Non, l'épidémie Ebola "n’est pas éradiquée mais maîtrisée"

  • Cet article date de plus d'un an
  • Publié le 28 novembre 2019 à 18:25
  • Lecture : 3 min
  • Par : Ange KASONGO
Des internautes affirment depuis une semaine que le médecin congolais en charge de la lutte anti-Ebola en RDC a annoncé la fin imminente de l’épidémie dans l’est du pays. Faux, a répondu à l'AFP le professeur Jean-Jacques Muyembe. Il n’est pas non plus le père d’un vaccin anti-Ebola en butte à un complot de "l'Occident".

Des publications annonçant la fin de l'épidémie en RDC ont été partagées des centaines de fois sur Facebook depuis mi-novembre, les internautes se réjouissant de voir la fin de la dixième épidémie de fièvre hémorragique sur le sol congolais. Déclarée le 1er août 2018, Ebola a tué 2 193 personnes et 1 067 ont pu être guéries.

 

Le 15 novembre, le président congolais Félix Tshisekedi avait estimé lors d'un déplacement en Allemagne que l'épidémie devrait être éradiquée "d'ici à la fin de l'année", pouvait-on lire dans une dépêche de l'AFP. 

En réalité, le docteur Muyembe, co-découvreur du virus Ebola (FHVE) en 1976 et à qui le chef de l'Etat congolais a confié la coordination de la riposte contre l’épidémie, n’a pas annoncé la fin de l'épidémie.

Nous avons retrouvé l'interview qu'il a accordée à une télévision locale B-One le 15 novembre. Il y déclare :

"L’évolution est très favorable mais je ne peux  pas encore dire que c’est sous contrôle mais nous sommes déjà au bout du tunnel", explique-t-il.  Selon lui, "Ebola ne sera plus une maladie terrible, effrayante et meurtrière".

"Dans les années à venir, la onzième épidémie sera vite détectée et vite contrôlée parce que la surveillance sera renforcée, nous aurons des innovations en matière de prise en charge parce que nous aurons des nouvelles molécules", a-t-il ajouté.

Contacté le 22 novembre par l’AFP, le docteur Muyembe précise : "Je n’ai jamais dit que le virus est éradiqué mais qu’il est maîtrisé". "Actuellement, le nombre de cas a fortement diminué", explique-t-il. "On tourne autour de 10 cas par semaine, comparé au mois de juillet où nous arrivions à 90 cas par semaine. Il y a donc l’espoir que d’ici la fin du mois nous allons la maîtriser". 

Le dernier bulletin épidémiologique diffusé jeudi 21 novembre confirme la tendance: aucun nouveau cas ni aucun décès n’ont été enregistrés en date du 20 novembre (423 cas suspects sont en cours d’investigation) dans les deux provinces touchées (Nord-Kiv et l’Ituri).

Non, le professeur congolais n'a jamais trouvé de vaccin

Il y a quelques mois, le professeur Jean-Jacques Muyembe était déjà au centre d’une autre rumeur sur la toile congolaise.

Une publication Facebook partagée plus de 4 000 fois depuis le 20 septembre, annonçait qu’il avait découvert un vaccin anti-Ebola, et qu’il faisait face à un complot des "Occidentaux": "Je demande à tous les africains de partager cette publication. Les occidentaux veulent étouffer la trouvaille scientifique du docteur muyembe. Le docteur Muyembe a belle et bien trouvé un vaccin contre Ebola et cela dans son laboratoire à Kinshasa ...

Cette publication avait également été partagée des centaines de fois sur Twitter. Le site pan-africain Africa Check avait démontré qu'il s'agissait d'une fausse information.

Le professeur congolais a plutôt développé un "anticorps monoclonal mAb114 pour neutraliser les malades atteints d’Ebola". "Ce n’est pas un vaccin", a précisé le 28 novembre le docteur Muyembe à l'AFP.

Selon le professeur congolais, codécouvreur du virus Ebola, "la molécule découverte consiste à neutraliser le virus auprès d'un malade qui est déjà atteint par Ebola pour qu'il guérisse; par contre le vaccin est utilisé à titre préventif sur une personne qui a été en contact avec un un malade". 

Que savons- nous des vaccins contre le virus Ebola utilisés en RDC ? 

En fait, deux vaccins anti-Ebola sont actuellement utilisés dans les zones de l'épidémie. Ils le sont seulement à titre d’essai clinique. Le 22 novembre, le professeur Muyembe supervisait d’ailleurs une séance de vaccination à Goma la capitale provinciale du Nord-Kivu.

Le premier vaccin est fabriqué par les laboratoires Merck, il est le seul  vaccin utilisé contre l'épidémie qui a déjà fait plus de 2.100 morts jusqu'à ce que l'ONG Médecins sans frontières (MSF) accuse l'Organisation mondiale de la santé (OMS) de "rationner" ce vaccin.

Le deuxième vaccin a été lancé début novembre dans l'est de la RDC. L'Organisation mondiale pour la santé (OMS) a précisé le 23 septembre que ce deuxième vaccin expérimental, fabriqué par Johnson & Johnson et qui requiert l'administration de deux injections à 56 jours d'intervalle, allait être administré à des populations à risque ciblées dans des régions de la RDC où il n'y a pas de transmission active du virus Ebola.

En cinq jours, 373 personnes ont reçu une dose du deuxième vaccin des laboratoires américains Johnson & Johnson introduit à Goma le 14 novembre.

Aucun de ces deux vaccins n'est une "découverte" du docteur Jean-Jacques Muyembe pour éradiquer définitivement le virus. L'épidémie déclarée en août 2018 est la deuxième plus grave de l'histoire, derrière celle qui a tué plus de 11 000 personnes en Guinée, Sierra Leone et au Libéria entre 2014 et 2016.

Vous souhaitez que l'AFP vérifie une information?

Nous contacter