Attention à ce photomontage du dirigeant rwandais Paul Kagame

Sur cette image, on semble reconnaître le visage du dirigeant rwandais Paul Kagame, main sur la bouche et doigt sur la tempe. 

Ce geste, lancé par les joueurs de football de la République Démocratique du Congo lors de la Coupe d'Afrique des Nations (CAN), s'est depuis répandu sur les réseaux sociaux. Symboliquement, il vise à dénoncer le silence invisibilisant les violentes exactions en cours à l'est de la RDC, à la frontière avec le Rwanda (lien archivé ici).

L'est de la RDC connaît depuis fin 2021 un pic de crise avec la résurgence dans la province du Nord-Kivu de la rébellion du M23 ("Mouvement du 23 mars") qui, avec le soutien du Rwanda voisin, s'est emparée de vastes pans de territoire. Ces combats ont entraîné la fuite de millions de civils victimes des affrontements (lien archivé ici). 

"Depuis Washington ou il séjourne actuellement pour le Rwanda day , Paul kagame fait aussi le geste des congolais pour exprimer sa compassion sur les massacres des populations de l'est de la RDC par des groupes rebelles congolais, à Washington paul kagame a demandé aux congolais d'arrêter de s'entretuer (sic)", prétendent ainsi des publications diffusées sur Facebook et X depuis le 10 février 2024, en légende du visuel que nous vérifions (liens archivés ici, ici et ici). 

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Capture d'écran prise sur Facebook le 19 février 2024 / Croix rouge ajoutée par la rédaction de l'AFP

Cette image est cependant un photomontage : en réalité, la photographie d'origine montre le porte-parole du gouvernement congolais, le ministre de la Communication Patrick Muyaya. 

Un photomontage

Pour retrouver la photo originale, nous avons réalisée une recherche d'image inversée, qui nous a conduit à un post publié sur X par le ministre congolais de la Communication Patrick Muyaya. 

Le 9 février dernier, le porte-parole du gouvernement a mis à jour sa photo de profil sur X, où on le voit adopter la même posture de soutien : main devant la bouche et doigt sur la tempe (lien archivé ici).

Sur cette photo, on retrouve les mêmes éléments visuels que sur l'image qui montrerait Paul Kagame, à savoir : un rideau taupe et bordeaux en arrière plan (encadré en jaune ci-dessous), un objet rose fuchsia dans le coin en bas à gauche (encadré en bleu) ainsi qu'une bague et une montre argentées et une cravate bleue (encadrées en rouge) :

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Captures d'écran prises sur X (à gauche) et Facebook (à droite) le 21 février 2024 / Encadrés ajoutés par la rédaction de l'AFP

En effectuant une recherche avec le site web de recherche par reconnaissance faciale Pim Eyes, à partir de l'image diffusée sur les réseaux sociaux, nous avons également retrouvé une photo du dirigeant rwandais qui semble correspondre à celle utilisée pour réaliser le photomontage (lien archivé ici).

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Capture d'écran prise sur Pim Eyes le 22 février 2024

Enfin, nous avons scanné l'image diffusée sur les réseaux sociaux à l'aide de l'outil "Forensic" d'Invid-WeVerify, qui permet de repérer de potentielles modifications apportées à une photographie. Le logiciel a identifié une probable altération au niveau du visage :

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Captures d'écran prises sur Invid-WeVerify le 20 février 2024

Un geste des footballeurs congolais

Ce geste, faussement attribué au dirigeant rwandais Paul Kagame, a initialement été lancé par les joueurs de foot de l'équipe congolaise le 7 février dernier.

Pendant que l'hymne national "Debout Congolais" résonnait dans le stade Alassane Ouattara d'Abidjan, avant la demi-finale de la Coupe d'Afrique des Nations (CAN) entre les "Léopards" congolais et les "Eléphants" ivoiriens, tous les joueurs de la RDC ont surpris en prenant cette pause. Au bord du terrain, leur sélectionneur le Français Sébastien Desabre, l'a fait aussi (lien archivé ici).

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Les joueurs de la République démocratique du Congo avant la demi-finale de la Coupe d'Afrique des Nations (CAN) 2024 entre la Côte d'Ivoire et la République démocratique du Congo au stade olympique Alassane Ouattara d'Ebimpe, à Abidjan, le 7 février 2024. (FRANCK FIFE)

Les "Léopards" portaient également un brassard noir, en signe de solidarité avec les victimes des violences armées dans l'Est, en particulier dans la province du Nord-Kivu en proie à une rébellion (le M23) soutenue par le Rwanda voisin. Le jour-même, les combats s'étaient intensifiés dans la région, où au moins six personnes avaient été tuées, des dizaines blessées et des milliers d'autres jetées sur les routes.

"Cela donne du courage aux victimes qui pensent être abandonnées", déclarait alors Cikuru Sadiki, un supporter rencontré à Goma, chef-lieu du Nord-Kivu.

L'est de la RDC est en proie depuis près de 30 ans aux violences de groupes armés, hérités pour beaucoup des guerres qui ont ensanglanté la région dans les années 1990-2000. 

Le M23 ("Mouvement du 23 mars") est une rébellion majoritairement tutsi qui, appuyé par l'armée rwandaise, a repris les armes fin 2021 après plusieurs années de sommeil et s'est emparée de vastes pans de territoire du Nord-Kivu.

D'après les agences de l'ONU, "214.950 personnes supplémentaires ont rejoint les 500.000 personnes déjà déplacées dans les zones autour de Goma" et "des dizaines de milliers d'autres se sont déplacées vers Minova", dans la province voisine du Sud-Kivu.

La RDC compte au total quelque 7 millions de déplacés, principalement dans l'Est, selon les Nations Unies.