Non, cette photo ne montre pas des personnes tuées dans les violences post-électorales en Guinée

  • Cet article date de plus d'un an
  • Publié le 22 octobre 2020 à 20:38
  • Mis à jour le 23 octobre 2020 à 16:32
  • Lecture : 4 min
  • Par : Simon VALMARY
Une publication Facebook diffusant une photo de cadavres entassés à l’arrière d’un pick-up prétend qu’il s’agit de "victimes du mercredi 21 octobre" en Guinée. C’est faux: si le pays est actuellement plongé dans les violences après l’élection présidentielle du 18 octobre, cette photo a été prise au Nigeria en 2017.

Les corps sont entassés à l’arrière d’un pick-up. Une dizaine de paires de pieds dépassent.

Ce sont "les victimes du mercredi le 21/10/2020" (sic), annonce une publication Facebook partagée plus de 2.400 fois depuis sa diffusion dans la soirée du 21 octobre sur une page baptisée “YourtV 224” (+224 est l’indicatif téléphonique de la Guinée).

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Capture d’écran Facebook, réalisée le 22 octobre 2020

Trois jours après l’élection présidentielle le 18 octobre, la Guinée est en proie à la violence et à la crainte d'une escalade. 

Le leader de l'opposition, Cellou Dalein Diallo s’est autoproclamé vainqueur dès le 19 octobre, affirmant avoir remporté 53% des suffrages, selon les résultats collectés par son parti l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG). 

La commission électorale (Ceni) a publié les 20 et 21 octobre de premiers résultats partiels semblant donner l'avantage au président sortant Alpha Condé, sans toutefois désigner de vainqueur de l'élection.

Dans plusieurs quartiers populaires de la capitale, les tensions se sont multipliées le 21 octobre, avec notamment des barricades enflammées dans les rues et des heurts entre jeunes et forces de l'ordre.

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Police et manifestants le 21 octobre à Conakry

Les violences post-électorales ont fait neuf morts, dont un policier, depuis le début de la semaine, selon un bilan du ministère de la Sécurité civile.

L’UFDG, le parti de Cellou Dalein Diallo, a accusé le pouvoir d'être responsable de ces violences.

Sur les réseaux sociaux, ses partisans ont fait état d'un nombre plus élevé de morts, dont une fillette de trois ans et une jeune fille. Ces informations n'ont pas pu être vérifiées immédiatement de source indépendante.

Il apparaît en tout cas que la photo de cadavres dans un pick-up diffusée sur les réseaux sociaux n’a aucun lien avec la Guinée. 

Des membres d’une milice d’autodéfense au Nigeria 

Des recherches d’image inversées sur les moteurs de recherche Google Images et Yandex Images révèlent en effet que cette photo a été utilisée dans des publications sur des sites nigérians en janvier 2017 (1, 2, 3). 

Elle servait à illustrer des articles sur la mort d’une dizaine de civils dans le village d’Abaji, dans l’état de Benue (centre du pays).

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Capture d’écran du site The News Chronicle, réalisée le 22 octobre 2020

Ces dix membres de la Civilian Joint Task Force, milice d’autodéfense créée en 2013 pour lutter contre Boko Haram, avaient été mitraillés par deux personnes, selon un responsable de la police locale.

L'AFP a également vérifié d'autres publications, prétendant montrer des victimes en Guinée après les élections, mais qui montraient en réalité des victimes en RDC.

Un an de contestation en Guinée 

En Guinée, le scrutin présidentiel du 18 octobre marque le point culminant d’un an de contestation contre le président Alpha Condé. 

Ce dernier brigue à 82 ans un troisième mandat controversé.

Le nombre de mandats présidentiels est limité à deux mais Alpha Condé, élu en 2010 et réélu en 2015, estime que la Constitution qu'il a fait adopter en mars remet son compteur à zéro.

Depuis octobre 2019, l'opposition s'est mobilisée contre un troisième mandat. La contestation a été durement réprimée. Des dizaines de civils ont été tués.

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Le président Alpha Condé met son bulletin de vote dans l’urne, le 18 octobre à Conakry

Après avoir annoncé le 20 octobre une large victoire de M. Condé dans quatre des 38 circonscriptions du pays, la commission électorale a annoncé le 21 octobre les résultats de 16 nouvelles circonscriptions. Alpha Condé remporte la majorité absolue dans les deux-tiers d'entre elles.

Le président sortant a lancé le 21 octobre un "appel au calme et à la sérénité, en attendant l'issue du processus électoral en cours".

Cellou Dalein Diallo a, lui, dénoncé dans une vidéo "l'armée de fraudeurs" qui donnent la victoire à Alpha Condé.

La publication d'un résultat national devrait prendre encore quelques jours et un éventuel second tour est programmé le 24 novembre.

Edit du 23/10/2020 : ajoute mention d'autres publications vérifiées par l'AFP

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