Non, le RSA ne sera pas supprimé en janvier 2025
- Publié le 29 novembre 2024 à 11:40
- Lecture : 8 min
- Par : Louise DALMASSO, AFP France
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"Fin du RSA à partir du 1er janvier 2025, c'est un truc de malade", s'exclame un homme dans une vidéo publiée sur TikTok le 16 novembre 2024 et partagée plus de 17.000 fois.
Dans les commentaires, les internautes s'alarment : "ils vont déclencher une guerre civile", réagit l'un. "Comment je vais faire avec un petit de 3 ans et un bébé de 18 mois ?", s'inquiète une autre.
La vidéo a également été relayée sur X où elle a cumulé quelque 2.000 partages.
Elle montre un extrait d'un article publié par CNews le 15 novembre reprenant une liste de départements que l'auteur de la vidéo décrit comme ceux où "le RSA sera suspendu en janvier 2025". Un texte est ajouté au montage: "La fin du RSA, regarder la liste des 71 départements". "Ça va être chaud [...] Il y a plein de gens qui ont besoin de ça pour vivre, pour nourrir leurs enfants", dit l'internaute pour conclure sa vidéo.
Mais la menace de suspension à laquelle il est fait allusion (et non de suppression), même si elle était mise en œuvre, ne concerne pas les versements aux ayants droit.
Une menace départementale
Le RSA "assure aux personnes sans ressources ou disposant de faibles ressources un niveau minimum de revenu" variant selon la composition du foyer (archivé ici). Il est versé mensuellement, par les Caisses d'allocations familiales (Caf) à 98,6% des bénéficiaires et par la Mutualité sociale agricole (MSA) au 1,4 % de bénéficiaires restant, et il est financé par les départements (archivé ici).
Au 31 décembre 2023, 1,81 million de foyers, soit 3,6 millions de personnes, sont bénéficiaires du RSA à la Caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf). Sur un an, celle-ci a versé 11,67 milliards d'euros aux foyers allocataires dans les départements français (archivés ici).
"Dès le 1er janvier, tous les départements de la droite et du centre vont suspendre leurs versements de RSA aux caisses d'allocations familiales", a déclaré lors d'un point presse Nicolas Lacroix (LR), président du groupe des départements de la droite, du centre et des indépendants (DCI) au sein de l'association d'élus Départements de France, le 14 novembre 2024 (archivé ici).
Cette menace s'inscrivait dans le contexte d'un fort mécontentement des départements face aux efforts budgétaires demandés par le gouvernement aux collectivités, en particulier aux départements, dans le cadre du projet de loi finances (PLF) 2025 (archivé ici).
Un PLF contesté
La version initiale du PLF mise sur la table par le gouvernement, en cours d'examen parlementaire et promise à des évolutions, prévoit de ramener le déficit public à 5 % du PIB l'année prochaine. Pour ce faire, le texte table sur un effort de 60 milliards d'euros en 2025 (archivé ici). Avec d'un côté une augmentation de près de 20 milliards d'euros des recettes et de l'autre une réduction d'environ 40 milliards des dépenses publiques, dont un effort de 5 milliards d'euros réclamé aux collectivités.
Selon Nicolas Lacroix, les départements sont la strate de collectivités la plus impactée, avec 44 % de l'effort, soit 2,2 milliards d'euros (archivé ici). Vingt départements "sensibles" - en raison de leur situation financière tendue - ont toutefois d'ores et déjà été écartés de l'effort, dont ceux du Nord, du Pas-de-Calais, de la Seine-Saint-Denis et certains territoires d'outre-mer comme la Réunion et Mayotte.
Mécontents, certains départements de droite et du centre ont donc menacé de suspendre le financement du RSA qu'ils versent aux Caisses d'allocations familiales (Caf), lesquelles assurent ensuite le versement de l'aide à ses bénéficiaires (archivé ici).
Mais si cette menace est mise en oeuvre, "le RSA ne s'arrêtera pas, les bénéficiaires ne doivent pas s'inquiéter. Les Caf continueront à verser le RSA dans l’ensemble des départements, dans les conditions habituelles. Il n'y a pas d'inquiétude à avoir", a affirmé à l'AFP le directeur général de la Cnaf, Nicolas Grivel.
"Si les départements ne nous versent pas les financements en temps et en heure, ils s'endettent auprès de la Cnaf. Comme prévu dans la convention qui nous lie à eux, les départements devront donc rembourser la Cnaf et, en cas de retard, avec des intérêts", a-t-il ajouté.
Du côté de la MSA, qui verse l'aide à 1,4 % des bénéficiaires du RSA, même son de cloche : "Les caisses de la MSA continueront de verser le RSA à leurs bénéficiaires en avançant les fonds, selon les règles conventionnelles établies avec les départements. Les versements seront bien assurés quelles que soient les situations départementales", ont-ils confirmé à l'AFP le 27 novembre.
Le 15 novembre, François Sauvadet, président des Départements de France, était l'invité de la matinale de Public Sénat. Interrogé sur les conséquences que pourrait avoir la suspension du financement, il a observé que "la Cnaf, qui verse le RSA pour le compte des départements, a encore des ressources" qui lui permettraient d'assurer les versements aux ayants droit même sans les financements des départements. Il a toutefois considéré que "les allocataires pourraient être impactés à terme, si cette mesure est appliquée durablement" (archivé ici).
Le gouvernement rétropédale
Face à la colère grandissante des élus départementaux à l'égard du PLF, le Premier ministre Michel Barnier a promis mi-novembre une réduction "significative" des économies qui leur sont demandées (archivé ici). Il n'a toutefois pas avancé de chiffres sur la baisse de cet effort, qui "dépendra de la discussion au Sénat", a précisé Matignon.
Nicolas Lacroix s'est montré confiant : "on est rassurés, mais on attend maintenant plus précisément quel sera le juste effort demandé aux départements".
Le projet de budget est actuellement en débat au Parlement. Très remanié à l'Assemblée nationale lors de son examen, le texte y a été rejeté en première lecture (archivé ici). Le Sénat a commencé à son tour à l'examiner le 25 novembre. Le président de la chambre haute, Gérard Larcher, s'est dit favorable à ce que l'effort budgétaire demandé aux collectivités soit réduit à 2 milliards d'euros plutôt que 5 milliards (archivé ici).
S'il est adopté par les sénateurs, le texte devra ensuite passer par une commission mixte paritaire, où des représentants des députés et sénateurs chercheraient un compromis sur un texte commun, avant un dernier vote dans chaque chambre. Le Premier ministre estime qu'il devra "assurément" recourir à l'article 49-3 de la Constitution pour faire adopter le texte à l'Assemblée nationale (archivé ici et ici). La gauche a déjà prévu de répondre par une motion de censure à risque pour le gouvernement.
Des départements en difficulté
En 2023, les départements ont vu leur épargne fondre de près de 40 %, selon un rapport de la Direction générale des collectivités locales (archivé ici). Ils ont souffert d'un recul de leurs recettes de fonctionnement (-1,2 %) dû au ralentissement du marché immobilier. Une bonne partie de leurs recettes de fonctionnement proviennent des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) prélevés sur les transactions immobilières - compris dans les dits "frais de notaire" - qui ont enregistré un repli de 20 % en 2023. En parallèle, les départements ont également subi une forte augmentation de leurs dépenses de fonctionnement (6,4%).
Selon un rapport de la Cour des comptes de juillet 2024, la situation va continuer à se dégrader cette année et "une vingtaine de départements" risquent même d'être fragilisés (archivé ici). La Cour préconise de réformer le système de financement des départements, trop exposé aux cycles économiques alors que beaucoup de leurs dépenses sont incompressibles.
Le thème des aides sociales est récurrent sur les réseaux sociaux et l'équipe de l'AFP Factuel a déjà vérifié ces dernières années de fausses allégations concernant notamment le RSA.