyen ?
Comme nous l'avons vu plus haut, la revalorisation du Mico de base serait "de 25€ (minimum contributif non majoré) pour les personnes ayant passé moins de 30 ans en emploi (trimestres 'cotisés') ayant une carrière complète (par des validations de trimestres), et jusqu’à 100€ pour les personnes ayant une carrière complète et plus de 30 ans en emploi. Les personnes ayant atteint le taux plein, mais n’ayant pas une carrière complète, connaîtront une revalorisation proportionnelle à la durée de carrière. Les gains individuels de la mesure sont donc compris entre 1€ et 100€", résume Michaël Zemmour sur son blog.
Les chiffres mis en avant par M. Dussopt montrent qu'il y a aura bien un gain de pouvoir d'achat pour plusieurs centaines de milliers de personnes, même s'il sera limité pour nombre d'entre-eux.
Dans son étude d'impact, le gouvernement affirme que "pour les assurés qui bénéficient de la mesure, la hausse moyenne s’établira à 400 € par an". Soit quelque 33 euros bruts par mois, selon les calculs de l'AFP.
Logiquement, "l’augmentation du montant de la pension annuelle moyenne est davantage marquée pour les assurés du troisième décile pension, pour lesquels elle dépasse 700 € (par an, soit 58 euros par mois, NDLR)", ce qui "s’explique par le fait que ces assurés sont plus nombreux à justifier d’au moins 120 trimestres cotisés et à bénéficier ainsi à plein de la mesure", complète le document.

Michaël Zemmour relève de son côté une autre limite du dispositif: "Parmi les personnes cibles de la mesure, certaines devraient y gagner une revalorisation mensuelle, mais certaines personnes perdent des droits (pour d'autres prestations, NDLR), de l’argent par rapport à la situation actuelle", explique-t-il sur son blog.
Il a dédié un deuxième billet de blog à ce seul problème. Selon lui, le gain des ménages qui touchent à la fois le minimum contributif et l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa, ou minimum vieillesse, qui est versé sur critères de ressources et sans contrepartie de cotisations) "pourrait être nul", puisque ce qui serait gagné côté Mico pourrait être perdu côté Aspa. Ceux qui touchent en plus des aides au logement pourraient même voir leur niveau de vie baisser dans le sillage d'une baisse de l'Aspa et de l'aide au logement, estime l'économiste.
1 mars 2023 Actualisé le 1er mars avec courrier d'Olivier Dussopt du 23 février et tweet de Jérôme Guedj du 28 février, après l'intertitre "Chiffres contestés pour les nouveaux retraités"
17 février 2023 Actualisé avec déclarations de Jérôme Guedj et d'Olivier Dussopt à l'Assemblée nationale le 16 février, après l'avant-dernier intertitre