Non, Choguel Maïga n’était pas en visite à Abidjan début mai pour solliciter le soutien du président ivoirien
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- Publié le 12 mai 2023 à 10:35
- Lecture : 4 min
- Par : Monique NGO MAYAG, AFP Sénégal
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"Choguel kokala Maïga est à Abidjan pour chercher l'argent de l'élection prévue au Mali et pour négocier le courant avec le président ouattara (sic)", affirme l’auteur d’un message (archivé ici) publié le 8 mai sur Facebook, dont la teneur est relayée par de multiples pages et comptes du réseau social (1,2,3...).
A ces affirmations sont associées deux photos de Choguel Maïga, debout près du Premier ministre ivoirien Patrick Achi.
Un autre internaute assure même que le chef du gouvernement malien était accompagné du ministre de l'Energie pour solliciter l'appui de la Côte d'Ivoire en matière d'électricité, et résoudre les problèmes de délestages intempestifs qui plongent de nombreuses villes du Mali dans l'obscurité à la nuit tombée.
Environ 50% de Maliens ont accès à l’électricité (dépêche archivée ici), sur une population de 21,9 millions, selon les chiffres de la Banque mondiale. Les infrastructures peinent à suivre l’augmentation de la population, qui s’accroît d’environ 3 % par an, selon la Banque mondiale, dans l'un des pays les plus pauvres au monde et dont une grande partie du territoire est en proie au jihadisme et à l’insécurité.
La société d’Énergie du Mali (EDM), surnommée "Energie du Mal" par certains usagers, ne parvient pas à satisfaire la demande en électricité qui croît de 10 % par an en moyenne selon le ministère de l’Énergie. La faute, notamment, à des centrales thermiques antédiluviennes et gourmandes en énergies fossiles.
Ces allégations circulent alors que le projet de nouvelle Constitution initié par la junte malienne, qui doit être soumis à un référendum le 18 juin, a suscité (dépêche archivée ici) l'opposition de plusieurs collectifs, partis politiques et associations religieuses au Mali. Il divise (dépêche archivée ici) également le Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP) dont est issu le Premier ministre Choguel Maïga, par ailleurs l'un de ses fondateurs.
Des images anciennes
Mais les images virales remontent à 2021.
Pour le savoir, nous avons effectué une recherche d’images inversée avec l’outil Google Lens et avons retrouvé les mêmes clichés sur le site internet (archive ici) de la présidence ivoirienne, publiés le 10 août 2021.
On y apprend que ces photos ont été prises lors d’une "visite d'information" de Choguel Maïga à Abidjan "sur les raisons de la transition" au Mali. Cette visite avait pour but, lit-on, d’“expliquer largement la situation, y compris les conditions qui ont conduit aux évènements du 24 mai 2021”.
Ce jour-là, la junte militaire avait procédé à l'arrestation du président Bah Ndaw et de son Premier ministre Moctar Ouane. Un coup de force alors condamné par une grande partie de la communauté internationale.
Les images qui circulent actuellement n’ont donc rien à voir avec un quelconque séjour récent de Choguel Maïga en Côte d’Ivoire. Le 8 mai, jour où est apparue en ligne cette rumeur, il accueillait d'ailleurs à Bamako le nouveau représentant intérimaire de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) au Mali, le Dr Christian Itama.
Le Mali est en proie depuis 2012 à la propagation jihadiste et à une grave crise à la fois sécuritaire, politique et humanitaire. Les colonels qui ont pris le pouvoir par la force en 2020, puis ont mené un second putsch en 2021, ont rompu avec l'ancien allié français et ses partenaires en 2022, et se sont tournés vers la Russie.
Après des mois de vives tensions entre "pays frères" et voisins, le Mali et la Côte d'Ivoire tentent désormais de normaliser leurs relations : Bamako avait accusé Abidjan d'avoir incité ses partenaires dans la région à durcir les sanctions contre les militaires - qui ont été levées depuis. Et en décembre 2022, 46 militaires ivoiriens soupçonnés (dépêche archivée ici) d'être des "mercenaires" et détenus au Mali depuis des mois avaient été condamnés à vingt ans de réclusion criminelle avant d'être finalement graciés par la junte malienne.