Cette photo montre deux journalistes en reportage à Minembwe, en RDC, et non une délégation de l’Union européenne
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- Publié le 10 novembre 2020 à 16:02
- Lecture : 4 min
- Par : Ange KASONGO
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Une publication Facebook, partagée plus de 400 fois en RDC depuis le 2 novembre, prétend révéler la tenue d’un "entretien secret" dans la localité de Minembwe, dans l'Est du pays, entre une délégation de l’Union européenne et "les chefs des milices de soi-disant Banyamulenge" (sic).
Selon cette page baptisée "L'opération de l'auto-défense maï-maï", cet entretien se serait déroulé "sous la supervision de la MONUSCO", la mission des Nations unies en RDC.
La localité de Minembwe est au coeur de vives polémiques depuis fin septembre en RDC.
La majorité des habitants de cette localité située dans la province du Sud-Kivu sont des Congolais tutsi rwandophones, les Banyamulenge, aux lointaines origines rwandaises. Des milices Banyamulenge sont en conflit avec des groupes armés d'autres communautés.
L’annonce, fin septembre, que cette localité, dont le maire est issu de la communauté des Banyamulenge, allait recevoir le statut et le pouvoir d’une commune à part entière a déclenché la controverse dans le pays.
Cette décision a notamment été encouragée par le ministre de la Décentralisation, Azarias Rubwera, lui-même Banyamulenge.
Jusqu’à Kinshasa, la capitale située de l'autre côté du pays, cette décision a été dénoncée par des opposants comme une atteinte à l’unité et l’intégrité territoriale de la RDC.
Des hommes politiques ont agité la menace d’une "balkanisation" de l’Est de la RDC, au profit du Rwanda.
"De l’essence sur le feu"
Face à une situation qu’il a qualifiée lui-même d’"explosive", le président Félix Tshisekedi a annoncé, lors d’un déplacement dans la région le 8 octobre, l’annulation de l’installation de la commune de Minembwe.
La publication que nous vérifions accuse la communauté internationale de "mettre de l’essence sur le feu" avec cette prétendue visite de l’UE.
Cette délégation européenne aurait notamment "fait semblant de visiter les villages de ces réfugiés Banyarwanda soi-disant Banyamurenge qui ont été incendiés mais ils ont oubliés que plus 50 villages de la population autochtone ont été aussi incendiés et plusieurs populations ont été massacrés" (sic).
"Nous informons l'opinion nationale et internationale, si les communautés internationale continuent avec leur système de victimiser un côté (...) ils ne préparent pas la paix, au contraire, ils mettent l'essence sur le feu", prévient l’auteur de la publication.
Or, l'Union européenne a démenti avoir dépêché des représentants dans la région.
Contactée le 9 novembre par l’AFP, la délégation de l’Union européenne en RDC a déclaré n’avoir envoyé "aucune mission à Minembwe et donc n’(avoir) rien à voir avec cette photo, ni les activités liées au message" sur les réseaux sociaux.
Des journalistes en reportage, sans "aucun rapport" avec l’UE
Les deux personnes sur la photo sont en réalité des journalistes.
Cette polémique nationale a en effet vu les correspondants de plusieurs médias étrangers (AFP, RFI, Le Monde...) se rendre à Minembwe.
Les deux personnes figurant sur cette photo virale sont deux correspondant de la chaîne France 24 en RDC, Clément Bonnerot et Juliette Dubois.
Contactés par l’AFP le 6 novembre, ils ont assuré s’être rendus à Minembwe pour un reportage et n’avoir "aucun rapport avec l’Union européenne".
"Nous étions à Minembwe dans le cadre d’un reportage pour France 24 sur la polémique autour de l’installation du bourgmestre. Nous avons rencontré à la fois des Banyamulenge à Minembwe mais aussi des membres des autres communautés à Mikenge", a expliqué Juliette Dubois.
"La photo a été prise devant la maison du père du bourgmestre, dans le cadre d’une rencontre informelle le dimanche 1er novembre", ajoute-t-elle, en précisant que leur séjour s’est déroulé du 31 octobre au 4 novembre.
"Nous n’avons pas visité de villages incendiés et nous n’avons fait aucun entretien secret avec des chefs de milices et ce n’était pas sous supervision de la Monusco", comme l’affirme la publication Facebook, ont-ils ajouté.
Leur reportage sera diffusé prochainement.