Non, ces vidéos ne montrent pas des animaux libérés d'un zoo lors des émeutes de juin 2023

Après la mort de Nahel le 27 juin, un adolescent de 17 ans tué par un policier, des violences urbaines ont agité la France, notamment la région parisienne. De nombreuses vidéos sur des heurts, des incendies ou des scènes de pillages dans plusieurs villes de France ont circulé sur les réseaux sociaux. Certaines vidéos montrent des animaux sauvages galopant dans les rues et les internautes qui les partagent affirment qu'ils ont été libérés d'un zoo par des manifestants lors des émeutes de fin juin. Mais ces images ont été sorties de leur contexte : elles datent de 2020 et n'ont rien à voir avec les émeutes.

Des vidéos diffusées sur TikTok (1, 2), Twitter (1, 2) et Telegram visualisées plus de 800.000 fois depuis leur publication à la fin du mois de juin, montrent un zèbre, des lions et des poneys en liberté dans des rues en pleine nuit.

Elles ont été tournées en région parisienne, selon les internautes, qui établissent un lien avec les émeutes survenues après la mort de Nahel, le 27 juin 2023, et qui les accompagnent souvent des mots-clés #Nahel et #émeutes.

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Capture d'écran de Telegram faite le 10 juillet 2023

Ces vidéos ont aussi été partagées pendant les émeutes en anglais sur YouTube et TikTok, en Bulgarie dans ce post et en arabe sur Facebook.

Si de nombreuses images authentiques de heurts, incendies ou pillages dans plusieurs villes de France ont circulé sur les réseaux, les vidéos que nous examinons ont néanmoins été décontextualisées.

Avril 2020

Une recherche d'image inversée - procédé qui permet de retrouver les précédentes utilisations d'une image sur internet - montre que cette vidéo circulait déjà avant le début des émeutes qui ont suivi la mort de Nahel.

La vidéo qui montre un zèbre et deux poneys en plein galop sur la route, au milieu de la circulation, avec la mention "Chennevières-sur-Marne" a été publiée pour la première fois sur Twitter le 10 avril 2020.

Plusieurs éléments confirment qu'il s'agit bien de la même vidéo. On retrouve en effet les mêmes véhicules (en rouge) ainsi qu'un commentaire (en jaune).

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Capture d'écran effectuée sur Twitter le 10 juillet 2023
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Capture d'écran effectuée sur Twitter le 10 juillet 2023

 

 

Un article du Huffpost (archivé ici) daté du 11 avril 2020, fait état de la présence de ces animaux filmés en train de courir entre Chennevières-sur-Marne et Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne). "Il s’agit de bêtes qui appartiennent au cirque Badin, installé dans la commune voisine d'Ormesson-sur-Marne", peut on lire. "Les animaux se sont échappés du cirque voisin après l'ouverture de leur enclos", complète un article du Parisien (archivé ici) daté du 13 avril 2020, pendant le confinement.

L'AFP a pu géolocaliser le lieu où cette vidéo a été réalisée. La vidéo a bien été tournée à Chennevières-sur-Marne, route de la Libération, à proximité d'un magasin à la devanture bleue (en jaune). Le muret qui longe le bâtiment (en rouge) et le panneau de signalisation (en vert), permettent de confirmer la localisation.

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Capture d'écran effectuée sur Twitter le 10 juillet 2023
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Capture d'écran effectuée sur Google Maps le 11 juillet 2023

 

 

Une vidéo identique a aussi circulé sur Facebook. "Hier pendant les #emeutes [sic] ils ont libérer [sic] des #animaux des #zoo un peu partout à paris y’avait #lion #zebre #elephants #paris", écrit cet internaute, dans son post Facebook partagé plus de 4.000 fois depuis la fin du mois de juin.

Ce post partage deux autres vidéos. Dans l'une d'elle, deux individus cagoulés filment un éléphant. La légende de la vidéo affirme qu'il aurait été libéré lors des émeutes, mais l'AFP n'a pas trouvé trace d'un cas d'éléphant en liberté dans les rues pendant les émeutes.

Le post Facebook diffuse une autre vidéo où des lions courent en liberté avec la mention "Saint-Denis".

Cette vidéo des lions a aussi été partagée sur Twitter, avec la légende : "il y a trois lion [sic] qui ont été libéré [sic] d'un zoo à Paris ! Faites attention ! Il y aurait aussi un ours proche de Sevran ! #Nanterre #émeutes" et cumule 2.500 "likes" depuis le 30 juin.

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Capture d'écran de Twitter faite le 10 juillet 2023

Les zoos de Paris ont indiqué à l'AFP que ces vidéos n'avaient pas été prises en région parisienne pendant les émeutes et qu'aucun animal ne s'était échappé pendant cette période. "Ces images, agrémentées d'informations trompeuses, ont été tournées lors d'incidents survenus il y a plusieurs années, en France ou à l'étranger, avec des animaux ne provenant pas de zoos", a déclaré à l'AFP le Parc Zoologique de Paris, dans un courriel daté du 6 juillet.

"Le Muséum National d'Histoire Naturelle veille à ce qu'aucun animal du Parc Zoologique de Paris ou de la Ménagerie, le zoo du Jardin des Plantes, ne se promène dans les rues de Paris ou dans d'autres communes d'Ile-de-France", a ajouté l'institution.

Concernant l'origine de ces vidéos, une recherche sur Google avec les mots-clés "lions", "Saint-Denis" et "nuit", ouvre sur des vidéos identiques déjà publiées en février 2020 sur YouTube, Facebook ainsi que Twitter, là encore bien avant les émeutes de 2023. L'AFP n'est pas parvenu à retrouver dans quel contexte elles ont été filmées, aucun article de presse ne relate l’échappée de fauves en Seine-Saint-Denis.

Un article de vérification de l’AFP -archivé ici- revient en détail sur des vidéos, virales aux Etats-Unis, d'animaux dans les rues et présentées aussi comme liées aux émeutes en France.

Violences urbaines après la mort de Nahel

Si les vidéos que nous vérifions ont été décontextualisées, il y a bien eu en France, de nombreuses scènes de violences urbaines filmées après la mort de Nahel le 27 juin.

Saisi par une vidéo amateure, le tir à bout portant d'un motard de la police sur Nahel, lors d'un contrôle routier à Nanterre a secoué le pays. La mort de l'adolescent a embrasé le pays et déclenché plusieurs nuits de violences, de saccages de bâtiments publics et de pillages dans de nombreuses villes de France.

Après une accalmie progressive depuis le 2 juillet, le gouvernement a évoqué jeudi 6 juillet 2023 un retour à une situation "à peu près normale" en France (dépêche archivée ici).

Des écoles et des édifices publics ont été la cible de la colère de jeunes habitants des quartiers populaires et incendiés dans de multiples villes de France, rappelant les émeutes qui avaient embrasé la France en 2005 après la mort de deux adolescents poursuivis par la police.

Une dépêche de l’AFP -archivée ici- relate en détail, la semaine de violences qui a secoué la France.

Au niveau national, plus de 3.700 personnes ont été placées en garde à vue et près de 600 jugées en comparution immédiate, selon la Chancellerie. Près de 400 ont été incarcérées jusqu'à présent.

13 juillet 2023 modifie l'attribution des citations du Parc zoologique de Paris

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