Non, Forbes n'a pas publié en 2019 un classement des présidents africains les plus riches

  • Cet article date de plus d'un an
  • Publié le 14 janvier 2020 à 18:36
  • Mis à jour le 02 décembre 2020 à 15:52
  • Lecture : 4 min
  • Par : Ange KASONGO
Des sites internet de plusieurs pays africains ont relayé depuis le mois de novembre un “classement 2019 des présidents africains les plus riches”, attribué au magazine économique américain Forbes. Or, Forbes n’a jamais dressé un tel classement. Cette liste compile des données apparemment tirées du célèbre magazine, mais qui ne sont pas d’actualité et remontent parfois à plus de dix ans.

Le 1er novembre, le site ivoirien Yeclo.com publiait un article présentant un “classement Forbes 2019 des présidents les plus riches d'Afrique”. 

 

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Capture d'écran du site Yeclo.com, le 13 janvier 2020
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Capture d'écran du site Yeclo.com, le 13 janvier 2020

 

 

 

Ce palmarès a également été diffusé le 7 novembre sur le site béninois  Benin web TV, puis quatre jours plus tard par Senescoop.net, un site d’actualité sénégalais. 

Au Gabon, le portail d’informations Gabonreview a lui aussi évoqué ce prétendu classement en mettant notamment en avant la fortune attribuée au président Ali Bongo, deuxième derrière Mohammed VI. 

 

Pourtant, si Forbes publie pratiquement chaque mois des palmarès (récemment en Afrique: “les 100 femmes du continent les plus influentes en mai 2019”, ou encore en octobre 2019 le Top 100 des leaders de moins de 40 ans), on ne trouve aucune trace d’un “classement 2019 des présidents africains les plus riches” sur le site de Forbes Africa, déclinaison continentale du célèbre magazine.

 

Contacté par l’AFP le 13 décembre, Forbes a démenti l’existence d’un tel classement. “Nous n’avons jamais publié la liste des présidents africains les plus riches”, a assuré Laura Brusca, porte-parole du magazine américain. 

Il existe bien un classement Forbes de 2019 des milliardaires africains, mais aucun homme politique du continent n’est cité. 

Estimations datées

Les chiffres du classement des chefs d’Etat publié par ces différents sites africains correspondent toutefois à des données de Forbes, mais qui ne datent pas de 2019 et remontent parfois à plus de dix ans. 

Ainsi, les montants des fortunes attribués au roi du Maroc Mohammed VI et au président d’Afrique du Sud Cyril Ramaphosa sont identiques à celles d’un classement 2015 des Africains les plus riches, toutes catégories confondues (chefs d’Etat, hommes d’affaires, industriels, banquiers…).

Dans ce classement, avec 5,8 milliards de dollars de fortune (5,2 milliards d’euros), Mohammed VI pointait à la troisième place. 

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Capture du classement 2015 des Africains les plus riches sur le site Forbes Africa

 

Les 450 millions de dollars (environ 405 millions d’euros) du président sud-africain Cyril Ramaphosa, sixième du prétendu “Top 10 2019” publiés sur différents sites africains, sont également tirés d’un classement de 2015. Le chef d’Etat y figurait en 42e position. 

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Capture du classement 2015 des Africains les plus riches sur le site Forbes Africa

 

Dans le cas du président de la Guinée équatoriale Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, troisième de ce "Top 10", l’estimation de sa fortune semble, elle, remonter à 2006. 

Le chef d’Etat équato-guinéen, le plus ancien dirigeant au pouvoir en Afrique (depuis le 3 août 1979), apparaissait dans un classement des "rois, reines et dictateurs" établi par Forbes en 2006. Sa fortune était alors évaluée à 600 millions de dollars (540 millions d’euros), ce qui correspond au montant avancé par les publications des sites africains.

Selon nos recherches, aucune nouvelle estimation n’a été faite depuis.

Ces quelques exemples montrent que ce classement mélange et compare des chiffres publiés à des dates différentes, sur un sujet sensible en Afrique où de nombreux régimes sont soupçonnés de détournement de fonds et d’enrichissement personnel.

Dans un procès sans précédent, le fils du président équato-guinéen, Teodorin Obiang, a été condamné en 2017 à trois ans de prison avec sursis, 30 millions d’euros d’amende et la confiscation de ses biens par la justice française pour corruption. En appel en décembre 2019, le parquet a requis quatre ans de prison ferme.

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