Une photo prouvant l’existence des djinns ? Non, des pattes de chien galeux

  • Cet article date de plus d'un an
  • Publié le 16 juillet 2019 à 15:26
  • Mis à jour le 17 juillet 2019 à 14:35
  • Lecture : 3 min
  • Par : Anne-Sophie FAIVRE LE CADRE
Depuis 2015, la photographie de deux pattes prises en gros plan est utilisée dans le monde entier pour prouver l’existence des loups-garous, ou des djinns - esprits surnaturels dans la tradition musulmane. Les trois experts vétérinaires contactés par l’AFP en juillet 2019 ont tous confirmé que l’on ne voyait sur cette photo que des pattes de chien, probablement atteint par la gale.

C’est une photographie peu ragoûtante. Sur ce cliché sombre, on distingue des pattes rosacées, pelées, aux griffes marrons et à la peau nue. “Figurez qu’un Djinn est entré dans l’enceinte de l’arène nationale. Personne ne pouvait dire de quel sexe il était. Il faisait tellement peur que certains amateurs avaient du mal à le regarder”, lit-on l’article accompagnant cette photographie, paru sur le site Senegal7 le 14 juillet. Cet article a été publié deux jours après un combat de lutte opposant “Lac 2” et “Boy Niang 2”, deux champions de cette discipline extrêmement populaire au Sénégal.

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(Capture d'écran du site Dakar92 du 16 juillet)

Ce n’est pas la première fois que cette photographie est utilisée pour démontrer l’existence de djinns au Sénégal : en mars 2018, le site Dakar92 la partageait dans un article, intitulé “la preuve que les djinn existent”. La même année, cette photographie illustrait également un article du site Sénégo, affirmant qu’un “Djinn se manifestait à Dakar” et “dévoilait son plan maléfique”. 

Qu’est-ce qu’un djinn ?

Dans la tradition musulmane, les djinns sont des créatures surnaturelles, le plus souvent hostiles, pouvant prendre différentes formes et prendre possession de l’esprit des hommes. Ils sont mentionnés dans le Coran, qui leur consacre une sourate (la sourate Al-Jinn, disponible en français ici). 

Souvent invisibles, ils peuvent également prendre l’apparence d’un animal, d’un homme ou d’une créature surnaturelle. 

D’où vient cette photographie ? 

Grâce à une recherche inversée sur Google Images, l’on retrouve trace de cette photographie dès le mois d’octobre 2015, sur un compte Instagram suivi par 29.000 followers - affirmant qu’un marin, à Oman, aurait été “choqué” de voir cette image dans son appareil photo. L’image a depuis été utilisée par certains internautes brésiliens pour prouver l’existence des loups-garous. En mars 2018, une page Facebook américaine partage cette image en affirmant qu’elle aurait été retrouvée dans un appareil photo détruit, lui-même trouvé dans une ferme où cinq chèvres auraient mystérieusement disparu en deux jours. Cette publication culmine à plus de 64.000 partages.

Quel est l’animal visible sur cette photographie ? 

L’AFP a contacté plusieurs spécialistes vétérinaires afin de leur demander à quel animal appartenaient les pattes visibles sur cette photographie. Selon le professeur Jacques Guillot, membre de cette association et responsable de l’unité de parasitologie de l’école nationale vétérinaire d’Alfort, la photographie présentée comme étant un djinn est “à l’évidence la patte d’un chien de grande taille”.

“La peau présente un aspect rosé, sans doute en relation avec une inflammation, et très peu de poils. Ces lésions peuvent effectivement évoquer une gale sarcoptique, une affection parasitaire très fréquente chez les chiens errants dans tous les pays tropicaux”, souligne le professeur Guillot. Cette maladie infectieuse est une affection de l’épiderme causée par un acarien microscopique, le sarcopte. 

“C’est une patte de carnivore, peut-être simplement celle d'un chien de grande taille, qui devrait à priori faire dans les 50 kilos. Son affection dermatologique pourrait être une dermatose parasitaire, comme la gale, de la démodécie, une autre maladie parasitaire, ou bien une dermatose allergique - mais il est difficile d’effectuer un réel diagnostic sur la base d’une seule photographie”, explique à L’AFP Eric Gaguère, spécialiste en dermatologie vétérinaire à Lomme (59). 

Pour le docteur-vétérinaire Jean-François Rousselot, président de l’AFVAC (Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie), ces pattes ne peuvent être que celles d’un canidé. “Ce sont des pattes de chien : il n’y a aucun doute. On les reconnaît aux ergots, doigts surnuméraires sur le côté latéral de la patte”, confirme le professeur. 

EDIT 17/07/2019 : coquille corrigée

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