Non, des Italiens n'ont pas émigré illégalement en Côte d’Ivoire pour fuir le coronavirus

  • Cet article date de plus d'un an
  • Publié le 02 avril 2020 à 14:04
  • Mis à jour le 02 avril 2020 à 16:45
  • Lecture : 5 min
  • Par : Sadia MANDJO
Plusieurs publications sur les réseaux sociaux ivoiriens affirment que 18 Italiens sont entrés clandestinement en Côte d’Ivoire par la ville côtière de Sassandra, dans le sud-ouest du pays. Ces "migrants" fuyaient le coronavirus qui a fait plus de 12.000 morts en Italie, selon ces publications partagées des milliers de fois depuis le 26 mars. Les autorités ivoiriennes ont démenti: il s’agit de touristes de diverses nationalités européennes, entrés sur le territoire bien avant les mesures prises pour lutter contre la propagation du Coronavirus. Aucun ressortissant italien ne figure parmi eux.

La vidéo montre une conversation en français entre un jeune homme en short, torse nu, et plusieurs hommes portant gants et masques de protection. Un mètre environ les sépare. "Envoyez tous les carnets de vaccinations", ordonne l’homme à l’accent ivoirien, avant de lui demander quel itinéraire il a pris pour arriver en Côte d’Ivoire. "France, Espagne, Portugal, Maroc, Mauritanie, Sénégal…", énumère le jeune homme.

Ces images du contrôle d’un groupe de touristes européens par les autorités de la ville côtière de Sassandra, dans le sud-ouest de la Côte d’Ivoire, ont trouvé un large écho sur les réseaux sociaux depuis leur diffusion le 26 mars.

Dans un contexte de méfiance, voire d’hostilité, envers les populations européenne et asiatique accusées de transporter le coronavirus, des publications relayant cette séquence ont été partagées jusqu’à 7.000 fois.

"CÔTE D'IVOIRE : Arrestation de 18 migrants clandestins européens qui essayaient d'entrer sur le territoire ivoirien par la ville côtière de Sassandra. La balle a vraiment changé de camp", affirme un internaute sur l’une d’entre elles.

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(Capture d’écran Facebook datée du 01 avril 2020)

Les versions sont multiples. Certaines publications disent qu”il s’agit de "touristes non identifiés", d’autres de "migrants italiens" suspectés d’être porteurs du coronavirus. 

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(Capture d’écran de l’outil CrowdTangle datée du 01 avril 2020)

Une autre publication présente leur périple comme une expédition clandestine.

“POUR ÉVITER L’ÉPIDÉMIE DE CORONAVIRUS EN EUROPE, 18 ITALIENS  QUITTENT L’EUROPE EN BATEAU ET RENTRENT ILLÉGALEMENT À SASSANDRA, CÔTE D’IVOIR UN GRAND PARCOURS PAR BATEAU DE L’ITALIE  ET DE LA FRANCE EN PASSANT PAR LES COTES MAROCAINES ET SÉNÉGALAISE ET POUR ENFIN RENTRER EN CÔTE D’IVOIRE.”

Dans les commentaires, les internautes sont partagés entre la sympathie  pour ces "migrants qui fuient la mort pour sauver leur vie" et la colère, car le gouvernement a décrété le 20 mars la fermeture des frontières terrestres, maritimes et aériennes à tout trafic de personnes, pour éviter la propagation du Covid-19. 

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(Capture d'écran Facebook datée du 01 avril 2020)

Des touristes arrivés avant la fermeture des frontières

Face à l’ampleur prise par cette rumeur, le gouvernement a publié un communiqué le 26 mars pour démentir ces allégations.

"Des rumeurs font état de l’entrée frauduleuse de dix-sept (17) Italiens en Côte d’Ivoire, pour propager la pandémie du Coronavirus (COVID-19). Selon des sources policières et administratives de la région, il ressort qu’il s’agit de dix-sept (17) touristes de diverses nationalités, à savoir 6 Britanniques, 4 Brésiliens, 1 Français, 1 Espagnol, 4 Allemands et 1 Néerlandais. Parmi eux ne figure donc aucun Italien, comme le fait croire la rumeur et certains écrits sur les réseaux sociaux”, détaille le communiqué du Centre d’Information et de communication gouvernementale (CICG)".

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(Capture d'écran communique CICG datée du 02 avril 2020)

"Ce ne sont pas des clandestins, ce sont des touristes arrivés par la route", a confirmé à l’AFP Léonard Sangaret Zié, maire de Sassandra, en ajoutant: "Ma cité est ouverte à tous les touristes".

"Ces voyageurs sont en transit en Côte d'Ivoire, avec l’objectif de sillonner le littoral ouest-africain. En tournée en Afrique, ces touristes-campeurs sont arrivés en Côte d’Ivoire, par voie routière, bien avant les mesures restrictives en vigueur dans la lutte contre la propagation du Coronavirus", complète le communiqué du CICG.

Concernant la menace de la propagation du Covid-19 sur le territoire ivoirien, les autorités assurent que "rien n’indiquait le jeudi 26 mars 2020 qu’ils sont des personnes contaminées au Coronavirus, ou des cas suspects."

"Les blancs" accusés d’avoir apporté le coronavirus

Depuis quelques semaines, plusieurs pays d’Afrique voient se développer une certaine méfiance, allant parfois jusqu’à l’hostilité, envers les Européens et Asiatiques, accusés d’avoir amené le coronavirus sur le continent.

Dans plusieurs pays, les premiers cas de contamination ont en effet été relevés sur des personnes revenant d’Europe. 

En Côte d’Ivoire, le premier cas a été détecté le 11 mars chez un homme de nationalité ivoirienne qui avait séjourné en Italie.

En moins de deux semaines, le nombre de cas détectés de coronavirus dans le pays a été multiplié par plus de sept, portant le total à 190 (un décès) au 2 avril, et une partie de la population stigmatise "les blancs", accusés d’avoir importé le virus.

Le président Alassane Ouattara a décrété lundi 23 mars l'état d'urgence et instauré un couvre-feu de 21h à 5h du matin.

L'isolement de capitale économique Abidjan (5 millions d'habitants) du reste du pays est entré en vigueur le 29 mars à minuit. 

Le nouveau coronavirus a causé en Afrique 237 décès pour 6.416 cas détectés, selon un bilan établi par l'AFP à partir de sources officielles le 2 avril à 11H00 GMT.

Dans le monde, au moins 47.993 morts ont été dénombrés depuis son apparition en décembre en Chine. Plus de 944.030 cas de contamination ont été officiellement diagnostiqués dans 187 pays et territoires.

Ce nombre ne reflète toutefois qu'une partie de la réalité, un grand nombre de pays ne testant désormais plus que les porteurs du virus requérant une prise en charge hospitalière. Au moins 182.700 de ces personnes sont aujourd'hui considérées comme guéries.

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