( AFP / PASCAL GUYOT)

Attention à ces vidéos trompeuses remettant en question l'attaque de la synagogue de La Grande-Motte

Le matin du 24 août, un homme a tenté d'incendier la synagogue de La Grande-Motte avant l'office matinal du shabbat qui accueille de nombreux fidèles. Ayant pris la fuite après son attaque, le suspect a été arrêté dans la soirée à Nîmes et était, le 28 août, toujours en garde à vue. Dans ce contexte, des vidéos d'un bâtiment adjacent à la synagogue et présentant des traces d'incendie sont utilisées dans des publications virales sur les réseaux sociaux pour remettre en question la réalité de l'attaque perpétrée contre le lieu de culte. Si une voiture a bien été incendiée dans le parking de ce bâtiment situé à quelques dizaines de mètres de la synagogue, d'autres départs de feu ont directement ciblé l'édifice religieux, notamment dans la cour attenante et sur certaines portes d'accès.

Samedi 24 août, peu avant 08h30, un Algérien de 33 ans a été filmé par des caméras de vidéosurveillance, le visage découvert et un drapeau palestinien à la ceinture, alors qu'il tentait de mettre le feu à la synagogue Beth Yaacov de La Grande-Motte (Hérault), avant l'office matinal du shabbat qui accueille de nombreux fidèles (lien archivé ici).

"Un drame a été évité" de justesse, a déclaré le 25 août le ministre de l'Intérieur démissionnaire Gérald Darmanin, dénonçant un "acte antisémite". Le suspect n'a pas pénétré dans l'édifice religieux mais tenté d'y mettre le feu.

Cinq personnes, dont le rabbin, se trouvaient à l'intérieur et le suspect a dû prendre la fuite du fait de l'intervention rapide des forces de l'ordre avant d'être interpellé dans la soirée à Nîmes. Seul un policier municipal avait été blessé, légèrement, par l'explosion d'une bonbonne de gaz stockée près d'un barbecue sur le parking de la synagogue.

Le principal suspect de l'attaque et deux autres personnes étaient toujours entendus en garde à vue mercredi 28 août et une information judiciaire devait être ouverte dans l'après-midi, selon le Parquet national antiterroriste (Pnat) sollicité par l'AFP (lien archivé ici).

Selon une source proche du dossier, le suspect a reconnu les faits, et la piste d'une action solitaire est privilégiée.

Trois jours après cet incendie criminel, un millier de personnes, dont de nombreux élus et des représentants de plusieurs religions, se sont réunies le 27 août à Montpellier pour dénoncer l'antisémitisme et soutenir la communauté juive (lien archivé ici).

"Votre présence ici est un pied-de-nez aux prôneurs de haine", a lancé Perla Danan, présidente du Conseil représentatif des institutions juives (Crif) du Languedoc-Roussillon, à la foule rassemblée place de la Comédie.

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Des manifestants participent à une manifestation contre l'antisémitisme convoquée par le Conseil représentatif des institutions juives françaises (CRIF) sur la place de la Comédie à Montpellier, dans le sud de la France, le 27 août 2024, suite à l'incendie et à l'explosion de voitures qui ont visé une synagogue. de La Grande-Motte, le 24 août 2024. (AFP / PASCAL GUYOT)

Sur les réseaux sociaux, plusieurs internautes ont toutefois remis en doute, à partir du 26 août, le déroulé de l'attaque et surtout que la synagogue de La Grande-Motte ait été la cible de cet incendie.

"La synagogue de la Grande-Motte semble effectivement ne pas avoir brûlé. Selon cette vidéo, il semble bien que ce soit le parking en face de la synagogue qui ait été victime d'un acte incendiaire et non pas la synagogue... Si cela ce confirme, vous imaginez un peu l'ampleur de la manipulation. Mais dans l'empire du mensonge, doit-on s'étonner ?", affirme par exemple cette publication qui a récolté plus de 4.000 partages sur X en deux jours.

Le message est accompagné d'une vidéo de trente secondes durant laquelle un homme filme un bâtiment, séparé de quelques dizaines de mètres de la synagogue selon lui, qui présente de nombreuses traces de suie. L'homme derrière la caméra explique ne pas "voir la relation" entre ce bâtiment visiblement incendié et l'édifice religieux, assurant qu'il "ne s'est rien passé sur la synagogue".

Une autre vidéo d'une dizaine de secondes, elle aussi abondamment partagée sur X, reprend les mêmes affirmations, assurant que l'attaque ayant visé le lieu de culte ne serait "que du mensonge". "La Fameuse synagogue qui a brulé - l’Attentat de Folie ", écrit ainsi, goguenard, un internaute relayant la séquence.

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Captures d'écran réalisées sur X le 28/08/2024

D'autres séquences similaires ont été relayées sur X et TikTok (1, 2) par des internautes affirmant que la synagogue serait "intacte" et qu'il ne se serait "rien passé".

Mais ces propos sont faux, la synagogue de La Grande-Motte a bien été visée par un incendie criminel le 24 août et les vidéos virales occultent une partie des traces de l'attaque.

Voiture brûlée

La majorité des vidéos partagées en ligne proviennent du compte Instagram "vlad34tv" comme l'indique l'inscription en filigrane en haut à droite de plusieurs séquences.

Le profil, qui partageait jusqu'à présent principalement des contenus autour de l'univers des cryptomonnaies, a publié depuis le 24 août une vingtaine de vidéos sur la synagogue de La Grande-Motte et ses alentours.

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Captures d'écran réalisées sur Instagram le 28/08/2024

Ces séquences visent à "faire un petit tour neutre" des lieux pour que chacun "puisse faire sa petite enquête perso". "Je ne cherche pas à minimiser [...] mais il faut remettre les choses dans leur contexte", assure l'homme qui filme, affirmant qu'il n'y a qu'une voiture qui a brûlé, "pas trois" et assurant n'avoir "jamais vu" le blessé.

L'essentiel des vidéos montrent un bâtiment à la façade noircie sous lequel on aperçoit un parking. "C'est exactement là, sous les arcades, que la voiture a brûlé", explique le caméraman.

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Capture d'écran réalisée sur Instagram le 28/08/2024

Il s'agit du centre d'affaires H2O, un établissement séparé de la synagogue de La Grande-Motte par l'allée André Malraux.

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Capture d'écran réalisée sur Google Maps le 27/08/2024 représentant le parking du centre d'affaires H2O (encadré en rouge), la synagogue Beth Yaacov (en vert) et le portail de l'établissement (en bleu)

Une source policière a indiqué à l'AFP que l'auteur présumé a d'abord garé sa voiture, une Citroën Xsara Picasso blanche, dans le garage situé au sous-sol du bâtiment, avant de traverser la rue et d'entrer dans l'enceinte de la synagogue.

Plusieurs photographies prises par l'AFP (visibles notamment ici et ici) montrent le véhicule incendié (liens archivés ici et ici). On peut reconnaître les arches du centre d'affaires H2O ainsi que la synagogue en arrière-plan.

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Une voiture brûlée près de la synagogue Beth Yaacov à La Grande-Motte, au sud de la France, photographies prises le 26 août 2024. (AFP / Pascal GUYOT)

Une autre image prise par le bureau de l'AFP à Montpellier montre la voiture calcinée du suspect de l'attaque remorquée hors du parking du centre d'affaires H2O.

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Le véhicule incendié du suspect est remorqué hors du centre d'affaires H2O à La Grande-Motte le 26 août 2024. (AFP / Philippe SIUBERSKI)

Multiples départs de feu

En revanche, contrairement à ce qu'affirment les publications virales que nous examinons, cet incendie n'est pas le seul à avoir été déclenché samedi 24 août.

Le suspect n'a pas pénétré dans l'édifice religieux mais tenté d'y mettre le feu, alors que cinq personnes, dont le rabbin, se trouvaient à l'intérieur. Il a ensuite dû prendre la fuite face à l'intervention rapide des forces de l'ordre.

Selon le récit du Parquet national antiterroriste (Pnat), entre 8 h et 8 h 30, deux véhicules ont été "incendiés dans l’enceinte de la synagogue Ben Yacoov" (lien archivé ici). Sur place, "deux départs de feu supplémentaires" ont été relevés "au niveau de deux portes donnant accès à la synagogue".

Un policier municipal, qui s’est déplacé sur les lieux, a été "blessé par le souffle provoqué par l’explosion d’une bouteille de gaz présente dans l’un des véhicules incendiés", a précisé le Pnat dans un communiqué.

L'AFP n'a pas pu accéder à l'enceinte de la résidence où se trouve la synagogue, où l'auteur présumé a pénétré et mis le feu à plusieurs endroits.

En revanche, les responsables de la communauté juive ont présenté le lundi 26 août, lors d'un moment de recueillement, une photographie des dégâts dans la cour de la résidence où est située la synagogue. On peut y voir deux véhicules incendiés, ainsi que le toit en bois de la pergola où se trouvait un barbecue.

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Photographie présentée le 26 août 2024 par les responsables de la communauté juive de La Grande-Motte. (AFP / Philippe SIUBERSKI)

Une autre photographie prise par le bureau de l'AFP à Montpellier le 26 août depuis l'extérieur de la cour permet d'apercevoir les dégâts qu'a subi la toiture de la pergola lors de l'incendie.

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L'extérieur de la cour de la synagogue de La Grande-Motte le 26 août 2024. (AFP / Philippe SIUBERSKI)

Plusieurs images des portes d'accès de la synagogue ont aussi été partagées en ligne, notamment par le sénateur de l'Hérault Jean-Pierre Grand (lien archivé ici). On y distingue clairement les traces laissées par l'incendie.

Interrogée par l'AFP le 28 août 2024, Perla Danan, présidente du Crif Languedoc Roussillon, a expliqué que si "la synagogue n'a pas brûlé de A à Z [c'est] parce que les pompiers sont arrivés à l'instant, prévenus par les gendarmes qui arrivaient pour sécuriser l'office qui devait commencer quelques minutes" après l'attaque.

"Quand ça a explosé, les fidèles qui venaient à l'office étaient à 100 mètres" du lieu de culte, a ajouté Mme Danan.

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