
Mohammad
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- Publié le 04 avril 2019 à 09:00
- Mis à jour le 15 novembre 2023 à 15:42
- Lecture : 2 min
- Par : Denis MEYNARD, Fabienne BRUERE
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Ses parents avaient fui la Syrie pour gagner le Liban, puis la France. Mohammad, 15 ans, s'est retrouvé mutilé en marge d'une manifestation de "gilets jaunes". A l'occasion des un an du mouvement des "gilets jaunes", l'AFP a recontacté son avocate pour faire le point sur sa situation.
"J'ai fui la guerre en Syrie et voilà, je perds mon œil", résume avec fatalisme cet adolescent timide, rencontré à son domicile stéphanois.
Aîné d’une famille de trois enfants arrivée en France en mai 2018, Mohammad explique s'être trouvé mêlé malgré lui à des manifestants poursuivis par la police, le samedi 12 janvier, dans le centre de Saint-Étienne.
C'est alors que selon lui une munition en caoutchouc tirée par un lanceur de balle de défense (LBD) lui a fait perdre définitivement l’usage de l’œil droit.
"Il est évident qu’il ne fait pas partie des jeunes qui se mêlent parfois aux manifestations de +gilets jaunes+", affirme son avocate. Me Solange Viallard-Valézy est catégorique: Mohammad "observait l'agitation autour de lui lorsqu’un tir de LBD l’a atteint".
"Il y avait du gaz lacrymogène, les +gilets jaunes+ couraient. Moi, je suis resté là où j’étais, à côté de l’arrêt de tram", raconte Mohammad, parti ce samedi faire des courses avec son père dans une épicerie discount, finalement fermée pour cause de manifestation.
"J'ai continué à regarder le policier devant moi et d'un coup j'ai été frappé au visage et je suis tombé par terre. Je ne voyais plus rien", se souvient l'adolescent.
Alors qu'il gît à terre, les policiers lui "parlent pour qu'il ne s'endorme pas", se rappelle-t-il encore.
Dans l'appartement mis à leur disposition par une association, ses parents n'apprendront qu'après plusieurs heures l'hospitalisation de leur fils et l'accord donné par le parquet de Saint-Étienne à une intervention chirurgicale pour tenter de sauver son œil. En vain.
A la suite de la plainte déposée par la famille, le procureur de la République David Charmatz a confié à l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) une enquête pour violence commise par personne dépositaire de l’autorité publique.
L'enquête est en cours et l'adolescent a été de nouveau entendu la semaine dernière.
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A l'occasion du premier anniversaire de lancement du mouvement, l'AFP a réinterrogé mi-octobre les manifestants éborgnés.
Solange Viallard-Valézy, son avocate, a expliqué à l'AFP qu'il y avait "de l'incompréhension par rapport à tous ces problèmes de justice, par rapport au fait que les choses n'évoluent pas plus rapidement". "Moralement, c'est difficile, il y a une tendance à se décourager".
Le procureur de Saint-Etienne David Charmatz a indiqué à l'AFP le 24 octobre que l'enquête IGPN était "terminée" et que "l'enquête est en cours de se voir confier à un juge d'instruction".
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A l'occasion du cinquième anniversaire de lancement du mouvement, l'AFP a réinterrogé à l'automne 2023 les manifestants éborgnés.
Une première plainte a été classée sans suite après l’enquête de l’IGPN.
Une seconde plainte avec constitution de partie civile a été déposée avec saisie du JI pour " blessure involontaire ayant entraîné une infirmité permanente". Elle est toujours en cours d’instruction.
Retrouvez notre dossier sur les manifestants, passants, lycéens grièvement blessés à l'oeil durant l'hiver 2018-2019.
EDIT 16/11/2023 Actualise le portrait