Non, ce n'est pas une carte du dioxyde de soufre actuellement à Wuhan
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- Publié le 24 février 2020 à 17:28
- Mis à jour le 24 février 2020 à 17:29
- Lecture : 4 min
- Par : AFP Australie
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Cette carte a été retweetée plus de 12.000 fois depuis ce message Twitter en anglais publié le 8 février 2020, dont une capture d'écran réalisée le 24 février 2020 est reproduite ci-dessous :

La légende en anglais dit que "les données du site windy.com montrent une très importante émission de dioxyde de soufre autour de Wuhan, (qui est) habituellement lié à la crémation de matière organique. Les niveaux sont élevés, même si l'on compare aux niveaux du reste de la Chine".
La carte mentionne un niveau de 1.351,65 µg/m3 de dioxyde de soufre (SO2). Selon l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris), "le dioxyde de soufre (SO2) est un gaz qui est fabriqué à partir des minerais soufrés, de la combustion du soufre, ou dans l’industrie pétrolière" et "la principale source d’exposition est anthropique (combustibles fossiles, raffineries) mais le dioxyde de soufre est également émis lors des feux de forêts, et des éruptions volcaniques".
Comme expliqué ici par l'AFP, Wuhan "est aujourd'hui l'un des centres de l'industrie sidérurgique, où sont conçus 60% des rails de chemins de fer à grande vitesse du pays".
Première anomalie, la carte mentionne la semaine du 10 au 17 février, soit après la publication du message.
La carte a été également partagée ici ou là sur Twitter en anglais mais aussi ici dans plusieurs posts Facebook (1,2,3) ou encore ici sur YouTube. Elle a circulé aussi en Chinois ici et là ou encore ici en Coréen.
On la retrouve aussi en français sur Twitter ici, partagé plus de 400 fois et "liké" plus de 600 fois depuis le 9 février. La légende et le tweet suivant mentionnent également "la combustion d'éléments organiques" mais aussi "des désinfectants et aérosols" pulvérisés contre le coronavirus. Le message évoque aussi la ville de Chongqing.
De nombreux commentaires d'internautes évoquent la crémation de cadavres comme explication de ces niveaux de SO2.

Il est aussi relayé en français sur Facebook ici ou là. Cette publication du 14 février évoque "une carte satellite capturée ce week-end" et affirme que "le dioxyde de soufre est produit lorsque les corps sont incinérés, et aussi lorsque les déchets médicaux sont incinérés". Il s'agit d'une traduction mot à mot de ce post en anglais partagé une centaine de fois depuis le 13 février.
Le nouveau coronavirus, qui entraîne la maladie Covid-19, est responsable de la mort d'au moins 2.600 personnes en Chine, sur 77.000 cas selon un bilan daté du 24 février, tandis que l'épidémie semble accélérer sa propagation dans le reste du monde, comme rapporté dans cette dépêche AFP.
Ce virus, pour lequel il n'existe ni traitement ni vaccin, a été détecté pour la première fois à Wuhan, en Chine, en décembre 2019.
Une prévision, pas des relevés
La carte mentionnée dans les messages trompeurs mentionnés ci-dessus ne représente pas des relevés réels d'émissions de dioxyde de soufre mais des prévisions basées sur des schémas météo, croisés avec des historiques de niveaux d'émissions de ce gaz.
Comme l'a expliqué à l'AFP dans un mail le site météo Windy.com, le site "ne fait que montrer une prévision de SO2, les données de cette prévision viennent de la NASA et de son modèle GEOS-5".
Il avait déjà dû préciser cela sur son propre site les 10 et 11 février, en réponse à des questions d'internautes qui l'interrogeaient ce sujet. En outre, Windy.com ne montre pas de données sur des événements passés, mais uniquement des prévisions, précisait une responsable du site.


Dr. Arlindo da Silva, chercheur en météorologie à la NASA, a aussi indiqué à l'AFP que ses cartographies de SO2 ne mesurent pas des évolutions quotidiennes.
"Nos prévisions sont basées sur des niveaux fixes d'émissions. Une fois que le SO2 est émis, il est transporté par les vents anticipés par les prévisions", a-t-il expliqué à l'AFP.
"Bien que des données satellite aient été utilisées pour établir les niveaux d'émissions, ces émissions ne tiennent pas compte des variations au jour le jour des émissions de SO2 et donc, ne tiennent pas compte des changements soudains de l'activité humaine", a-t-il insisté.