Le cérumen ne doit pas être utilisé comme anti-poison

  • Cet article date de plus d'un an
  • Publié le 14 janvier 2022 à 17:42
  • Lecture : 4 min
  • Par : Monique NGO MAYAG
Alors que des rumeurs sur des cas d'empoisonnement ont récemment circulé au Cameroun et en Côte d’Ivoire, des soi-disant recettes anti-poison refont surface et pullulent depuis fin décembre sur Facebook. L’une d’elles, devenue virale avec près de 8.000 partages, prescrit de consommer le cérumen également appelé cire d’oreille, en cas d’intoxication alimentaire. Les spécialistes contactés par l’AFP ne reconnaissent pourtant aucune propriété anti-poison à cette substance sécrétée dans le conduit auditif et préviennent du danger lié à sa consommation. 

Début janvier, de nombreuses publications annoncent la mort d’une jeune mariée, une semaine après son union. Les auteurs des posts affirment que la défunte a été empoisonnée. Cela s’ajoute à plusieurs rumeurs sur des cas de morts par empoisonnement, qui ont ému de nombreux internautes, notamment au Cameroun. Les recettes anti-poison se sont ainsi multipliées sur les réseaux sociaux.

Voilà ce que propose l’une de ces "recettes", publiée en décembre 2019 et encore partagée en janvier 2022 :"Tu viens de manger un repas à une manifestation, à une réunion ou même avec les amis dans un restaurant et tu te sens mal après ou penses que tu viens d'être empoisonné ? Alors nettoie rapidement tes oreilles et lèche ce CÉRUMEN et reste tranquille”. L’auteur de la publication assure que "si c'est un poison tu vomiras dans les minutes qui suivent."

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Capture d'une publication virale sur Facebook, réalisée le 14 janvier 2022

Le même message est relayé dans de nombreuses publications à travers certains pays d’Afrique francophone (1,2,3,4…)

La publication suscite à chaque fois des commentaires d'internautes reconnaissants. Certains en profitent pour attribuer au cérumen des propriétés curatives sur d’autres maux. 

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Capture de commentaires sous une publication virale sur Facebook, réalisée le 14 janvier 2022

Le cérumen, un anti-poison ? "Je n’aurais qu’une réponse : je n’en crois pas mes oreilles ! Je ne sais pas quoi vous dire de plus", a réagi avec humour Dr Jérôme Langrand, chef de service au Centre anti-poison et de toxicovigilance de Paris.

Cette "prescription" laisse tout aussi perplexe, le professeur Serigne Omar Sarr, pharmacien et enseignant à la Faculté de médecine, de pharmacie et d'odontologie de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar au Sénégal. “J'ai étudié la toxicologie, mais ça c’est une nouvelle leçon. Le cérumen, un anti-poison ? Je ne l'ai jamais entendu ni lu quelque part”. 

Il souligne qu’un anti-poison a pour rôle de neutraliser le poison dans l’organisme. Et l’antidote d’une intoxication dépend de plusieurs paramètres, selon l’origine de l’intoxication et l’ampleur des dégâts. Le poison contre le venin de serpent par exemple, n’est pas le même que celui contre le plomb, etc. "Le bon réflexe, lorsqu’on soupçonne un empoisonnement, est vraiment de se rendre à l’hôpital le plus proche ou de contacter un centre anti-poison", conseille Pr Serigne Omar Sarr.

 "Il faut surtout éviter l’automédication au risque d’empirer la situation, prévient-il. Il y a des cas qui exigent par exemple que le patient soit mis sous assistance respiratoire ou autre prise en charge".

Dans un document sur l’amélioration de la disponibilité des services de centres anti-poison en Afrique de l’Est, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) encourage d’ailleurs la mise en place de ces "centres d’expertise technique sur les produits chimiques et toxiques et sur leurs effets sur la santé. Il s’agit au minimum d’un service d’information qui donne des renseignements en urgence”.

Dans ce document, l'OMS indique que “la croissance rapide de l’industrie chimique en Afrique rend d’autant plus nécessaire la mise en place de services de centres anti-poison. Les centres anti-poison contribuent aux principales capacités dont les pays doivent être dotés pour mettre en œuvre le Règlement sanitaire international (2005)."  

"Mauvais pour la santé"

Patrick De Cock, porte-parole du Centre anti-poison belge, affirme également que "rien ne prouve que le cérumen soit un anti-dote ou qu'il puisse être utilisé de manière préventive contre le poison". Il ajoute que "manger du cérumen n'est pas sain."

Le centre anti-poison belge explique que le cérumen a un goût amer. "Le cérumen est notamment composé de collagène, qui a un effet fortifiant. La kératine, une substance que l'on trouve dans la peau, peut également se trouver dans le cérumen. En outre, le cérumen contient des poils, des squames de peau et du sébum. Le cérumen contient des bactéries et des virus, il est donc également plein de micro-organismes. Il n'est pas conseillé de manger le cérumen : c'est mauvais pour la santé et cela augmente également le risque d'infection", met en garde Patrick De Cock.

Les spécialistes recommandent donc de ne pas consommer le cérumen et de s’en tenir à son triple rôle consistant à "lubrifier la peau des parois du conduit auditif, barrer la voie aux corps étrangers qui pourraient s’introduire dans l’oreille et de nettoyer le conduit auditif".

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