Non, on ne peut pas teindre les défenses d’éléphants en rose pour combattre le braconnage
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- Publié le 20 juillet 2018 à 11:09
- Mis à jour le 20 juillet 2018 à 11:09
- Lecture : 4 min
- Par : Jean-Gabriel FERNANDEZ
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Teindre les défenses des éléphants en rose pour mettre fin au braconnage ? Il s’agit d’une légende urbaine très populaire sur internet, à l’origine de pétitions et nourrie par des publications comme celle-ci. Ce post Facebook, qui a reçu plus de 26.000 partages, affirme que teindre les défenses en rose “rend l’ivoire invendable (...) ceci ne fait aucun mal à l’animal et ça sauve leur vie”.
Même si elle peut sembler séduisante, cette histoire (connue aux Etats-Unis sous le nom de “pink tusk theory”, la théorie des défenses roses) n’est pas réaliste.
Une mise en pratique impossible
Plusieurs éléments expliquent pourquoi la teinture rose n’est pas la solution miracle dont parlent de nombreuses publication sur internet. Un article sur le site de l’IFAW, le Fonds international pour la protection des animaux, évoque ainsi la difficulté logistique de teindre les défenses d'une population de 400.000 éléphants.
En plus de demander des moyens financiers monumentaux, une telle initiative nécessiterait par ailleurs de capturer et d’anesthésier les animaux, mettant ainsi en danger leur santé. “Les perturbations et le stress que cela causerait seraient aussi préjudiciables aux individus seuls qu'aux familles, le nombre d'animaux succombant à la procédure a de grandes chances d'être élevé”, écrit Rikkert Reijnen, directeur du programme de lutte contre le commerce illégal de l’IFAW.
De plus, les cornes et les défenses poussent constamment, il faudrait donc répéter l’opération de façon régulière. Et “quand bien même cela serait réalisable, rien ne garantit que l'ivoire rose ne deviendrait pas le prochain produit à la mode”, ajoute Rikkert Reijnen.
Stéphane Ringuet, responsable de la lutte contre le commerce des espèces menacées au Fonds mondial pour la nature (WWF), abonde dans ce sens. “Ca me paraît très illusoire d'imaginer que teindre des défenses d'éléphants puisse avoir un impact sur le comportement d'un braconnier. Je n'y crois pas une seconde à titre personnel”, a-t-il expliqué à l’AFP. Il confirme tous les points avancés par l’IFAW, et ajoute que le “le rose se voit extrêmement bien dans la nature, donc cela attirerait l'oeil de n'importe qui et notamment de braconniers.”
Pour Stéphane Ringuet, “il ne faut pas que cela nous distraie d'autres actions plus importantes pour lutter contre le braconnage, le commerce illégal ou réduire la demande." Pour lutter contre le braconnage, le WWF se concentre notamment sur l'éducation afin de diminuer la demande de produits qui en sont issus.
A l’origine de la rumeur : un poison pour rhinos
Cette histoire de défenses roses trouve son origine dans l’initiative du Rhino Rescue Project, une association de protection des animaux ayant mis au point une subtance rendant les cornes de rhinocéros toxiques à la consommation pour l’homme, dans l’espoir de dissuader les braconniers.
Testée dans une réserve sud-africaine, cette substance à pour effet secondaire de donner à la corne une teinte rose fluo au passage des rayons X dans les aéroports, comme l’a indiqué l’AFP dans une dépêche reprise ici. Cette couleur rose ne peut cependant pas être vue à l’oeil nu, comme le montre cette photo du Rhino Rescue Project montrant un animal ayant reçu le traitement.
Il n’en fallait pas plus pour que la rumeur se répande et que l’information soit déformée. Bien qu’il n’y a aucun cas connu de coloration de défenses d’éléphant, l’animal a été mêlé à l’histoire concernant les rhinocéros, car les éléphants souffrent énormément du braconnage. Le WWF, estime que 20.000 à 30.000 éléphants sont tués chaque année par des braconniers convoitant leur ivoire.
Photo trafiquée
Par ailleurs, l’image de l’éléphant aux défenses roses, qui sert ici de preuve de l’existence d’une telle pratique, est très répandue. Elle est utilisée par de nombreux articles, publications et pétitions sur le sujet. Il s’agit pourtant d’un photomontage.
Sur la photo originale, les défenses de l’éléphant ne sont pas teintes. On en retrouve la trace dès 2011, dans cette vidéo :