Ces images de victimes d’une attaque jihadiste au Niger datent de 2019

Des photos et vidéos de corps enveloppés dans le drapeau du Niger publiées sur Facebook prétendent montrer les victimes d'une récente attaque visant l'armée nigérienne, selon les internautes qui partagent ces images. Ces messages circulent quelques jours après une embuscade tendue aux soldats de cette armée dans l’ouest du pays. Le bilan ainsi que la localisation de cette attaque présumée diffèrent d’une publication à l’autre. Attention : le Niger a bien enregistré une attaque le 10 février faisant au moins 17 morts, mais les images qui circulent sur Facebook n’ont aucun lien avec celle-ci. Il s’agit plutôt des corps de militaires nigériens décédés dans l’attaque la plus meurtrière de l’histoire du pays, à Inatès, en 2019.

Les deux premières publications (1, 2) relatives à cette attaque ont été partagées avec la même photo montrant une foule massée autour de corps exposés à même le sol, enveloppés par le drapeau nigérien.

Les auteurs de ces deux publications évoquent le bilan suivant : "67 à 71 militaires nigériens tués dont 26 portés disparus et 16 blessés graves", sans donner davantage de précisions sur le lieu et la date de cette attaque.

Toutes deux critiquent vertement l’action du président du Niger, Mohamed Bazoum, l’une l’accusant de se "pavaner à Paris" et d’avoir "vendu son pays à la France", l’autre voyant dans ce supposé revers militaire une "véritable humiliation".

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Capture d'écran Facebook réalisée le 01 mars 2023

Deux autres publications (1, 2) partagent des vidéos montrant toujours cette foule massée autour de ces corps. La page Facebook Mali Reporter Sans Frontière indique notamment que l’attaque a eu lieu "dans la localité de Tiloa, non loin de Banibangou", le 10 février à 17 h.

La plupart des publications relayant ces images critiquent l'action de la France. "Toute l'armée française et européenne renvoyer par le Mali se trouvent au Niger avec des équipements de dernière génération sans voir les attaques des groupes terroristes contre l'armée nigérienne [sic]", déplore par exemple un des internautes.

Depuis la fin de l’opération Barkhane au Sahel, la France maintient sa collaboration sécuritaire avec le Niger contrairement au Mali et au Burkina Faso qui ont souhaité le départ des forces françaises présentes sur leurs sols.

Les Forces armées nigériennes (FAN) sont régulièrement appuyées par les forces françaises dans la lutte contre les groupes armés. Les attaques jihadistes sont assez fréquentes au Niger, pays du Sahel où la situation sécuritaire s’est dégradée depuis quelques années.

Cependant, les images partagées sur Facebook ne sont pas récentes, comme certains internautes le font d’ailleurs remarquer dans leurs commentaires.

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Capture d'écran d'un commentaire sur Facebook réalisée le 1 mars 2023
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Capture d'écran d'un commentaire sur Facebook réalisée le 1 mars 2023

 

 

Attaque à Inatès en 2019

Une recherche d’image inversée grâce à l’outil InVid-WeVerify nous permet de retrouver plusieurs articles et vidéos (1, 2, 3) montrant le même événement que celui visible dans les images virales.

Ils évoquent une attaque contre le camp militaire d’Inatès, dans l’ouest du Niger. Le 10 décembre 2019, cette attaque revendiquée par la suite par le groupe Etat Islamique a fait 71 morts et plusieurs disparus.

La séquence virale montre en réalité l'hommage du Niger à ces 71 soldats tués qui s'est déroulé trois jours après l'attaque, le 13 décembre 2019, comme en témoigne la vidéo de France 24 en français publiée le même jour sur la chaîne YouTube de ce média.

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Capture d'écran d'une vidéo YouTube, réalisée le 3 mars 2023

Plusieurs éléments permettent de conclure qu'il s'agit exactement du même événement : on retrouve les mêmes personnes dans le public (en rouge et en bleu) ainsi que les mêmes bâtiments à l'arrière-plan (en vert).

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Capture d'écran d'une vidéo de France 24 publiée sur YouTube, réalisée le 3 mars 2023
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Captures d'écran de photos et vidéos publiées sur Facebook, réalisée le 3 mars 2023

 

 

A noter que lorsque le Niger a subi cette attaque, la plus meurtrière de son histoire à ce jour, Mohamed Bazoum – visé par de nombreux internautes dans les publications que nous vérifions – n’était pas encore président. Le pays était dirigé par son prédécesseur, Mahamadou Issoufou.

Récente attaque dans la région de Tillabéri

Ces différentes publications relatives à une attaque meurtrière au Niger ont commencé à devenir virales sur Facebook dans le sillage de l’annonce du bilan de l’attaque du 10 février dans le département de Banibangou.

"Le vendredi 10 février, en fin de matinée, un détachement de l’opération Almahaou [une opération de l'armée nigérienne appuyée par la France qui vise à sécuriser la frontière avec le Mali, ndlr], en patrouille dans la zone nord" dudit département "est tombé dans une embuscade complexe tendue par un groupe d’hommes armés terroristes" avait annoncé le 11 février le ministère nigérien de la Défense.

"L'évolution du bilan à la date du 17 février 2023 du côté des FAN (Forces armées nigériennes) s'établit comme suit : dix-sept morts, treize blessés, douze portés disparus", a par la suite précisé le ministère, ajoutant que "les opérations de recherche se poursuivent".

Cette attaque a eu lieu dans la localité d’Intagamey, dans la zone dite des trois frontières (Niger-Burkina Faso-Mali). Les autorités nigériennes y ont lancé plusieurs vastes opérations à proximité de la frontière avec le Mali pour lutter contre les jihadistes, notamment l'opération Almahaou. Cette opération bénéficie d’un appui de la France avec 250 soldats dans un "partenariat de combat".

La coopération sécuritaire entre Paris et Niamey donne lieu à une vague de désinformation. L’AFP a déjà traité d’une fausse tentative de coup d’Etat au Niger sur la base d’un ancien direct de France 24.

La France veut déployer une nouvelle stratégie en Afrique pour y réduire l'exposition et la visibilité de ses forces militaires et se concentrer sur "la coopération et l'appui", en termes d'équipement, de formation ou de renseignement avec les pays partenaires, selon la présidence française.

C'est ce que le chef d'Etat Emmanuel Macron a martelé lors de sa tournée en Afrique centrale début mars. Prenant acte d'une hostilité croissante envers la France, ex-puissance coloniale, dans son ancien "pré carré" d'Afrique de l'ouest, dont on retrouve la trace dans les publications que nous vérifions, Emmanuel Macron a appelé de ses voeux une "nouvelle relation, équilibrée, réciproque et responsable" avec le continent.

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