Non, Denis Mukwege ne s'est pas retiré de la course présidentielle en RDC

Ils étaient 26 candidats au début de la campagne pour la présidentielle du 20 décembre en République démocratique du Congo, dont le président Félix Tshisekedi au pouvoir depuis cinq ans qui brigue un second mandat. Mais quatre candidats de l'opposition se sont désistés au profit du riche homme d'affaires et ancien gouverneur de la province minière du Katanga (sud-est) Moïse Katumbi. Plusieurs pages et comptes Facebook ont affirmé à tort que le candidat Denis Mukwege s'était lui aussi désisté et rallié à M. Katumbi. C'est faux, a indiqué à l'AFP l’équipe de campagne du prix Nobel de la paix.

Alors que la campagne présidentielle bat son plein en République démocratique du Congo (RDC), de nombreuses publications sur les réseaux sociaux ont partagé une photographie des candidats Moïse Katumbi et Denis Mukwege se serrant la main avec une légende trompeuse: "Présidentielle 2023 : Denis Mukwege se retire de la course pour soutenir la candidature de Moïse Katumbi", comme ici sur Facebook.

D'autres publications listent les noms de plusieurs candidats s'étant ralliés à Moïse Katumbi, incluant à tort le célèbre gynécologue Denis Mukwege qui s'est lancé dans la course présidentielle en octobre (1, 2) : "#Rdc #Urgent, Denis mukwege, Matata ponyo, delly sessanga [se, ndlr] désistent au profit de Moise Katumbi désormais candidat de l’opposition".

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Capture d'écran Facebook effectuée le 11 Décembre 2023
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Capture d'écran Facebook effectuée le 11 Décembre 2023

 

 

Moïse Katumbi est un homme d’affaires et homme politique natif du Haut-Katanga. Patron d’un club de football et ancien gouverneur de la province du Katanga, il été par le passé candidat à la présidence en 2016 pour le compte de formations politiques d’opposition.

Il avait annoncé dès décembre 2022 être candidat à l'élection présidentielle de 2023, et il est perçu par de nombreux observateurs de la vie politique en RDC comme l'un des candidats de l'opposition ayant le plus de chance de l'emporter face à la candidature du président Félix Tshiskedi, au pouvoir depuis 2019 et qui brigue un second mandat.

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Le président Felix Tshisekedi, candidat à sa réélection, lors d'un meeting à Goma le 10 décembre 2023 ( AFP / Alexis HUGUET)

Denis Mukwege s'est lancé dans la course présidentielle plus tardivement. Le gynécologue, qui a reçu le prix Nobel de la paix en 2018 pour son action en faveur des femmes violées, a annoncé sa candidature début octobre, soit moins de trois mois avant le scrutin. Mais en dehors de sa région (l'est de la RDC) et des cercles intellectuels, il est peu connu parmi la population, selon plusieurs observateurs, qui se demandent si son manque d'expérience en politique pourrait lui faire défaut.

Moïse Katumbi a-t-il été désigné candidat unique de l’opposition comme l'affirment certains internautes ? Et a-t-il reçu le soutien du candidat Denis Mukwege qui se serait retiré de la course présidentielle ?

Si la campagne électorale a été effectivement marquée par des alliances et des désistements au profit de M. Katumbi, ces informations sont fausses.

Jeu d’alliances et désinformation

Parmi les 26 candidats en lice au début de la campagne début novembre, quatre ont annoncé ces dernières semaines leur ralliement à Moïse Katumbi.

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Le candidat Moïse Katumbi lors d'un meeting à Goma, dans l'est de la RDC, le 23 novembre 2023 ( AFP / Alexis HUGUET)

Le 19 novembre, Augustin Matata Ponyo, ancien Premier ministre (2012-2016) ouvre le bal, le lendemain c'est au tour de l’homme d’affaires Seth Kikuni et de l’ancien député Franck Diongo.

Enfin, le 3 décembre, un quatrième candidat décide "d’allier ses forces à la candidature de Moïse Katumbi", Delly Sesanga, leader du parti Envol et député. Qu’en est-il de Denis Mukwege ?

Différentes recherches par mot-clé ne nous ont pas permis de retrouver des publications ou articles de médias sérieux annonçant que Denis Mukwege s'est désisté au profit Moïse Katumbi.

Aucune information de ce genre ne figure non plus sur les pages et comptes officiels du médecin encore moins sur son site de campagne denismukwege2023.com, toujours actifs.

AFP Factuel a contacté ses équipes: Albert Moleka, conseiller spécial du candidat Denis Mukwege a indiqué que "l’information selon laquelle Dr Denis Mukwege s'était désisté au profit de Moïse Katumbi est totalement fausse".

"C’est à mon avis une campagne d’intox visant à démobiliser les électeurs et à déstabiliser l’opposition" a-t-il commenté.

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Le candidat Denis Mukwege lors d'un meeting à Bukavu, dans l'est de la RDC le 25 novembre 2023 ( AFP)

Christian Liongo, secrétaire général de la coordination de campagne de Denis Mukwege a également apporté "un démenti total et formel", dans une réponse à l'AFP le 6 décembre.

"Dr Denis Mukwege ne s'est pas désisté au profit de Moïse Katumbi : non seulement cela n’a pas été fait mais ça ne sera pas fait" a-t-il martelé.

Selon lui la confusion qui sert de levier à la désinformation vient de la mauvaise interprétation d'une réunion qui s'est tenue du 13 au 17 novembre à Pretoria en Afrique du Sud entre des émissaires de cinq candidats de l'opposition.

A l'issue de cette réunion, les émissaires de quatre candidats de l'opposition (Moïse Katumbi, Denis Mukwege, Matata Ponyo et Delly Sesanga) avaient décidé de former une coalition et d'adopter un programme commun en vue des élections du 20 décembre.

Il appartenait alors aux candidats de poursuivre ce travail en vue d'un éventuel ticket commun pour la présidentielle.

Le camp n'ayant pas adhéré au projet était celui de Martin Fayulu, candidat malheureux à l'élection de décembre 2018 face à Félix Tshisekedi qui en avait été déclaré vainqueur.

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Le candidat Martin Fayulu lors d'un meeting organisé contre les résultats de la présidentielle de 2018, le 2 février 2019 à Kinshasa ( AFP / John WESSELS)

A la suite de cette réunion, deux des quatre candidats ayant adopté ce programme commun annoncent leur ralliement à M. Katumbi. Il s'agit de Matata Ponyo (le 19 novembre) et de Delly Sesanga (le 3 décembre).

"A notre grand étonnement depuis quelques jours nous assistons à des ralliements soudain qui viennent vicier complètement le processus initial. Il n’y a pas eu de candidature unique décidée par les cinq grands candidats lors d’une rencontre au même endroit et au même moment…et j’insiste sur ce fait" a souligné le 6 décembre le secrétaire général de la coordination de campagne de Denis Mukwege.

Selon lui, "Ce conclave avait pour objectif de préparer un document cadre qui est un outil décisionnel qui devait être transféré aux cinq candidats. A charge donc pour les cinq candidats entre eux d’utiliser ou pas ce document cadre pour les aider à désigner un candidat unique à la présidentielle. Il s’agit donc de deux démarches distinctes".

Dans le camp de Denis Mukwege, on estime que la deuxième étape du chronogramme ne s’est pas concrétisée. Les cinq candidats ne se sont pas réunis au moment moment et au même endroit – sur la base du document cadre de Pretoria – pour choisir "le champion de l’opposition".

Au moment où AFP Factuel publie cet article, il y a 22 candidats toujours en lice pour le scrutin présidentiel du 20 décembre, dont Denis Mukwege qui continue de faire campagne dans les différentes régions du pays.

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