Découverte du corps de Steve Caniço à Nantes : "la Loire change de direction tous les jours", soulignent des experts

  • Cet article date de plus d'un an
  • Publié le 05 août 2019 à 21:10
  • Mis à jour le 17 mai 2021 à 19:48
  • Lecture : 4 min
  • Par : AFP France
Après la découverte à Nantes du corps de Steve Maia Caniço, et alors qu'une enquête est toujours en cours, des internautes ont jugé qu'il était impossible que le corps du jeune homme ait pu "remonter le courant", depuis l'endroit où il serait tombé dans la Loire, jusqu'au lieu où il a été retrouvé, à environ deux kilomètres en amont. Mais des experts interrogés par l'AFP soulignent que la Loire "change de direction tous les jours". 

Steve Maia Caniço a disparu dans la nuit du 21 au 22 juin, alors qu'il assistait à un sound-system en bord de Loire, où des policiers étaient intervenus vers 4h30 du matin. Durant cette nuit, plusieurs personnes sont tombées dans le fleuve. Des participants ont raconté avoir été aveuglés par des gaz lacrymogènes.

Son corps a été retrouvé le 29 juillet dans la Loire à environ deux kilomètres en amont.

Les courants dans la Loire

Certaines personnes sur les réseaux sociaux ont jugé improbable l'hypothèse d'une dérive du corps entre le quai Wilson et la Grue jaune, où le corps a été retrouvé. 

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Capture d'écran d'une publication Facebook, prise le 5/08/2019

Un article du site proche de l'extrême droite identitaire bretonne Breizh-Info, qualifiant d'"hautement improbable" la "remontée" de la Loire par le corps du jeune homme, a été largement partagé dans les jours suivant sa découverte, notamment par le compte Twitter "SCPN Commissaires Police Nationale", qui a supprimé depuis sa publication. 

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Capture d'écran Twitter réalisée le 5/08/2019

Roberto Epple, hydrobiologiste et président de SOS Loire Vivante, une association de protection et valorisation du fleuve, n'est lui pas surpris. "Entre Nantes et Saint-Nazaire, ça brasse, ça bouge et dans le secteur de Nantes, (la Loire) change de direction à chaque marée, c'est un estuaire", explique l'expert, interrogé par l'AFP.

"Un objet qui est dedans va bouger avec", assure-t-il.

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Localisation du lieu de l'intervention de police controversée le 22 juin, et de l'endroit où le corps de Steve Caniço a été repêché dans la Loire le 29 juillet

La nuit de la disparition de Steve, la marée était basse à 5h09 dans l'estuaire. La marée de coefficient 62 ce jour-là est ensuite montée pendant quatre heures pour atteindre son pic à 9h13. Une différence de marnage (amplitude entre la zone de basse marée et de haute marée, NDLR) de 4,30 m, ce qui n'est "pas négligeable", selon Étienne Chauveau, maitre de conférence en géographie à l'université de Nantes.

Il "n'est pas improbable" que le courant arrivant de l'océan pendant la marée montante ait poussé le corps de Steve en amont du lieu de sa chute, estime la même source.

"De plus, le marnage a été croissant au cours des dix jours suivants", ajoute M. Chauveau. Il n'exclut donc pas l'hypothèse que le corps du jeune homme ait été repoussé en amont à chaque marée et non en "une seule fois".

D'après lui, "les courants très faibles et peu vigoureux" cette année sur ce fleuve, qui atteint des niveaux exceptionnellement bas en cette saison, accroissent le phénomène des mouvements de marées entrants dans l'estuaire.

"En hiver, cela aurait été différent", précise Étienne Chauveau. Avec des débits d'eau plus puissants, le corps de Steve n'aurait peut-être pas pu remonter le fleuve.

Où en est l'enquête ?

Un rapport de l'IGPN (Inspection générale de la police nationale), dévoilé mardi 30 juillet, n'a pas établi de lien entre l'action des forces de l'ordre le soir du 21 juin quai Wilson à Nantes et la disparition dans le même secteur de Steve Maia Caniço. 

Le document suscite de vives critiques et interrogations, tant chez l'avocate de la famille du jeune homme que chez des responsables politiques ou des participants à cette soirée, dont aucun n'a été auditionné dans cette procédure.

Mais selon les propres mots de la directrice de l'IGPN, Brigitte Jullien, ce rapport n'a "pas dédouané les forces de police". 

"C'est ce que l'on entend en boucle depuis des jours, mais c'est faux", a-t-elle déclaré à nos confrères de l'Obs

"Une enquête judiciaire a été ouverte (...). Les témoins seront interrogés. L'enquête administrative n’a pas cette fonction", a justifié David Chantreux, chef de l’unité de coordination des enquêtes IGPN, également interviewé par l'Obs.

La synthèse du rapport de l'IGPN affirmait pourtant qu'"aucune des personnes repêchées par les sauveteurs n'avait déclaré avoir été poussée par l'action de la police à se jeter, et aucune n'avait imputé sa chute à cette action".

Le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner a reconnu vendredi 2 août qu'il y avait toujours un "questionnement sur l'utilisation des lacrymogènes" lors de l'intervention policière le soir de la Fête de la musique à Nantes.

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