Des partisans du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) brandissent une pancarte avec une photo du général Abdourahamane Tiani à Niamey, au Niger, le 6 août 2023 ( AFP)

Le Sénat nigérian préconise une solution diplomatique à la crise au Niger, mais n'a pas rejeté une action militaire

Depuis l'expiration, le 6 août, de l'ultimatum donné aux putschistes nigériens par la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cedeao) pour rétablir le président renversé Mohamed Bazoum, des publications en ligne affirment que le chef de l'Etat nigérian, Bola Tinubu – également président en exercice de la Cedeao – a demandé l’approbation du Sénat pour une intervention militaire. Approbation qui lui aurait été refusée, toujours selon ces posts. C'est faux: M. Tinubu a écrit au Sénat pour l'informer des résolutions de la Cedeao suite au coup d'État et lui demander de l'aider à les mettre en œuvre. En retour, le Sénat a certes préconisé une résolution diplomatique de la crise, préférable selon lui au recours à la force, mais il a également félicité la Cedeao pour sa "réponse rapide et sa prise de position", s'engageant à apporter un "soutien total" à l'organisation régionale.

Plusieurs publications virales sur Facebook (ici ou ici) et Twitter soutiennent que le Sénat nigérian s’est opposé à toute intervention militaire au Niger. "URGENT : le Sénat et le Parlement nigérian refusent la Guerre contre le Niger. Le plan de Watara [Alassane Ouattara, le président ivoirien] tombe à l'eau ?", peut-on lire en légende d'une vidéo virale. "Le sénat Nigérian bloque et rejette tout intervention militaire au Niger", indique un autre post.

La militante panafricaniste suisso-camerounaise Nathalie Yamb, connue pour ses prises de position pro-russes, a elle aussi repris ces allégations, affirmant que "le Sénat nigérian a fermement rejeté la demande de validation d’une intervention militaire que Tinubu lui a adressée".

Au Nigeria, où la question de l’intervention militaire aliment les débats, des sites d’informationa anglophones ont également relayé les mêmes informations trompeuses, comme ici et ici.

Image
Capture d'écran Facebook effectuée le 9 août 2023
Image
Capture d'écran Facebook effectuée le 9 août 2023

 

 

Suite au coup d'Etat militaire au Niger qui a renversé le président élu Mohamed Bazoum le 26 juillet, l’organisation intergouvernementale a menacé d’un possible usage de la force si Mohamed Bazoum n’était pas rétabli dans ses fonctions "dans un délai d’une semaine", qui a expiré le 6 août 2023 (communiqué archivé ici).

La Cedeao, qui a imposé de lourdes sanctions à Niamey, a également envoyé une délégation au Niger le 3 août pour trouver une sortie de crise par la voie diplomatique, mais elle est repartie quelques heures plus tard, sans avoir rencontré le chef de la junte.

Avant l'expiration de l'ultimatum, M. Tinubu avait écrit aux sénateurs nigérians pour les informer des résolutions de la Cedeao et leur demander un soutien en vue de leur mise en œuvre. Il n’a toutefois pas demandé d’"autorisation" ni de "validation" pour pouvoir envoyer des troupes au Niger, pas plus que le Sénat n’a rejeté une telle demande.

La réponse du Sénat

Suite à la réception de la correspondance du président Bola Tinubu, le Sénat nigérian a débattu de son contenu lors d’une séance à huis clos le 4 août. La séance n’a pas donné lieu à un vote sur une possible intervention militaire, selon le président du Sénat Godswill Akpabio le 5 août 2023.

M. Akpabio a confirmé que M. Tinubu avait demandé le soutien des sénateurs pour une mise en œuvre réussie des résolutions de la Cedeao. Cependant, le président du Sénat a insisté (lien archivé ici) sur le fait que la correspondance du président Bola Tinubu ne demandait pas "l'approbation du Parlement ou l'approbation de ce Sénat pour aller à la guerre comme cela a été suggéré à tort" .

Le Sénat a aussi exhorté M. Tinubu et les autres dirigeants de la CEDEAO à continuer d'explorer les options "politiques et diplomatiques" pour résoudre la crise, a précisé M. Akpabio. Toutefois, en lisant les résolutions du Sénat en réponse à la lettre de M. Tinubu au cours de la séance plénière, M. Akpabio a promis le "soutien total" du Sénat aux "dirigeants de la Cedeao sous la direction du président Bola Ahmed Tinubu" pour résoudre la crise nigérienne et permettre le "retour du pays à une gouvernance démocratique".

Ce que dit la Constitution nigériane

Si le président nigérian souhaitait maintenant aller plus loin, deux cas de figure s'offrirait à lui. Pour entrer en guerre contre le Niger, il devrait obtenir l'approbation de l'Assemblée nationale du Nigeria, composée du Sénat et de la Chambre des représentants. Selon l'article 5 (4a) de la Constitution nigériane, l’approbation doit en effet être donnée par les deux chambres de l’Assemblée lors d’une session conjointe (archivé ici). Et s'il voulait envoyer des troupes "en mission de combat en dehors du Nigeria" (archivé ici), comme dans le cadre d'une éventuelle intervention Cedeao, le président devrait alors préalablement demander et recevoir "l'approbation préalable" du Sénat, comme le stipule l'article 5 (4b).

Toutefois, l'article 5 (5) (archivé ici) autorise le président, après consultation du Conseil national de défense, à déployer des troupes nigérianes pour des missions de combat à l'extérieur du pays s'il est "convaincu que la sécurité nationale est menacée ou confrontée à un danger imminent". Le président devrait ensuite demander l'approbation du Sénat dans les sept jours suivant le début des combats. Le Sénat est chargé d'accorder ou de refuser "ledit consentement dans les 14 jours" suivant sa saisie.

Depuis l'expiration de l'ultimatum, les efforts de la Cedeao et des États-Unis pour convaincre les nouveaux dirigeants du Niger de rendre le pouvoir à M. Bazoum n'ont guère produit le résultat escompté. La Cedeao n'a pas exclu une intervention militaire, a rappelé M. Tinubu à la veille d'un sommet de crise prévu le 10 août à Abuja, capitale du Nigeria. Cependant, il continue de penser que la diplomatie est la "meilleure voie à suivre" pour résoudre la crise, selon son porte-parole Ajuri Ngelale. "Aucune option n'a été retirée de la table", a déclaré M. Ngelale le 8 août.

9 août 2023 Modifie mise en page du chapeau

Vous souhaitez que l'AFP vérifie une information?

Nous contacter