Non, ces photos ne montrent pas des armes françaises livrées à Boko Haram au Nigéria
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- Publié le 02 janvier 2020 à 16:15
- Mis à jour le 02 janvier 2020 à 21:21
- Lecture : 3 min
- Par : AFP Nigéria, Segun OLAKOYENIKAN
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"LES FRANÇAIS PRIT LA MAIN DANS LE SAC ENTRAIN D ACHEMINER LES ARMES À BOKO HARAM ET AMBAZONIENS PAR LE NIGERIA", dénonce une internaute dans une publication Facebook partagée plus de 10 000 fois depuis le 16 décembre 2019.
Cette publication, accompagnée de six photos, a été relayée au total des dizaines de milliers de fois en français par différents internautes (1, 2, 3, 4, 5, 6), mais aussi des centaines de fois en anglais (sur Twitter et Facebook).
Capture d'écran d'une publication Facebook prise le 2 janvier 2020.
L'insurrection du groupe armé islamiste Boko Haram est née au Nigeria, pays plongé dans un conflit entre l'armée et les groupes jihadistes qui a fait au moins 36 000 morts depuis 2009 et déplacé environ deux millions de personnes, selon les Nations Unies.
Le groupe, dont le nom signifie "l'éducation occidentale est un péché" en haoussa, langue la plus répandue dans le nord du Nigeria, a propagé ses violences au Niger, au Tchad et au Cameroun voisins où des cellules de Boko Haram, recrutant des combattants dans ces pays, ont essaimé.
Dans la dernière attaque qui leur a été attribuée en décembre dernier, à la veille de Noël, les jihadistes ont tué sept personnes dans un village chrétien près de Chibok, dans le nord-est du Nigeria.
Les "Ambazoniens" également présentés comme destinataires des armes saisies dans la publication erronée sont les combattants séparatistes anglophones du Cameroun.
Que montre réellement ces photos ?
Les photos montrent des ouvriers vidant un conteneur dans lequel ont été dissimulés des cartons d'armes parmi des sacs de plâtre, ainsi que des douaniers nigérians en uniformes inspectant les armes saisies.
Ces photos semblent avoir été prises lors d'une conférence de presse organisée par les autorités douanières nigérianes. On les retrouve dans une publication officielle des autorités détaillant les armes saisies, et datée du 23 mai 2017 sur Facebook.
L'AFP ainsi que des médias locaux (1, 2) avaient couvert cette saisie du 23 mai 2017, dans le port nigérian de Tincan à Lagos. D'après les autorités douanières, le conteneur était parti de Turquie et son chargement avait été déclaré comme du plâtre provenant de Paris.
Dans une vidéo de la conférence de presse, diffusée sur la plateforme en ligne nigériane Frimoni, un contrôleur des douanes précise que certains des fusils proviennent "des Etats-Unis d'Amérique, certains d'Italie, mais (sont) surtout importés de Turquie".
Dans cette vidéo, on reconnaît différents éléments présents sur les photos de la publication erronée partagée sur Facebook : le conteneur fouillé mais aussi ceux l'entourant, des véhicules et des douaniers.
Comparaison d'une capture d'écran de la vidéo de la conférence de presse organisée lors de la saisie et d'une photo de la publication Facebook.
Sur les neuf premiers mois de 2017, année de la saisie, les autorités ont intercepté près de 3 000 fusils à pompe en provenance de Turquie dans différents ports du Nigeria, comme rapporté à l'époque par l'AFP.
Une autre information erronée circulant sur plusieurs sites internet d'Afrique francophone depuis 2015 affirme que l’armée camerounaise aurait intercepté un hélicoptère français livrant des armes au groupe jihadiste Boko Haram. Cette rumeur se base sur une photographie mal attribuée et n'a également aucun fondement, comme nous l'avons également déjà vérifié.
Traduit de l'anglais par Aglaé Watrin.