
Non, cette vidéo ne montre pas une frappe iranienne sur une centrale électrique israélienne
- Publié le 23 juin 2025 à 12:14
- Lecture : 6 min
- Par : Emilie BERAUD, AFP Afrique
Copyright AFP 2017-2025. Toute réutilisation commerciale du contenu est sujet à un abonnement. Cliquez ici pour en savoir plus.
Israël a lancé le 13 juin sur l'Iran une attaque d'une ampleur sans précédent, visant des centaines de cibles militaires et nucléaires, avec l'objectif affiché d'empêcher ce pays de se doter de la bombe atomique. En réponse, l'Iran a tiré des missiles sur plusieurs grandes villes d'Israël, dont Tel-Aviv et Haïfa (dépêche AFP archivée ici).
Cette guerre débutée il y a onze jours a pris un nouveau tournant dimanche avec l'intervention des Etats-Unis, qui ont frappé le site souterrain iranien d'enrichissement d'uranium à Fordo, au sud de Téhéran, et des installations nucléaires à Ispahan et Natanz (dépêche archivée ici).
A ce stade, la guerre a fait côté iranien plus de 400 morts et 3.056 blessés, en majorité des civils, selon un bilan officiel. Les tirs iraniens sur Israël ont fait eux 24 morts, d'après les autorités israéliennes .
Comme régulièrement avec ce genre d'actualité d'ampleur internationale, des images trompeuses ou sorties de leur contexte ont inondé les réseaux sociaux. Parmi elles, la vidéo d'une infrastructure énergétique dévorée par les flammes est présentée comme "la centrale électrique d'Haïfa" (nord d'Israël, NDLR) par des dizaines de publications diffusées sur Facebook et X depuis le 16 juin (1, 2, 3...)
Ces images montreraient les conséquences d'une frappe de l'armée iranienne, selon ces posts partagés depuis le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire ou encore la République démocratique du Congo (RDC).
Ces messages sont aussi relayés dans d'autres langues, notamment en hindi et en arabe.

Le 16 juin dernier, jour où la vidéo a commencé à circuler en ligne, un responsable israélien a indiqué qu'une frappe iranienne sur une raffinerie de pétrole à Haïfa avait coûté la vie à trois Israéliens la veille au soir (lien archivé ici).
Il a ainsi confirmé des informations diffusées par les médias israéliens, sans donner davantage de détails, après une levée de la censure militaire israélienne qui interdit normalement à la presse de publier des éléments ou des images sur les dégâts causés à des installations stratégiques dans le pays.
Cependant, la vidéo que nous vérifions n'a aucun lien avec la guerre entre l'Iran et Israël. En réalité, elle date de 2015 et a été tournée en Chine, comme l'AFP l'avait déjà démontré dans cet article publié en anglais en 2019.
Vieille vidéo d'un exercice pour des pompiers chinois
En effectuant une recherche d'image inversée à partir de la vidéo actuellement diffusée en ligne, on retrouve une ancienne occurrence publiée il y a neuf ans, preuve qu'elle circule depuis longtemps sur les réseaux. "Explosion dans une usine chimique chinoise ....", affirme la légende de ce contenu, mis en ligne précisément en novembre 2015 sur une chaîne YouTube personnelle (lien archivé ici).
L'AFP avait par ailleurs déjà vérifié ces images dans un article en 2019, alors que des internautes leur attribuaient un tout autre contexte sur les réseaux sociaux. En effet, à l'époque, plusieurs posts prétendaient dévoiler la vidéo d'un incendie à Singapour en 2017. Des allégations encore une fois trompeuses.
Sur le réseau social chinois Weibo, on retrouve des photos montrant le même bâtiment rongé par les flammes, publiées par la brigade des pompiers du Sichuan (province du sud-ouest de la Chine) le 13 novembre 2015 (lien archivé ici).

La légende rédigée en chinois nous apprend qu'il s'agit d'un entraînement et non pas d'un accident : "Un exercice de sauvetage a été organisé à la base d'entraînement des pompiers de la sécurité publique de Chengdu dans l'après-midi du 12 novembre", peut-on notamment y lire.
Sur certains de ces visuels, on reconnaît l'architecture du complexe visible dans la vidéo que nous vérifions, notamment les deux structures de forme sphérique (en rouge) et le bâtiment métallique, plut haut (en jaune).

Ce post est aussi accompagné d'un rapport détaillé agrémenté d'autres images sur lesquelles on identifie plus clairement clairement les contours de la structure (voir ici).

La vidéo actuellement diffusée en ligne est donc ancienne et n'a aucun lien avec l'escalade militaire entre l'Iran et Israël.
"Vague de désinformation"
Depuis le début de la guerre il y a onze jours, l'AFP a vérifié plus d'une trentaine d'images fausses, sorties de leur contexte ou bien générées par intelligence artificielle sur le conflit. Ces contenus faux ont été diffusés dans plusieurs langues sur les réseaux sociaux, notamment en français, anglais, espagnol ou arabe.
Il y a une "vague de désinformation générée par l'IA en lien avec le conflit Israël-Iran en particulier", a confirmé auprès de l'AFP Ken Jon Miyachi, fondateur de l'entreprise texane BitMindAI. "Ces outils sont exploités pour manipuler la perception du public, souvent en amplifiant des récits trompeurs ou divergents, à une échelle et avec une sophistication sans précédent."
L'entreprise américaine NewsGuard, qui analyse la fiabilité des sites et contenus en ligne, a pour le moment identifié pas moins de 51 sites internet qui ont publié plus d’une douzaine d’infox sur le conflit.
Parmi ceux qui ont diffusé ces faux contenus, on trouve des chaînes Telegram liées à l'armée iranienne et des sources affiliées aux médias d'Etat, affirme l'entreprise. Certains ont ensuite été relayés par des médias d'Etat russes et chinois, les exportant ainsi sur une scène plus vaste, ajoute McKenzie Sadeghi, chercheur à NewsGuard.
L'AFP a analysé cette vague de désinformation dans un article disponible ici.
Plus généralement, l'équipe d'AFP Factuel se penche régulièrement sur des images fausses ou décontextualisées en lien avec le conflit actuel au Proche-Orient, à consulter ici.