Non, la climatisation automobile n'est pas source de benzène et donc de cancer
- Cet article date de plus d'un an
- Publié le 12 juillet 2019 à 17:50
- Lecture : 5 min
- Par : Anne-Sophie FAIVRE LE CADRE
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C’est un message alarmiste qui se propage depuis dix ans sur internet. “Le manuel du conducteur dit, avant d’allumer la climatisation, qu’il faut ouvrir les fenêtres pendant au moins trois minutes. Ils ne disent pas pourquoi”, lit-on encore début juillet sur le site Magazine du Net.
“D’abord, il faut ouvrir les fenêtres et quelques minutes après ce temps, connecter la climatisation. Pourquoi ? D’après une étude réalisée, la climatisation produit du benzène, une toxine qui cause le cancer [...] en plus de causer le cancer, le benzène empoisonne les os, cause l'anémie et diminue les globules blancs. Une exposition prolongée peut causer la leucémie et parfois produire une fausse couche. Le niveau acceptable de benzène dans des endroits confinés est de 50 mg” d’après ce texte.
La mise en garde se conclut sur un appel à la viralité. "Lorsque quelqu’un reçoit quelque chose de valeur qui va lui être profitable, il a l’obligation morale de la partager", lit-on à la fin de ce message - lui-même partagé plus de 22.000 fois depuis sa publication par la page Facebook Santé Plus, le 9 décembre 2018.
Cette rumeur existe également dans le monde anglophone - et le site de fact-checking américain Snopes lui a consacré un article en 2009.
Qu’est-ce que le benzène ?
Selon le site de l’Institut national de recherche et de sécurité, le benzène est un liquide incolore, qui fait office de solvant pour un grand nombre de substances naturelles ou de synthèse.
Cette substance chimique hautement toxique peut provoquer le cancer, induire des anomalies génétiques ou des effets graves pour les organes à la suite d’expositions répétées, et être mortelle en cas d’ingestion ou de pénétration dans les voies respiratoires.
Ainsi, le benzène et les préparations en contenant plus de 0,1% sont interdits à la vente au public et réservés aux professionnels.
Le Centre international de recherche sur le cancer le classe dans le groupe 1 des cancérigènes avérés pour l'humain.
La climatisation automobile, source de benzène ?
L'AFP a contacté le 12 juillet l'entreprise Electric Station Climatisation, qui fabrique des climatiseurs automobiles depuis 1958. "Cette rumeur est totalement fausse", explique Pascale Pujol, directrice des relations clients. "Un système de climatisation automobile, c'est un système qui fonctionne en circuit fermé et étanche, avec des éléments qui transforment le gaz en liquide et le liquide en gaz".
Deux types de gaz sont habituellement utilisés pour assurer le fonctionnement d'une climatisation automobile: le gaz réfrigérant R134A, à base de tétrafluoroéthane, et le gaz réfrigérant HFO-1234YF, à base de tétrafluoropropène. Ce dernier, non-polluant, a été développé pour satisfaire aux exigences d'une directive européenne parue en 2006, visant à "limiter les émissions de certains gaz à effets de serre fluorés provenant des systèmes de climatisation des véhicules à moteur".
En 2006, L'Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Énergie (Ademe) estimait dans une note que la climatisation, à elle seule (usage, fuites, fin de vie …), est responsable d’une augmentation de 6 à 10 %, voire plus, de ses émissions annuelles de gaz à effet de serre pour un véhicule de classe moyenne.
"Les climatiseurs automobiles ne rejettent absolument pas de benzène, et leur étanchéité est vérifiée lors de chaque contrôle technique", affirme Mme Pujol, directrice des relations clients d'Electric Station Climatisation.
Divers organismes se sont attachés à évaluer dans quelle mesure la présence de systèmes de climatisation pouvait être corrélée à des concentrations accrues de benzène dans l'air.
Airparif, en charge de la surveillance de la qualité de l'air en Île-de-France, a mesuré en octobre 2007 la corrélation entre climatisation et concentration en benzène dans un habitacle de voiture.
D'après ce document, "concernant le benzène, il semblerait que d’autres causes telles que par exemple l’histoire du véhicule ou encore le ravitaillement en essence, conditionnent les niveaux d’exposition", mais les mesures relevées dans des voitures fonctionnant avec une climatisation active n'ont pas montré de concentrations nettement plus importantes par rapport à des voitures dont la climatisation est désactivée.
Une concentration mesurée toujours très faible
Les concentrations de benzène mesurés dans l'air des voitures sont au demeurant très faibles par rapport aux taux considérés comme risqués.
En 2017, un professeur de chimie québécois Joseph Schwarcz dementait dans un article publié sur le site de l’université canadienne de Mcgill tout risque lié au benzène dans l'habitacle d'une voiture. Pour lui, si la rumeur de la présence de benzène dans des habitacles contient "une petite part de vérité", elle est largement exagérée.
"Des personnes ont contracté une leucémie après avoir été exposées à des niveaux de benzène allant de 30 à 80 milligrammes par mètre cube, tous les jours de la semaine, pendant des années [...]. A l’intérieur d’une voiture, des études ont mesuré un taux de benzène de 560 microgrammes par mètre cube - soit cent fois moins que le taux de benzène ayant entraîné des leucémies. La toxicité supposée en benzène d’une voiture est un non-problème”, précisait dans cet article le chimiste.
L'étude d'Airparif évoquait elle des concentrations variant de 1,2 à 21,5 microgrammes par mètre cube, très loin aussi des taux de benzène ayant entraîné des leucémies.
En 2007, une autre étude allemande a aussi étudié la toxicité de l’air contenu dans les voitures en stationnement, ciblant notamment les alkylbenzènes, des dérivés du benzène, et n'avait déjà trouvé aucun risque pour la santé dans l'air qui s'y trouve.
Comment limiter son exposition au benzène ?
Sur son site internet, l’American Cancer Society a publié ses recommandations pour limiter l'exposition au benzène parmi lesquelles figure l'arrêt du tabac - la cigarette étant l'une des principales sources d’exposition à cette substance chimique.
L'ACS recommande également d’éviter les contacts dermatologiques avec le benzène, et "de faire preuve de bon sens envers les produits qui pourraient en contenir", tels que les solvants et peintures, tout particulièrement dans des espaces non-ventilés.