Une capture d'écran du site La Gauche M'A Tuer qui utilise une illustration d'Emmanuel Macron, avec le texte "Vous êtes infirmière ? Vous serez virée", le 18 juin 2018 (DR / AFP)

Non, Macron n’a pas annoncé la suppression de 30.000 postes d’infirmières

  • Cet article date de plus d'un an
  • Publié le 18 juin 2018 à 17:26
  • Lecture : 3 min
  • Par : Jean-Gabriel FERNANDEZ
Plusieurs publications très partagées affirment qu'Emmanuel Macron aurait annoncé la suppression de 30.000 postes d’infirmières. Cette fausse information est une interprétation déformée d'un communiqué de Force Ouvrière, lui-même extrapolé d'un document de travail du ministère de la Santé. Aucune décision de la sorte n’a encore été prise.

Macron annonce vouloir supprimer 30.000 emplois d’infirmière [sic] dans les hôpitaux Français”, c’est l’affirmation erronée diffusée par le site d’extrême droite La Gauche M’a Tuer le 31 mai 2018. Avec au moins 10.000 partages, principalement réunis par ces deux posts sur Facebook mais aussi via ce blog, l'article a été largement diffusé. Il a déjà été corrigé par nos confrères du Monde.

La source citée par La Gauche M’a Tuer est le média participatif Agoravox, qui s'inspire lui-même une information d’Initiative Communiste.

L'information initiale: une proposition d'économies d'1,2 milliard et un calcul de Force Ouvrière

A la base de cette fausse information, un communiqué du syndicat Force Ouvrière (FO), vent debout contre un plan gouvernemental qui prévoierait une "économie de 1,2 milliard sur les seules dépenses de personnel" dans les établissements publics de santé. 

Ce communiqué, source des articles erronés, se contente d'indiquer que, s'il est appliqué, le plan d’économies “entraînerait au minimum une suppression de 30.000 postes sur 5 ans”, sans donner plus de précisions.

On n'a jamais parlé d’infirmières" en tant que tel, "on a dit 30.000 postes de manière globale”, précise Luc Delrue, secrétaire fédéral de FO Services publics et de santé, contacté par l’AFP. Il explique que les réductions d’effectifs supposées qui inquiètent FO concerneraient surtout “des contrats dans d'autres secteurs, des contrats sur des ouvriers, des administratifs, le ménage…” plutôt que des infirmières et des infirmiers.

Surtout, le nombre de postes concernés n’est qu’une estimation, reconnaît Luc Delrue: “Ce n'est pas un chiffre officiel, mais ça m'étonnerait que le ministère de la santé ose annoncer des chiffres de suppressions de postes. Nous c'est simple, on a divisé 1,2 milliard par 40.000 €, ce qui est le coût d'un emploi d'aide soignant.

Un plan d'économies réel mais hypothétique

A l'origine de l'information de FO, une note de la Direction générale de l'offre de soins (DGOS), qui dépend du ministère de la Santé, évoque en effet des propositions d'économies avec un tel montant. Elle a été publiée par Hospimedia, un média spécialisé dans le secteur de la santé, et peut être consultée ici

Il ne s’agit cependant pas d’une décision arrêtée du gouvernement, mais d’un simple document de travail explorant des hypothèses. “Sa teneur n’a pas de caractère officiel et ses projections n’ont de sens que rapportées à l’échelle de chaque établissement de santé”, explique le ministère des Solidarités et de la Santé, contacté par l’AFP.

Le ralentissement de l'augmentation du volume des dépenses

Les 1,2 milliard d’euros d’“économies” dénoncées par FO existent bien mais correspondent à un ralentissement de la croissance du budget par rapport à un volume de croissance initialement prévu, et non à une réduction nette de ce budget. L'hypothèse étudiée dans la note de la DGOS prévoit en effet que le budget alloué à la masse salariale des hôpitaux continuera d’augmenter, non pas de 4,8 milliards d'euros sur cinq ans comme prévu initialement, mais de 3,6 milliards d'euros. 

Au lieu d’une augmentation annuelle de 2,1%, la croissance de la masse salariale serait alors limitée à 1,59% par an, comme l'indique le graphique ci-dessous.

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Ce graphique montre que le budget alloué à la masse salariale des hôpitaux va continuer à augmenter, mais sa croissance pourrait être ralentie. (DGOS / AFP)

Selon Luc Delrue, cet objectif d'augmentation des dépenses initial de 2,1% était déjà insuffisant pour couvrir l’augmentation des charges. Sa diminution aura donc pour conséquence une réduction d’effectifs: “Il suffit de réduire les enveloppes budgétaires (...) pour que les établissements soient eux-mêmes dans l'obligation de procéder soit à une non-reconduction du contrat de leur personnel sous contrat, ou de ne pas remplacer les départs naturels”, explique-t-il.

La Fédération hospitalière de France (FHF), contactée par l’AFP, partage l'analyse de Force Ouvrière. “Ce que la FHF constate, c’est que l’évolution historique des dépenses de personnel (médical et non médical) est, en moyenne, supérieure à 2% / an”, soutient la Fédération. Elle qualifie le budget de 1,59% envisagé par la DGOS de “particulièrement bas” et pense que son application “paraît particulièrement périlleuse”. La Fédération conclut que si ce taux est appliqué sur plusieurs années, “le risque est effectivement une suppression de postes." 

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