Les défunts, infectés par le coronavirus, peuvent tout de même bénéficier de certains soins mortuaires
Une publication, partagée plus de 300 fois sur Facebook depuis le 7 mars, dénonce l'absence de tout soin mortuaire aux personnes décédées après avoir été infectées par le nouveau coronavirus. C’est trompeur : seulement certains soins, de conservation, sont interdits, affirme à l'AFP le Haut conseil de la santé publique.

La publication est accompagnée d'une photo montrant un email "circulaire préfectorale" envoyée par email "aux entreprises de pompes funèbres" le 6 mars 2020. "C’est une situation très grave et loin d’être terminée : aucun soin ne peut être pratiqué", explique "un témoin" ayant "20 ans de carrière" dans le monde funéraire et cité dans la publication.
Des commentaires contestent l'authenticité de cet email. Nous avons donc contacté plusieurs préfectures.
La préfecture du Nord a reconnu le 12 mars à l'AFP avoir envoyé l'email aux établissements funéraires et a publié dans la foulée de notre appel ces mêmes recommandations sur son site.
La préfecture de l'Oise, citée par l'auteure de la publication dans un commentaire, a démenti avoir envoyé une circulaire à ce sujet. L'Oise est le département où était recensé le 10 mars le nombre le plus important de cas de contamination au coronavirus en France.
"Les préfectures n’ont pas reçu comme consigne d’envoyer un tel email" aux établissements funéraires, a expliqué le 10 mars à l'AFP le service de presse du cabinet du ministre chargé des Collectivités territoriales Sébastien Lecornu.
Mais ces instructions ont bien été envoyées par la Direction générale des collectivités territoriales à l'ensemble des préfets pour "expliquer les soins funéraires à apporter aux morts diagnostiqués de Covid-19", a détaillé le service de presse.
Ces recommandations font partie d’un avis du Haut Conseil de la santé publique (HCSP), émis le 18 février 2020 au sujet de la prise en charge des corps infectés au nouveau coronavirus.

La thanatoproxie, une "procédure à risque"
L'une des recommandations fait particulièrement réagir les utilisateurs de Facebook : l’interdiction de tout acte de thanatopraxie ou soin de conservation des corps. Dans la publication, elle est comprise comme l'interdiction de tout soin.
C’est faux : "Il peut y avoir une certaine confusion dans l'esprit des gens autour de la terminologie", a expliqué à l’AFP le professeur Christian Chidiac, membre du HCSP et spécialiste des maladies infectieuses et tropicales au CHU de Lyon.
En cas de décès d'un patient atteint de Covid-19, les actes de thanatopraxie sont proscrits, mais pas tous les soins mortuaires. La toilette mortuaire est possible et réalisée avant le transport du corps, en veillant à prendre des précautions supplémentaires (gants spéciaux, blouse, tablier, masques à usage unique, lunettes de protection...) pour protéger les agents.
Au contraire, les actes de thanatopraxie sont "des procédures à risque" en cas de Covid-19, explique le professeur Chidiac.
Ce sont des "soins de conservation dont le but est de retarder de quelques jours ou quelques semaines les phénomènes de décomposition postmortem afin de conserver le corps en bon état", a détaillé Christian Chidiac, comme lors d'un enterrement retardé.
Ces soins consistent schématiquement à substituer le sang et les fluides corporels du défunt avec une injection de produit antiseptique (environ 6 litres de produits injectés), et à vider les viscères creux de leur contenu. Il y a donc des risques de production d'aérosol, de coupures ou de piqûres pour les thanatopracteurs.
"Donc si on a un doute sur une maladie infectieuse alors on interdit ces gestes de thanatopraxie. C’est le cas d’un certain nombre de maladies dont le SARS-COV-2 qui donne la maladie Covid-19", a précisé M. Chidiac.
Des entreprises de pompes funèbres vont au-delà de ces préconisations : la Confédération des Professionnels du funéraire et de la marbrerie "déconseille dans la mesure du possible" les toilettes mortuaires, a dit à l'AFP son directeur général Richard Feret.
Le HCSP a émis d'autres recommandations : transport du corps dans une housse hermétique et fermée (et pas sur un brancard recouvert d'un drap), mise en bière immédiate du corps dans le cercueil fermé. "La famille n'a donc pas accès au visage du défunt", a regretté Christian Chidiac.
D’autres maladies comme la rage, la tuberculose, le SRAS, la grippe aviaire, sont sujettes aux mêmes préconisations, rappelle l'avis du HCSP.
Depuis l'apparition du nouveau coronavirus en décembre dernier, 125.293 cas d'infection ont été recensés dans 115 pays et territoires, causant la mort de 4.600 personnes, selon un bilan établi par l'AFP à partir de sources officielles jeudi.
L'AFP a déjà vérifié plusieurs dizaines de fausses informations au sujet du nouveau coronavirus (articles à lire ici).
Edit du 13.03.2020 : précise le chapeau de l'article pour éviter toute confusion