Le président de l'assemblée nationale congolaise fustige l'accord de paix signé avec le Rwanda ? Faux

Le 27 juin 2025, la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda ont signé un accord de paix, visant à mettre fin au conflit meurtrier qui ravage l'est de la RDC depuis plusieurs années. Dans ce contexte, des publications prétendent diffuser la "réaction" du président de l'Assemblée nationale congolaise, qui aurait dénoncé une mise à l'écart de l'institution parlementaire au cours de ce processus. Mais c'est faux : Vital Kamerhe n'a pas tenu de tels propos et a, au contraire, salué ce consensus dans un communiqué. 

La République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda ont signé le 27 juin 2025, sous les auspices des Etats-Unis, un accord de paix visant à mettre fin au conflit dans l'est de la RDC qui a fait des milliers de morts ces dernières années. 

Le texte a été formellement signé après une série de trêves et de cessez-le-feu systématiquement rompus et l'échec de plusieurs tentatives de négociations. 

Il s'inspire d'une déclaration de principes approuvée en avril entre les deux pays et prévoit des dispositions sur "le respect de l'intégrité territoriale et l'arrêt des hostilités" dans l'est de la RDC, après l'offensive menée par le groupe armé M23, soutenu par les autorités rwandaises. 

Dans la foulée, les dirigeants de la RDC et du Rwanda devraient être reçus par Donald Trump à la Maison Blanche en juillet (dépêche AFP archivée ici). 

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Le secrétaire d'État américain Marco Rubio (au centre), la ministre des Affaires étrangères de la RDC, Thérèse Kayikwamba Wagner (à droite), et le ministre des Affaires étrangères du Rwanda, Olivier Nduhungirehe (à gauche), à Washington, DC, le 27 juin 2025. (AFP / MANDEL NGAN)

Le 29 juin, deux jours après la signature de cet accord, des dizaines de comptes Facebook basés en RDC ont diffusé un texte présenté comme la "réaction officielle à l’accord RDC-Rwanda" du président de la chambre basse du Parlement congolais, Vital Kamerhe. 

"L’Assemblée nationale, organe législatif et représentatif du peuple congolais, a été tenue à l’écart d’un accord majeur censé engager durablement l’avenir de la République. Ce silence imposé à l’institution parlementaire est une erreur grave, un affront à notre démocratie, et un dangereux précédent pour la gouvernance de notre nation", aurait-il notamment déclaré selon ces posts, cumulant pour certains plus de 1.000 commentaires (1,2,3...)

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Capture d'écran prise sur Facebook le 8 juillet 2025 / Croix ajoutée par la rédaction de l'AFP

Cependant, l'AFP n'a pas retrouvé la trace d'une telle prise de parole, ni sur les canaux officiels du parlement ni sur ceux de Vital Kamerhe. La presse nationale n'a pas non plus rapporté ces propos, démentis par les équipes du président de l'Assemblée, qui a au contraire salué la signature de cet accord dans un communiqué. 

Vital Kamerhe salue l'accord de paix

Pour retrouver l'origine de cette prétendue déclaration, l'AFP a mené une recherche avec les mots-clés "Vital Kamerhe", "accord de paix" et "débat démocratique". Notre rédaction n'a pas retrouvé ces propos, ni dans la presse nationale congolaise, ni sur le site officiel de l'Assemblée nationale ou les réseaux sociaux de son président. 

En revanche, Vital Kamerhe s'est bien exprimé au sujet de l'accord de paix signé entre la RDC et le Rwanda, dans un communiqué publié sur son compte X le 30 juin dernier (lien archivé ici).

"Je salue le franchissement d'une étape décisive : la signature, à Washington, d'un accord entre la République démocratique du Congo et le Rwanda, sous l'égide des Etats-Unis", avance-t-il notamment. "Cet accord constitue un jalon majeur dans la construction d'une réponse politique et diplomatique à la crise", peut-on encore y lire.

Dans ce document, il ne fait pas mention du rôle joué par l'Assemblée nationale congolaise dans le processus de paix. 

Lorsque nous lui avons soumis le contenu des publications que nous vérifions, le coordonnateur de la cellule de communication de l'Assemblée nationale et conseiller en communication du président Kara Njangu a assuré à l'AFP, le 8 juillet : "Fakenews, la dernière prise de parole du président est la déclaration sur son compte X, référez vous à ça".

"Ces propos sont faux. Fakenews", a également soutenu auprès de l'AFP, le même jour, Billy Kambale, secrétaire Général du parti Union pour la Nation Congolaise, parti de Vital Kamerhe. 

Le respect de la Constitution en question 

Si Vitale Kamerhe n'a pas tenu les propos qui lui sont prêtés à l'issue de la signature de l'accord, il avait toutefois cherché à rassuré les députés à la fin du mois de mai dernier, en leur assurant que le Parlement veillerait à ce qu'il n'y ait "ni bradage" des ressources du pays ni "remise en cause de l'intégrité territoriale et de la souveraineté" de la RDC dans le cadre du processus de paix. 

Lors d'une séance plénière, il avait ainsi déclaré, le 20 mai : "Le chef de l'Etat a rappelé (...) que les différents accords de paix et de coopération économique en cours de négociation (...) feront l'objet d'un examen minutieux au Parlement. Par là, le chef de l'Etat a voulu rassurer la représentation nationale de l'implication des parlementaires dans ce processus conformément aux dispositions légales et règlementaires avant la conclusion desdits accords" (lien archivé ici). 

En effet, l'article 214 de la Constitution congolaise stipule que "les traités de paix (...) ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu'en vertu d'une loi" votée par le Parlement (lien archivé ici).

Au regard de la loi, l'Assemblée nationale devrait donc être consultée à ce sujet, ce qui n'a pas encore été le cas.

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En conséquence, dans la société civile congolaise, des voix s'élèvent pour demander de la "transparence" autour du processus de paix. Elles appellent à un "débat public et parlementaire", a observé le 10 juillet auprès de l'AFP Christian Moleka, politologue et coordonnateur national de la Dynamique des politologues de la RDC (Dypol). 

Jusqu'à présent, le Parlement "est silencieux, il est parti en vacances le 15 juin sans se prononcer avant la signature de l'accord de paix, le 27 juin. Il y a une forme de mutisme qui ne dit pas son nom, et du côté du Parlement, et du président de la République", note le politologue. D'après lui, l'exécutif présente l'accord de paix comme "un premier pas", avant de soumettre un projet plus global au Parlement. 

Le gouvernement congolais a "beaucoup de difficulté à vendre le projet d'accord de paix à l'opinion publique" car il suscite une "énorme polémique", avance-t-il encore. Par exemple, des zones d'ombre subsistent au sujet des gains du M23 qui s'est emparé de vastes territoires congolais dans la région frontalière du Rwanda, après une offensive éclair conduisant à la chute des deux grandes villes Goma et Bukavu. 

En ce qui concerne M. Kamere, il fait certainement l'objet d'une "stratégie de manipulation politique", pointe Christian Moleka. D'une part car "il a toujours eu du mal à cohabiter avec certaines factions qui gravitent autour du président, qui le trouvent encombrant", et d'autre part car dans la perspective de l'élection présidentielle 2028, "il pourrait incarner une forme d'ombrage". 

Les violences dans l'est de la RDC demeurent un sujet de préoccupation majeur pour la population de ce territoire et les dirigeants du pays. Selon le gouvernement congolais et l'ONU, le conflit a fait des milliers de morts et aggravé une crise humanitaire pour des centaines de milliers de déplacés.

En vue d'élargir l'accord de paix signé fin juin, des délégations de la RDC et du groupe armé antigouvernemental M23 se trouvent encore au Qatar, réunis dans le cadre de pourparlers. 

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