Cette scène d’émeute en Afrique du Sud date d’août 2019 et n’a aucun lien avec le coronavirus

  • Cet article date de plus d'un an
  • Publié le 09 avril 2020 à 21:48
  • Lecture : 6 min
Depuis le 3 avril, une vidéo montrant des véhicules contraints de faire demi-tour face à une foule en colère circule sur les réseaux sociaux. Selon le texte inscrit en gros sur ces images, elles montrent "le refus de vaccins en Afrique du Sud", en pleine épidémie de coronavirus. C’est faux. Il n’existe pas à l’heure actuelle de vaccin contre le coronavirus. Cette vidéo a bien été tournée en Afrique du Sud, à Johannesburg, mais le 1er août 2019 lors d'affrontements entre des commerçants de rue et des policiers venus confisquer leurs produits contrefaits.

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Capture d'écran du 9 avril 2020

Une émeute s’opposant à des véhicules transportant des vaccins contre le Covid-19 en Afrique du Sud ? C’est ce qu’affirme plusieurs publications, totalisant des milliers de partages sur Facebook depuis le 3 avril. 

Toutes s’accompagnent de la même vidéo. On y voit un véhicule de police anti-émeute orange et blanc, à l’arrêt, et un peu plus loin deux autres véhicules qui semblent être des blindés léger de couleur blanche faire demi-tour sous une pluie de projectiles lancés par une foule qui s’avance vers eux.

Cette séquence, qui dure 26 secondes, est vue d’en haut, en plongée, comme filmée depuis l’étage d’un immeuble avec vue directe sur l’avenue où se déroulent les violences.

L'Afrique du Sud en confinement depuis le 27 mars 

Une telle scène semble improbable en Afrique du Sud début avril.

Pays d’Afrique le plus touché par le coronavirus (1.800 cas dont 18 morts au 9 avril), l’Afrique du Sud vit sous un régime de confinement strict, décrété depuis le 27 mars par le président Cyril Ramaphosa pour contrer la propagation du virus. 

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(Capture d’écran Facebook datée du 08 avril 2020)

En utilisant l’outil Invid-Weverify*, on découvre que la vidéo est déjà apparue sur internet, sans l'inscription qui figure sur l’image. 

Un premier lien mène à une vidéo similaire publiée le 1er août 2019 avec le titre "des immigrés africains mènent une émeute à Johannesburg", la principale ville d’Afrique du Sud.

Un second lien, daté du 2 août 2019, est intitulé "manifestation en cours à Pretoria", la capitale administrative du pays. 

Le véhicule anti-émeute blanc et orange visible sur ces vidéos porte sur le côté l’inscription "Police JMPD", sigle de la police métropolitaine de la ville de Johannesburg. 

On retrouve une photo du même modèle de véhicule dans un article du site sud-africain Defence web, qui se présente comme "la première publication en ligne de nouvelles sur la défense et la sécurité en Afrique". On y apprend que ces véhicules ont été livrés à la JMPD en 2015 et en 2016. 

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(Capture d’écran Facebook du 9 avril 2020)
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(Captures d’écran datées du 09 avril 2020)

 

Une recherche plus ciblée sur Google sur des incidents à Johannesburg en août 2019 conduit à des articles de médias locaux, comme Times Live, un des principaux sites d'information d'Afrique du Sud. 

"Une agression contre notre état"

Dans un article publié le 2 août, intitulé "La police s’est retirée d’une bataille de rue avec des vendeurs pour éviter un 'bain de sang' dans le CBD (central business district, le quartier d’affaires, ndlr) de Joburg (diminutif de Johannesburg, ndlr)", on retrouve un montage vidéo de plus de deux minutes et demie. Les 26 premières secondes sont identiques à la séquence diffusée sur Facebook. 

"Une émeute a éclaté dans le CBD de Jo’burg lorsque la police a confisqué des produits contrefaits à des marchands ambulants. Les agents ont tiré des balles en caoutchouc pour tenter de disperser la foule. En représailles, les manifestants ont bombardé les policiers de briques et de bouteilles. La police provinciale a indiqué que ses agents ont effectué un 'retrait tactique' de l’opération pour éviter d’être contraints d’utiliser des balles réelles", détaille la légende sous la vidéo. 

L’AFP avait également relaté ces incidents, qualifiés alors par les autorités d'"agression contre (l')Etat".

Sur AFP Forum, la base d’images de l’AFP, on retrouve également des photos prises sur place le lendemain et signées de Marco Longari, photographe de l’AFP au bureau de Johannesburg.

L’une d’entre elle, montre "des centaines d'hommes, pour la plupart des étrangers, (qui) regardent le maire de Johannesburg rencontrer les conseillers locaux et les responsables policiers dans le CBD de Johannesburg le 2 août 2019".

Une autre montre le maire de l'époque, Herman Mashaba.

Ces photos ont été prises "après une journée de heurts qui a vu les forces de police forcées de battre en retraite après avoir été attaquées par des vendeurs de rue clandestins", précise les légendes.

Nous relevons sur ces images quelques indices visuels, comme une enseigne et des panneaux jaunes d’un magasin ”Lotto wholesale”.

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(Capture d’écran AFP Forum datée du 08 avril 2020)
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(Capture d’écran AFP Forum datée du 08 avril 2020)

Ces panneaux apparaissent également dans la vidéo sur le site Times Live, dans des plans filmés d’un angle différent, à partir de 1’34. 

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(Capture d’écran Times Lives datée du 08 avril 2020)

Un homme se tient debout en dessous de l’enseigne et devant une porte bleu, similaires à celle visibles sur les photos de l'AFP.

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(Capture d’écran vidéo Times Live datée du 08 avril 2020)

Tous ces éléments permettent d'affirmer que la vidéo a bien été tournée le 1er août en Afrique du Sud, soit plusieurs mois avant le début de l’épidémie du coronavirus qui s’est déclarée fin décembre dans la ville de Wuhan en Chine.

Aucun vaccin, mais beaucoup de polémiques 

Depuis plusieurs jours, les publications affirmant que l’Occident va réaliser des tests de vaccin contre le coronavirus en Afrique inondent les réseaux sociaux.

Ces rumeurs sont notamment alimentées par une discussion polémique entre deux médecins dans une émission de télévision française le 1er avril sur l’opportunité de mener des tests en Afrique.

Ils ne parlaient toutefois pas d’un nouveau vaccin mais de tester l’efficacité (ou non) du vaccin anti-tuberculeux BCG contre le coronavirus. Ces tests sont actuellement déjà menés ou sur le point d’être lancés dans certains pays d’Europe et en Australie.

Si de nombreuses recherches scientifiques sont en cours, aucun vaccin contre le nouveau coronavirus n’est actuellement disponible.

Plus d'un million et demi de cas d'infection par le nouveau coronavirus étaient officiellement déclarés dans le monde le 9 avril à 11h00 GMT, dont près de 89.000 décès, selon un comptage réalisé par l'AFP à partir de sources officielles.

*Outil développé notamment par l'AFP et permettant, entre autres, d'effectuer des recherches 
inversées à partir de vidéos.

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