Une vidéo de manifestation contre le départ du groupe armé M23 de la ville congolaise d'Uvira ? C'est trompeur

Fin décembre, des manifestants sont descendus dans les rues de Goma, dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), ville controlée par le groupe armé antigouvernemental M23. Ils s'opposaient au retrait des troupes M23 de la ville d'Uvira, située dans la même région. Dans ce contexte, une vidéo montrant une foule regroupée au stade de l'Unité de Goma a été présentée sur les réseaux sociaux comme la preuve en image de cette mobilisation. Mais c'est trompeur : cette séquence a été filmée en février 2025, lors du premier meeting du M23 à Goma.

Le 10 décembre dernier, le groupe armé M23, soutenu par le Rwanda et son armée, a pris le contrôle des principaux points stratégiques d'Uvira. Ceci malgré la signature, aux Etats-Unis, d'un accord de paix entre Kinshasa et Kigali (dépêche archivée ici).

Après la prise de Goma en janvier, puis de Bukavu en février, la percée de ce mouvement a suscité de vives réactions de la communauté internationale. Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres avait condamné en début d'année "avec la plus grande fermeté" cette offensive, avant d’appeler à la "cessation immédiate des hostilités" (dépêche archivée ici). 

Le 16 décembre, le M23 a finalement annoncé qu'il allait, à la demande de Washington, retirer ses forces d'Uvira (dépêche archivée ici). 

Quelques jours plus tard, le 22 décembre, des centaines de personnes se sont réunies à Goma pour protester contre ce retrait du M23 d’Uvira, comme l'a rapporté un journaliste qui travaille pour l'AFP (lien archivé ici). Le gouvernement congolais a qualifié cette manifestation de "marche forcée" dans un communiqué (lien archivé ici). 

Sur les réseaux sociaux, plusieurs publications (1, 2, 3, 4, 5) ont présenté une vidéo comme la preuve d’une grande marche d’opposition au retrait du M23 d’Uvira. Dans cette séquence de 39 secondes, une foule est amassée dans les rues aux abords d'un établissement sur lequel est inscrit : "stade de l'Unité". 

"Les images parlent. Plus de 250.000 personnes ont manifesté à Goma, s'opposant au départ de AFC/M23 de Uvira et demandant un dialogue sincère (sic)", soutient par exemple ce post qui a suscité près de 800 mentions "j’aime".

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Capture d'écran d'une publication Facebook, réalisée le 25 décembre 2025 / croix rouge rajoutée par la rédaction de l'AFP.

Mais la vidéo que nous vérifions n’a aucun lien avec la manifestation du 22 décembre à Goma et précède de plus de dix mois l’occupation d’Uvira par le M23.

Des images décontextualisées

Une recherche d’image inversée, réalisée avec l'outil de vérification Invid-WeVerify, nous a permis de retrouver des occurrences plus anciennes de la vidéo qui circule actuellement sur les réseaux sociaux.

Sur Facebook et X, plusieurs internautes l'ont diffusée le 6 février 2025, en indiquant qu’elle montrait un meeting populaire organisé par le M23 à Goma (liens archivés ici et ici). Le même jour, une publication sur TikTok a relayé la même scène sous un angle différent (lien archivé ici). 

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Comparaison entre des publications Facebook (à gauche) et X (à droite), captures d'écran réalisées le 25 décembre 2025 / Croix rouge et encadrés de couleur ajoutés par la rédaction de l'AFP.

En examinant la vidéo que nous vérifions, on aperçoit des correspondances visuelles, notamment des personnes qui se tiennent debout sur deux conteneurs métalliques de couleur bleu et marron.

Ces éléments sont également visibles dans les images d'un reportage de France 24 datant du 6 février 2025 et portant sur le meeting du M23 à Goma du même jour (lien archivé ici). 

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Comparaison entre deux captures d'écran d'une publication Facebook (à gauche et au milieu) et une séquence YouTube du journal télé France24 (à droite) / captures d'écran réalisées le 25 décembre 2025 / Croix rouges et Encadrés de couleurs ajoutés par la rédaction de l'AFP.

Le 6 février, le M23, qui s’était emparé de la ville de Goma quelques jours auparavant, avait rassemblé des dizaines de milliers d'habitants au stade de l’Unité. Cette rencontre visait à leur présenter les nouvelles autorités nommées par le groupe armé. Corneille Nangaa, chef du groupé armé, avait déclaré : "On veut libérer tout le Congo" (dépêche archivée ici). L’ancien président de la commission électorale de la RDC avait également assuré que le groupe armé allait "chasser" le président congolais Felix Tshisekedi. 

"Retrait" du M23 d’Uvira

Le 17 décembre, la coalition M23 a affirmé avoir entamé son retrait de la ville d’Uvira (dépêche archivée ici). Les forces armées congolaises avaient alors qualifié l'annonce de "simple coup médiatique destiné à tromper l’opinion", tant les affrontements entre les deux camps se poursuivaient (dépêche archivée ici). 

Selon des sources locales interviewés par l'AFP, des policiers et agents en civil du M23 y étaient encore présents le 30 décembre, alors que de centaines de familles fuyant des combats dans la région affluaient vers la ville (lien archivé ici).

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Un homme déplacé pousse ses affaires sur une bicyclette après avoir parcouru une longue distance, alors qu’il retourne dans sa région à la suite de la prise de la ville d’Uvira par le M23, dans l’est de la République démocratique du Congo, le 13 décembre 2025. (AFP / JOSPIN MWISHA)

La crise actuelle dans l'est de la RDC a été provoquée par l'extension, il y a quatre ans, de l'activité des groupes rebelles, dont le plus important est le M23. 

Le groupe armé a depuis pris le contrôle de plus d'une centaine de localités et villes congolaises, y compris les chefs-lieux du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Les structures de pouvoir parallèles qu’il a mises en place dans les zones sous son contrôle échappent à l'autorité du gouvernement congolais.

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