J. L. (Jean-Philippe)

  • Cet article date de plus d'un an
  • Publié le 04 avril 2019 à 08:59
  • Mis à jour le 17 novembre 2023 à 12:34
  • Lecture : 4 min
  • Par : Isabelle LIGNER
Âge 17
Blessé le 6 décembre
Lieu de la blessure Béziers
Oeil Gauche
Certificat médical consulté Oui
Arme mise en cause LBD
Plainte Oui
Enquête administrative IGPN

J. L fait partie des trois mineurs éborgnés depuis le début du mouvement. Lycéen en bac pro, il a été touché lors de heurts devant son établissement. "Ni gilet jaune, ni manifestant", il était un simple élève qui sortait de sa cité scolaire, selon son père. Joint par l'AFP début février, ce dernier a souhaité préserver son anonymat et celui de son fils. A l'occasion des un an du mouvement des "gilets jaunes", il a accepté de faire le point sur sa situation. 

Edit du 01/07/2019 : une information judiciaire a été ouverte pour éclaircir les circonstances de l'évènement, a annoncé à l'AFP le procureur de la République. 

L'information judiciaire a été ouverte pour "violence volontaire ayant entraîné une infirmité" alors que l'enquête de l'IGPN n'a pas permis de déterminer qui était le tireur ni si l'utilisation de l'arme a été conforme, a précisé le procureur Yvon Calvet. 

Pourquoi étiez-vous là ?

J., 17 ans, sortait de son établissement scolaire, où se déroulaient des heurts entre lycéens, des "gilets jaunes" et des policiers, selon son père. "Mon fils n'était ni manifestant, ni gilet jaune, il sortait tout simplement de son lycée", insiste-t-il auprès de l'AFP.

Que s'est-il passé ?

Le 6 décembre au matin, devant une cité scolaire, une manifestation, réunissant quelque 300 lycéens contre les réformes gouvernementales, notamment Parcoursup, à laquelle s'étaient mêlés des "gilets jaunes", avait dégénéré. Du mobilier urbain avait été dégradé et des projectiles lancés contre les forces de l'ordre, qui avaient fait usage de gaz lacrymogènes, de grenades de désencerclement et de LBD40, selon un correspondant de l'AFP présent sur place.

Lors des heurts, le jeune homme a été touché à l'oeil gauche "sans aucun doute possible" par un tir de LBD40, affirme son père. Le correspondant de l'AFP présent sur place n'a pas été directement témoin de la blessure, mais une intervention des pompiers pour un jeune homme blessé a été enregistrée aux abords du lycée à 10h10.

Quelle est votre vie maintenant ?

Opéré le 14 décembre, le jeune homme a subi une reconstruction faciale mais a perdu l'usage de son oeil gauche. Son père, qui attend désormais que “justice soit faite”, avait lancé à la télévision un appel à témoin. Il souhaite que l'origine de la blessure de son fils soit reconnue et qu'il y ait une indemnisation.

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A l'occasion du premier anniversaire de lancement du mouvement, l'AFP a réinterrogé mi-octobre 2019 les manifestants éborgnés.

"Il fait aller", dit de J. L son père. "La vie continue, il y a plus grave que ça, il y a plus malheureux que nous. Attention, je ne minimise pas les faits. Je ne dis pas non plus qu'il était prêt à vivre ce genre d'évènement mais il peut le surmonter. Il continue sa vie comme il peut (...). Cette année finie et le bac en poche, il compte bien partir pour continuer ses études à Bordeaux ou Paris."

"Je n'en veux pas à la police", ajoute le père du lycéen , "ce sont des personnes volontaires et dévouées à la population, qui font un métier bien difficile dans des conditions pas toujours adéquates. Il faut juste que quand une faute grave est commise elle soit reconnue par la personne qui est en cause. Cela s’appelle l’honnêteté".

Situation judiciaire : "Le parquet a requis l'ouverture d'une information judiciaire contre X le 25 juin 2019 du chef de violences volontaires ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente commise par une personne dépositaire de l'autorité publique dans l'exercice de ses fonctions. Elle est toujours en cours" a indiqué fin octobre à l'AFP le procureur de la République de Béziers Raphaël Balland.

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A l'occasion du cinquième anniversaire de lancement du mouvement, l'AFP a réinterrogé à l'automne 2023 les manifestants éborgnés.

Poursuivi pour blessures involontaires, le policier auteur de ce tir a été relaxé le 20 octobre 2023 par le tribunal correctionnel de Béziers, au bénéfice du doute, après quatre heures d’audience et 20 minutes de réflexion des magistrats, après cinq ans d’enquête et d’instruction.

"Je suis surpris et choqué", a réagi le jeune homme, 21 ans, reconnu officiellement comme victime d’un des cinq tirs de LBD recensés ce jour-là par l’enquête de l’IGPN, dans un entretien avec France Bleu Hérault, après l’audience.

Il répète que ce jour-là il ne manifestait pas et ne faisait que sortir de son lycée.

Le parquet, qui avait requis six mois de prison avec sursis, a fait appel de ce jugement. Le parquet général a également fait appel.

"La décision rendue est méprisante", a déploré Luc Abratkiewicz, l'avocat de Jean-Philippe, parlant d'"une immense déception" et d'"une grande frustration".

Le policier jugé a depuis été muté en Gironde.

Retrouvez notre dossier sur les manifestants, passants, lycéens grièvement blessés à l'oeil durant l'hiver 2018-2019.

Edit du 01/07/2019 : ajoute ouverture d'une information judiciaire
Edit du 13/11/2019 : ajoute nouveau témoignage et actualisation judiciaire
Edit 17/11/2023 : article mis à jour

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